C'est dans la consternation que cet ami de l'Association de la Rampe Louni Azerki Casbah nous a quittés à jamais le 2 août 2014, terrassé par la maladie, digne et stoïque dans une pénible épreuve à l'âge de 69 ans. Fils de Mostefa Bensmaïa dont le père fût Abdelhalim Bensmaïa, le monumental rhétoricien de notoriété universelle, le défunt Chakir a spontanément et avec enthousiasme répondu à notre sollicitation pour la célébration d'un acte de mémoire à l'endroit de son illustre grand-père. Ce «fakih» encyclopédiste natif de la Cité antique qui, décédé le 4 janvier 1933, a été enseveli une seconde fois par le syndrome hideux de l'oubli pendant plus d'un demi-siècle pour redevenir malheureusement un illustre inconnu dans son fief qu'est La Casbah d'Alger. Celle qu'il a sillonnée des années durant, fier et altier avec sa légendaire tenue traditionnelle algérienne sur son cheval blanc, monture jadis proverbiale et anecdotique de résistance culturelle face à une autorité coloniale raciste et ségrégationniste d'un autre âge. Avec sa précieuse contribution et sa coutumière amabilité, le regretté Chakir s'est laborieusement impliqué pour l'organisation d'une rencontre thématique consacrée à l'immense Abdelhalim Bensmaïa sur les lieux-mêmes où celui-ci, en professeur émérite, a intensément œuvré pendant plus de trente années au rayonnement de la culture algérienne dans son sanctuaire d'érudition que fût à son âge d'or la Medersa d'Alger, majestueuse dans sa symbolique savante à l'entrée principale d'El Mahroussa. Après une minutieuse recherche bibliographique menée en commun avec les membres de l'Association, le regretté Chakir a mis à notre disposition ses propres et précieuses archives familiales, enrichies par une documentation iconographique inédite qui nous a également été offerte par son cousin aîné Si Abderrahmane, doyen de la lignée des Bensmaïa, âgé aujourd'hui de 84 ans. Ce «conclave» de la mémoire qui a eu lieu le 1er juin 2013 au palais El Menzeh, toujours à La Casbah, fut un inoubliable événement marquant où la très nombreuse assistance a redécouvert en la circonstance un pan d'histoire, de culture et de savoir de l'intelligentsia algérienne à travers une brillante conférence animée par le professeur Djilali Sari, auteur de plusieurs ouvrages centrés sur cette thématique. Au souvenir de Chakir, nous garderons cette radieuse image d'un moment de bonheur vécu ensemble avec la population de La Casbah, la jeunesse, les lycéens, la communauté universitaire et les membres de la grande famille des Bensmaïa regroupés pour la première fois en cette heureuse circonstance. Une revanche salvatrice a été accomplie ce jour-là contre l'oubli, ceci dans la solennité de l'émotion d'une véritable communion de pensée collective, à dessein de la réappropriation et de la pérennisation de nos valeurs dans leur matrice patrimoniale que sont les lieux de mémoire de La Casbah d'Alger. A ce propos, nous tenons à remémorer cette sublime expression d'espoir de Chakir qui visiblement satisfait à la clôture de la rencontre s'est ainsi exclamé : «Je suis aujourd'hui comblé par la résurrection de la mémoire d'un véritable patrimoine authentiquement civilisationnel de la Cité antique qui ainsi immortalisé, demeurera désormais un repère pour la jeunesse et les générations montantes.» Adieu cher ami lors de la première semaine de Ramadhan, venus te rendre visite avec le vice-président de l'Association, Rabah Haouchine, ton camarade de promotion du service national des années 1970 à la wilaya d'Alger, nous n'avions malheureusement pu te revoir. Souffrant, tu n'as pu que nous transmettre, le lendemain, un ultime et prémonitoire message par SMS, où tu as promis de nous rappeler au moindre répit de la maladie. Hélas, le destin en a décidé autrement et la volonté divine a naturellement prévalu pour rejoindre ton célébrissime emblématique grand-père et reposer à ses côtés dans cette même tombe du mausolée de Sidi Abderrahmane. Celle que tu avais pieusement fleurie lors de l'inoubliable hommage qui lui a été rendu en ce lieu même un samedi 1er juin 2013 pour y demeurer à ton tour dans la paix céleste à l'éternité. A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons.