Trois sondages publiés hier ont fait, certes, état d'une victoire du «non», mais ont révélé également une forte proportion d'indécis, rendant le résultat de la consultation d'aujourd'hui imprévisible. Les autorités britanniques doivent certainement être en train de se tenir le ventre à l'heure qu'il est. Il y a de quoi. C'est aujourd'hui qu'a lieu le référendum sur l'indépendance de l'Ecosse. Un «oui» majoritaire devrait marquer inévitablement la fin de l'union vieille de 307 ans entre l'Ecosse et l'Angleterre. Les Anglais devraient subir alors le second plus grand traumatisme de leur histoire, le premier ayant été la perte de l'Inde en 1947. L'indépendance de l'Inde a néanmoins la particularité d'avoir fait perdre au royaume britannique, grâce au combat inlassable de Gandhi et Nehru, son statut d'empire. Et une indépendance de l'Ecosse (5,3 millions d'habitants) aura pour effet d'amoindrir davantage le poids de la couronne britannique. C'est cette idée de devoir perdre encore de leur prestige et de leur influence en Europe et dans le monde que les Britanniques ne supportent pas. Face à de tels enjeux, Londres retient son souffle. Pour éviter ce qui s'assimile pour eux à une catastrophe, David Cameron et l'ensemble de la classe politique britannique se sont mobilisés, ces dernières semaines, pour dissuader les Ecossais d'acter la séparation. David Cameron et ses partisans sont ainsi apparus prêt à toutes les concessions pour garder l'Ecosse dans l'Union. Dans leur déclaration solennelle en faveur d'une plus grande autonomie de l'Ecosse, conservateurs, travaillistes et libéraux-démocrates britanniq ues ont même promis de préserver la «formule Barnett», une méthode de redistribution de l'argent des impôts qui a toujours avantagé les Ecossais, notamment pour financer leur système de santé. Mais cette offre a provoqué bien des remous à Westminster. Des députés de tous bords commencent à trouver le prix du maintien de l'Ecosse au sein du Royaume-Uni bien élevé et appellent même, si le non l'emporte, à la création d'un Parlement strictement anglais pour réparer d'éventuelles injustices. Nouveau chapitre Pour couper l'herbe sous le pied des partisans du «non», le chef du camp favorable à l'indépendance, Alex Salmond, a mobilisé 40 000 militants pour distribuer trois millions de tracts jusqu'aux dernières heures de la campagne, selon la presse. Cette indépendance «faisons-la !», a appelé le leader des indépendantistes dans une lettre solennelle adressée au peuple écossais. «Réveillez-vous vendredi matin au premier jour d'un pays meilleur. Réveillez-vous en sachant que vous l'avez fait», écrit-il. «Il s'agit de prendre en main le destin de votre pays. Ne laissez pas passer cette chance. Ne les laissez pas nous dire que nous ne pouvons pas.» Malgré toutes ces démonstrations de force, rien n'est encore joué. Trois sondages publiés hier faisaient, certes, état d'une victoire du non, mais ils révélaient également une forte proportion d'indécis, rendant le résultat de la consultation d'aujourd'hui imprévisible. Et avec un record de 97% d'électeurs inscrits sur les listes, chaque vote va compter. Le suspens ne sera aussi que plus grand. Les bureaux de vote ouvrent ce matin à 6h GMT et fermeront à 21h GMT. Le résultat du référendum devrait être connu demain (vendredi) en tout début de matinée. Quel qu'il soit, le scrutin changera en profondeur la face du Royaume-Uni. Il est possible aussi que des «sujets» du royaume voudront suivre l'exemple de l'Ecosse, ce qui programmerait inéluctablement l'éclatement du Royaume-Uni. C'est pourquoi jamais les Anglais n'ont semblé autant fébriles et aussi inquiets que ces derniers jours. Ils savent mieux que quiconque que puissance rime souvent avec territoire.