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L'éthique académique : Réalité ou illusion ?
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Publié dans El Watan le 21 - 09 - 2014

Parmi les éthiques se distingue celle du développement durable. Précisons que ce courant fait partie des éthiques anthropocentriques (Sauvé, & Villemagne, 2006), dans lesquelles l'être humain est le centre de la moralité.
Selon cette approche, l'humain domine la nature dont il utilise rationnellement les ressources, afin de ne pas entraver la croissance économique, vue comme une condition essentielle du bien-être humain (Sauvé, & Villemagne, 2006). Les débats sur ce sujet ont permis à plusieurs experts, sociologues et philosophes, de rappeler les significations réelles de ces deux notions et leurs implications, en tentant non pas de trouver des réponses fermes aux paradoxes du développement durable, mais de questionner les moyens de mise en œuvre. La question qui nous interpelle tous est donc : comment développer notre pays quand le sens de l'éthique fait défaut ?
Qu'est-ce que l'éthique ?
En éthique, il est évidemment question de valeurs, de principes qui donnent des grandes orientations à l'action, qui fixent des attitudes de normes et de règles. L'éthique établit donc des critères de conduite. Elle est la source d'inspiration des règles juridiques : les règles morales sont souvent érigées en loi. La finalité de l'éthique fait donc d'elle-même une activité pratique.
L'éthique comme compétence professionnelle
L'exigence éthique fait désormais partie intégrante de l'image-même d'une institution académique. La société académique a pour mission de contribuer à la production de savoirs et de référentiels. Mais l'acte éducatif ne se réduit pas à un simple transfert de connaissances : il implique tout un apprentissage des valeurs. Il est le lieu d'une sensibilisation aux enjeux éthiques de l'être-ensemble. Mais, au-delà de l'affichage des normes collectives dans la charte de l'éthique et de la déontologie, ainsi que des divers programmes de développement durable, au-delà des généreuses déclarations d'intention, il est tout aussi important de s'interroger sur leur fonction, sur leur efficacité réelle, envisagées, cette fois-ci, du point de vue des acteurs qui en sont partie prenante.
Quelle forme prend pour chacun — enseignants, étudiants et staff administratif — l'éthique vécue dans le contexte professionnel, l'éthique qui se fait au quotidien, dans la pratique concrète des relations humaines ? Quels sont les ressorts de cette sensibilité collective qu'on appelle parfois, sans trop savoir s'il s'agit d'un code d'honneur ou d'une véritable ligne morale, «l'éthique académique» ? Je propose d'explorer ces questions en les parcourant dans les deux sens : de l'individu au collectif, et du collectif à l'individu, sans perdre de vue les interactions complexes de ces deux niveaux avec l'environnement humain et social qui constitue le milieu naturel de l'institution académique. Et pour ce faire, concentrons-nous sur les institutions de l'enseignement supérieur.
Comment construire un savoir éthique en milieu académique ?
La vocation première de l'école est d'instruire et d'éduquer. Mais s'agit-il de former d'abord des citoyens ou des hommes ? D'inculquer des conduites, celles que réclame le bon fonctionnement de l'institution ou de transmettre des valeurs pour un développement durable ? Parler d'une éthique en milieu académique, c'est inscrire la profession enseignante dans une perspective bien déterminée, celle d'une élaboration collective de valeurs et de normes. Dans le domaine de l'enseignement, elle relève d'une théorie de la valeur, indépendamment des convictions et de l'engagement personnels des enseignants, l'adhésion à des références morales qu'on est en droit d'exiger de tous, parce qu'elles sont constitutives de l'acte d'enseigner dans une société démocratique. Elle relève en revanche d'une théorie des normes, c'est-à-dire de la déontologie proprement dite, les devoirs et les obligations concrets auxquels les enseignants et la hiérarchie sont soumis dans l'exercice de leur profession («déon» en grec signifie «ce qu'il faut faire»).
Or, l'éthique dans nos établissements scolaires est devenue aujourd'hui un vrai problème. Elle semble se moquer de la philosophie morale, et s'est totalement détachée de sa coquille de valeurs. Les impacts négatifs de l'application de connaissances posent la question de l'éthique sous un nouvel angle. Certes, certains continuent d'y voir un mécanisme de régulation sociale, un recours efficace dans la gestion quotidienne des manquements aux règles de la communauté scolaire. Pour d'autres, par contre, c'est carrément un enjeu de «développement» personnel. Cette question nous amène à analyser les conditions qui rendent compte de la reformulation actuelle en termes d'éthique professionnelle du vieux problème des valeurs et des normes dont on attend le respect de la part de ceux qui sont institutionnellement chargés d'éduquer et d'instruire la jeunesse.
L'exclusion dans l'opulence
Lorsqu'on décrit le malaise actuel dans l'enseignement supérieur, (et de l'Education) en contraste par exemple avec les années soixante-dix ou quatre-vingts, que veut-on dire ? En termes réels, on parle de la chute du niveau scolaire des étudiants. On parle du manque de motivation de l'étudiant, de son manque d'implication dans son travail scolaire. Mais s'est-on posé la question suivante : à qui la faute ? Il est vrai que l'étudiant a sa part de responsabilité, mais les enseignants ainsi que la hiérarchie n'ont-ils pas aussi leur part de responsabilité dans ce fiasco ?
Pourquoi un étudiant ayant des difficultés scolaires ferait-il des efforts quand il sait qu'en s'adonnant à certaines pratiques contraires à l'éthique, telles que le copiage, parfois largement autorisé, ou espionnage pour le compte de la hiérarchie, peuvent lui faire obtenir les meilleures notes. N'avons-nous pas tous, chers collègues, été amenés à voir des mémoires ou thèses de doctorat plagiés obtenir des 18 sur 20, pendant que certains brillants étudiants, ayant fait un travail personnel, obtiennent une note inférieure ? N'avons-nous pas vu, chers collègues, des présidences de jury tournées en séance de règlement de comptes, soit vis-à-vis de l'encadreur de thèse, soit de l'étudiant lui-même dont le comportement exemplaire ne plaît pas ? Mais le plus grave dysfonctionnement est le suivant : en raison des piètres résultats de certains étudiants, on demande aux enseignants de gonfler les notes d'évaluation, quitte à les trafiquer.
Dûment chapitrés dans leur hiérarchie pédagogique, certains enseignants se voient donc reprocher leurs notes jugées trop mauvaises et on leur demande de faire preuve de davantage d'indulgence. Les novices dans l'enseignement se voient donc contraints d'obéir à la hiérarchie sous peine de voir leur avancement retardé. Les chevronnés, ceux qui ont sacrifié plus de la moitié de leur vie à l'enseignement, ne décolèrent pas. Mais la hiérarchie a tous les pouvoirs ! Comment venir à bout de ces personnes récalcitrantes ? Simplement en annulant leur notes d'évaluation !
Des docteurs et chercheurs se sont vu annuler leurs notes sans aucune explication. Ils se sont pourtant investis pour bien mener leurs tâches pédagogiques. Ils ont fait leur examen tout comme leurs collègues, ils ont corrigé leurs copies, ils ont remis les notes aux étudiants et pourtant celles-ci ne figurent pas sur les PV de délibérations. N'est-ce pas là une atteinte à l'intégrité des enseignants ? N'est-ce pas là un manquement à l'éthique et à la déontologie que de discréditer ainsi des enseignants chevronnés ? Qu'en est-il maintenant du droit de l'étudiant qui a trimé tout un semestre et voit sa moyenne dégringoler, alors qu'un autre étudiant, un tricheur qui a toujours eu ses notes par des moyens contraires à l'éthique, lui vole sa place ?
Le plus injuste est que ce même cancre obtient son passage en classe supérieure en session normale, sans avoir à passer de rattrapage…, au même titre que celui qui a passé des nuits blanches à travailler ! Pourquoi demander à ce cancre de s'impliquer ? Pourquoi reprocher aux éléments brillants leur démotivation ? Puisque l'honnêteté ne paie pas, n'est-ce pas là aussi une façon de pousser les étudiants sérieux à devenir malhonnêtes ? Alors que les établissements d'enseignement supérieur sont supposés être les acteurs principaux pour le développement durable de notre pays, nous constatons que certaines institutions de ce secteur ont pris la tangente et contribuent au sous-développement durable.
Ce qui est en jeu ici, c'est bien sûr la conception que nous nous faisons de la mission de l'université. Si la gestion des incivilités ne peut servir de substitut à l'apprentissage de la morale, il reste à définir les modalités d'une éducation éthique. A qui revient cette tâche ? Les acteurs de l'institution scolaire doivent redéfinir en commun des modèles efficaces d'action et de comportement éthiques, afin d'assurer au mieux le développement de notre pays. Face à la perte de repères et aux inquiétudes éthiques, nous ne pouvons pas continuer à faire semblant que tout va bien alors que le système éducatif va à la dérive. Il est de notre devoir d'abord en tant que citoyens algériens, puis en tant que formateurs de revoir notre façon de gérer l'avenir de la jeunesse algérienne. Nous ne devons pas oublier que notre grande responsabilité est de former l'élite de l'Algérie de demain et que le développement du pays repose sur la qualité des enseignements que nous prodiguons à nos étudiants et cette formation implique une méthode rigoureuse de l'éthique.


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