A la veille du jour le plus long, le référendum historique sur l'indépendance de l'Ecosse a mis sens dessus dessous les Britanniques partagés en camps rivaux mettant leurs dernières forces dans la bataille qui fait rage à Edimbourg, Glasgow, les bourgades et la multitude d'îles en effervescence. Pour tenter de conjurer le mauvais sort de la fin de l'union, vieille de 307 ans, les unionistes forcent sur la symbolique de l'Union Jack brandie, tard la nuit, à Gretna Green, la ville frontière entre l'Ecosse et l'Angleterre, parsemée de chandelles. Lors du match du mythique club des Rangers de Glasgow, le drapeau britannique floqué du « No » flottait dans les tribunes. Les Scots, appelant au divorce, n'en démordent pas. A Burnmouth, plus à l'Est, le « Yes » trônait sur la façade d'une maison parée du drapeau bleu et blanc écossais. En cette fin de campagne épique, la vieille union tremble dans ses fondations. Elle fait retenir le souffle aux partisans et aux opposants à l'indépendance de l'Ecosse dont l'issue s'avère des plus incertains. A en croire les trois sondages, publiés au soir du mardi, il semblerait que le « non » (58%) l'emporterait sur le fil du rasoir. Mais le poids des indécis, jugé déterminant, fait encore courir les chefs de file des deux camps battant le rappel des troupes. « Cette indépendance, faisons-la », a clamé le leader indépendantiste, Alex Salmond. Dans une lettre adressée aux Ecossais, il a appelé ses compatriotes à se « réveiller vendredi matin au premier jour d'un pays meilleur ». Pour lui, il s'agit de reprendre en main le destin de votre pays. Ne laissez pas passer cette chance. Ne les laissez pas nous dire que nous ne pouvons pas ». Dans les dernières heures d'une campagne dense, le camp du « Yes » a mobilisé 40.000 militants pour distribuer trois millions de tracts. De son côté, le leader des partisans du « No », Alistair Darling, a vanté les mérites de la manne budgétaire et d'une autonomie accrue accordées par Londres dans le cas du maintien de l'Ecosse dans le Royaume, jugé bien plus profitable que « les années d'errance » de l'indépendance. Le forcing des dirigeants des trois partis dominants (conservateur, travailliste et libéral démocrate), largement soutenus par la City, suffira-t-il à sauver les 4 siècles de l'Union Jack (1707) d'une fin d'époque désastreuse ? Le serment, écrit sur un papier parcheminé, jure fidélité, en réponse aux exigences d'Alistair Darling, à une autre Ecosse dotée de nouvelles prérogatives, notamment fiscales, au parlement régional d'Hollywood. Sur le gril, le Premier ministre David Cameron, qui entend briguer un second mandat en mai 2015, joue sa survie. Son appel émouvant lancé aux électeurs de ne pas « briser cette famille », sera-t-il entendu ? En tout état de cause, Cameron a placé la barre très haut dans le cas d'un « divorce acrimonieux ». La naissance du nouvel Etat, officialisée par la proclamation d'indépendance le 24 mars 2016, doit passer par une phase de dures négociations avec Londres qui a d'ores et déjà refusé l'usage de la livre sterling. Les questions sensibles du contrôle des frontières, du partage de l'or de la mer du Nord et de la dette sont au cœur d'une possible séparation que le Premier ministre britannique annonce qu'elle ne se fera pas à l'amiable. Le syndrome écossais, vécu favorablement par des Gallois, des Nord-Irlandais et même des députés anglais réclamant une autonomie accrue, délivrera tous ses secrets au matin du vendredi de tous les enjeux.