C'est en ce juillet évocateur de la résurrection de la nation algérienne du naufrage ténébreux de la longue nuit coloniale, que la naissante M'dinet El Casbah a inauguré avec éclat sa première sortie sur la scène publique, enrichissant ainsi le mouvement associatif de la Cité antique à dessein de la valorisation et de la réappropriation de son précieux patrimoine plurimillénaire. Avec la contribution de l'APC d'Alger-Centre, M'dinet El Casbah était ce jour au rendez-vous d'une date révélatrice de l'histoire pour commémorer deux repères majeurs emblématiques de savoir, de culture et de résistance de la Médina d'Alger, hélas méconnus de la jeunesse, car engloutis par l'hydre perverse et hideuse qu'est l'oubli. Le légendaire Abdelhalim Bensmaïa, enfant natif d'El Mahroussa, célébré le 1er juin dernier par l'Association des Amis de la Rampe Louni Arezki, a ainsi ressurgi de nouveau dans toute sa géniale dimension de penseur, d'érudit et de visionnaire aux connaissances de notoriété universelle. Avec une démarche judicieusement appropriée à l'exhumation mémorielle de l'homme hors du commun qu'il fut, de son parcours et de son œuvre féconde, Abdelhakim Meziani, vice-président de l'association, a su avec talent captiver une nombreuse assistance qui dans la ferveur de la pensée a découvert une étape lumineuse de rayonnement culturel et civilisationnel d'Alger et de sa Casbah. Dans cette traversée du souvenir des âges et du temps, une personnalité exceptionnelle adoptée dès l'enfance par la mère Casbah a également été revisitée dans son ascension intellectuelle et son itinéraire d'irréductible nationaliste et d'éducateur de générations devenues des militants indépendantistes pendant la guerre de libération. Cheikh Tahar Meziani, imam, chahid du devoir, car c'est de lui dont il s'agit, est le père de Abdelhakim qui a retracé avec humilité cette trajectoire de l'homme dans sa mission éducationnelle et d'éveil qu'il a accomplie sa vie durant. Un compagnon et ami de longue date de l'éminent cheikh Abderrahmane Djilali, Si Larbi El Hachemi âgé de 90 ans, l'auteur de ces lignes ainsi que le jeune Ahmed Ahcène-Grig, chercheur au CRAG, se sont relayés dans des interventions fort instructives pour la mise en exergue d'une rétrospective biographique et bibliographique de ces hommes qui ont marqué d'une empreinte indélébile la Casbah à travers leur action savante d'un Islam d'universalité et de résistance dans les fondements culturels structurants de la personnalité algérienne. C'est dans une forte symbolique que ce pèlerinage au bout de la mémoire fut dans l'harmonie du bonheur rimé par un répertoire choisi de musique andalouse brillamment interprétée par les prestigieuses formations Nassim El Andalous d'Oran et El Djazaïria El Mossilia d'Alger ; des écoles arrimées à la pérennisation civilisationnelle de ce riche patrimoine ancestral de "R'bab el hanina" pour citer dans le recueillement de la pensée le prince des poètes de la foi, l'immense Sidi Lakhdar Belkhlouf. C'est à cette source limpide de la poésie dans la pureté de sa beauté que se sont abreuvés nos célèbres chouyoukh Abdelhalim Bensmaïa, Abderrahmane Djilali, Mohamed Boukandoura, l'imam Tahar Meziani et tant d'autres qui étaient des mélomanes férus de musique classique algérienne. Une soirée mémorable qui s'est déroulée dans une liesse de convivialité et d'une pensée collective au patrimoine mémoriel de nos ancêtres, aïeuls et aînés, qui avec la perspicacité de Nacer Benmerabet, le chef d'orchestre d'El Djazaïria El Mossilia a connu un intense moment d'émotion généré par l'interprétation sublime de "Men ibet", un hymne d'amour à l'Algérie au souvenir du monumental faqih Mustapha Benlakbabti, muphti de la Grande Mosquée d'Alger, farouche résistant, moudjahid déporté en 1843 par la France coloniale à Alexandrie (Egypte) où il mourut en 1860 consumé par l'atrocité déchirante de l'exil. Encore un lien dans la lignée généalogique de résistance à l'invasion coloniale de Abdelhalim Bensmaïa dont Mustapha Benlakbabti était l'illustre arrière-grand-père maternel. L'événement qui a eu lieu dans le célèbre cinéma le Casino restauré avec un art de raffinement esthétique, qui était celui de salles de renommée du Vieil Alger d'antan, a rassemblé en la circonstance des personnalités de la communauté culturelle, à l'image de Nouredine Saoudi, Smain Hini, Brahim Beladjereb de Koléa, des références de la musique andalouse, ainsi que Mustapha Larfaoui, une notoriété du mouvement sportif algérien. La descendance familiale d'Abdelhalim Bensmaïa était présente dans le ravissement de la cérémonie en compagnie de maître Chakir Bensmaïa, le petit-fils direct de l'illustre savant disparu. La trame de ce ressourcement de la mémoire est édifiée par une maxime chère au célèbre écrivain-poète français Marcel Proust qui disait : "Le culte du souvenir est la condition de survie de l'âme d'un peuple." L. A-A. (*) Président de l'Association les Amis de la rampe Louni Arezki Casbah [email protected] Nom Adresse email