Proposé dans pas moins de 42 coloris unis chez Ralph Lauren, strié en dégradé de rouge sur fond blanc dans la collection Hugo de Hugo Boss, à fines rayures multicolores chez Lacoste ou nettement plus larges, dans un esprit rugby, chez Façonnable ou Hackett — en passant par les 3 Suisses et la Redoute —, le polo a plus que jamais le vent en poupe. « Il est omniprésent dans les collections actuelles, car il est parfaitement adapté au quotidien de chacun, avance l'Américain Michael West, directeur artistique de la griffe française Façonnable depuis deux ans. « C'est un vêtement à la fois chic et pas compliqué, facile à porter comme à entretenir. » Pour ainsi dire, le polo résume l'ensemble des critères et des valeurs du style sportswear, que la mode américaine prône depuis les lendemains de la Seconde Guerre mondiale. « Aux Etats-Unis, explique Michael West, il est également très populaire, car il reflète parfaitement la culture de ce pays. C'est un vêtement informel tout en restant de bon ton dans des occasions plus habillées. » Pour sa part, le créateur Tommy Hilfiger le définit même comme le pivot de la garde-robe masculine d'outre-Atlantique. « On peut aussi bien le porter avec un jean et des baskets qu'avec une veste habillée. Il suffit d'en avoir quelques-uns de couleurs différentes dans son placard et le tour est joué, à tous les coups. » Dans chacune de ses collections depuis ses débuts, en 1984, Hilfiger étoffe sa collection de polos basiques, en blanc, en noir, marine ou encore en rouge, des modèles aux coloris plus saisonniers. Sur la poitrine, à l'emplacement du cœur, un petit drapeau authentifie le modèle. Ce cachet est bien différent d'une griffe à l'autre — un joueur de polo pour Ralph Lauren, les initiales CK pour Calvin Klein... —, car derrière ce polo national se cache toute une codification sociale liée à son histoire, dont les racines sont tout sauf populaires... ou américaines. Comme son nom l'indique, le polo est né sur un terrain de polo. Mais en Inde, à l'aube du XXe siècle, les colons anglais se défoulaient en pratiquant ce sport huppé, en maillot de corps doté d'une petite fermeture à l'avant, de manches courtes et d'un col mou en tricot. En 1901, le maharaja de Jodhpur — inventeur, par ailleurs, de la culotte d'équitation — a eu l'idée de retailler cette chemisette dans une version plus droite et raccourcie sur les hanches. Les Anglais rapportent ce premier polo de l'Histoire dans leurs valises, mais le climat de la frileuse Albion le relègue vite au fond des placards. En 1927, la saga du polo rebondit par des biais détournés, en France sur un court de tennis. Vainqueur de la coupe Davis, René Lacostes met au point une liquette en maille piquée pour son usage personnel. Sur la poitrine, le champion fait broder un crocodile en clin d'œil au surnom qui lui est donné dans les gradins. L'heure de sa retraite sportive ayant sonné, il fait commerce de son vêtement au confort éprouvé à partir de 1933. La petite broderie devient le sceau de la marque. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l'ancêtre indien du polo ressort aussi des placards dans les pays anglo-saxons. Et de se démocratiser aux états-Unis. Tout d'abord adopté par les joueurs de cricket, de rugby et de polo, on y imprime ici de larges rayures bicolores et des numéros pour différencier les équipes. Dans la compétition s'ajoutent aussi des blasons et, éventuellement, un col blanc — symbole d'élite — lorsque les formations sportives sont issues des écoles préparatoires aux prestigieuses universités Yale ou Harvard.