Le nouveau drame survenu en Méditerranée rappelle celui d'octobre 2013, lorsqu'au moins 400 personnes, dont beaucoup de femmes et d'enfants, avaient trouvé la mort dans deux naufrages près de l'île italienne de Lampedusa. Les drames ne cessent de se multiplier pour ceux qui tentent de rejoindre l'Europe par la Méditerranée. Et à chaque fois, c'est la question sur la responsabilité et le rôle de l'agence Frontex, chargée de surveiller et de protéger les frontières extérieures de l'espace européen, qui se pose. Depuis son apparition, en 2005, et le déploiement des troupes en uniforme orné d'écusson étoilé — comme ceux de l'UE — Frontex ne cesse de renforcer moyens de surveillance : 26 hélicoptères, 22 avions légers et 113 navires et pas moins de 476 appareils techniques de surveillance. Comment avec tout cet arsenal, les embarcations de migrants en difficulté, arrivent-elles toujours à échapper à ses «radars» ? Idem pour les «radars» de l'Eurosur, le tout dernier système de surveillance des frontières de l'UE, déployé au lendemain de la tragédie de Lampedusa. D'autant que à peine quelques jours après le drame de Lampedusa, Bruxelles s'était empressée de crier haut et fort que «la solution pour prévenir les morts en mer serait d'accélérer la mise en place d'Eurosur pour mieux surveiller les bateaux de réfugiés et investir des ressources supplémentaires afin de lancer une grande opération de sauvetage en Méditerranée sous l'égide de l'agence Frontex». Des messages récurrents n'ont eu de cesse de dénoncer Migreurop et Cimade, les deux réseaux d'associations de défense des droits des migrants, demandeurs d'asile et réfugiés. Car, malgré le quadrillage des côtes européennes par les navires de l'OTAN et la Frontex, des milliers de personnes meurent ou disparaissent chaque année. Au moment où les 400 victimes s'engloutissaient, une à une, dans les fonds marins près de l'île de Lampedusa, l'Adroit, un patrouilleur hauturier français, était toujours à l'ouest de la Méditerranée dans le cadre d'une mission de 5 semaines que lui avait confiée… Frontex. Des moyens colossaux Cette dernière, pourtant forte de réseaux de «mouchards» et d'équipements de surveillance, avait, encore une fois, orienté ses «radars» vers la mauvaise direction : sa «maladresse» dans la mobilisation, à coup de milliers ou millions d'euros, de l'Adroit avait coûté la vie à des centaines de personnes. L'imposant bâtiment qui «ratissait» la façade maritime entre l'Espagne et le Maroc, n'était, semble-t-il, pas au bon endroit pour pouvoir intercepter les embarcations qui échouaient de l'autre côté de la Méditerranée. Pourtant, ce mastodonte flottant est doté d'équipements qui laissent «naviguer» entre mille et une interrogations quant à ses capacités de détection : drones de surveillance, intercepteurs de guerre électronique, portes de bordée, moyens de communication haut débit et sécurisés, aides au commandement, etc. De quoi garantir un champ d'actions assez vaste, assure son concepteur, DCNS. Idem en matière de capacités d'intervention, considérant les embarcations rapides pour commandos et les hélicoptères d'assaut ou de transport existants à bord. Mobiliser pendant 5 longues semaines le tout nouveau bâtiment, qui est en fait un prototype, implique des coûts que seule Frontex pouvait se permettre. D'où les dénonciations du flou juridique qui caractérise sa gestion et le sauvetage en mer de migrants illégaux que se multiplient depuis des années, Migreurop, la Cimade, le Groupe Frontexplode, les meneurs de la campagne Frontexit, des sociologues, politologues, juristes et activistes anonymes des deux rives de la Méditerranée. Ce flou, l'Italie, allié dévoué de Frontex, ne fait que l'entretenir. Pour preuve : en vertu des dispositions de la nouvelle loi nationale sur l'immigration clandestine, de lourdes amendes avaient été infligées à des pêcheurs italiens pour avoir osé secourir en mer des migrants.