La nomination à la tête de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel privé de Miloud Chorfi, ancien journaliste sportif à l'ENTV, député RND (Rassemblement national démocratique), parti de la majorité présidentielle, patron d'une chaîne de télévision privée, Al Adjwaa, et de deux quotidiens du même nom paraissant en langues arabe et française, s'inscrit en droite ligne de la vision et de la stratégie de communication officielle visant à aménager un espace audiovisuel sous haut contrôle du pouvoir. La disparition du champ audiovisuel privé de la chaîne Al Atlas, suspendue en pleine campagne électorale, laquelle avait payé cash ses positions contre le quatrième mandat de Bouteflika, se voulait un premier signal dans le sens du verrouillage du champ audiovisuel. Une fermeture consacrée quelques semaines avant l'élection présidentielle par l'adoption par le Parlement de la loi sur l'audiovisuel en janvier 2014, qui n'autorise que la création de chaînes thématiques. Avec un terrain ainsi balisé au plan politique et législatif, la mise en place de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel et la nomination de son premier responsable apparaissent, à l'évidence, comme un non-événement pour ceux qui caressaient le rêve de voir l'Algérie s'engager, même tardivement, dans la voie du pluralisme audiovisuel. Mieux, le choix de la personne de Miloud Chorfi, qui cumule plusieurs «tares» le rendant logiquement inelligible à ce poste. Sa casquette partisane de militant, de surcroît d'un parti du pouvoir, sa qualité de patron d'une chaîne de télévision et de titres privés qui feront forcément de lui une autorité et un observateur partial à la tête de l'instance de régulation qu'il présidera , l'esprit de revanche avec lequel il viendra à ce poste pour régler des comptes avec des patrons de chaînes privées qui ont étalé les scandales de détournement de la publicité de l'ANEP dans lesquels son nom est cité, sont autant de boulets qui lui colleront fatalement au collet. Avec un tel CV, tout laisse penser que le président de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel est en mission commandée et qu'il est investi d'une responsabilité éminemment politique. Ce qui changera avec la mise en place de cette autorité et la nomination de son président ? Rien ! Compte tenu des enjeux stratégiques que constitue le secteur de l'audiovisuel privé dans cette conjoncture politique confuse de lutte pour la succession qui sourd des arcanes du pouvoir. L'Autorité de régulation de l'audiovisuel ne sera qu'un faire-valoir à travers lequel l'Exécutif s'attellera à tirer les ficelles dans l'ombre pour domestiquer ce secteur. Le gouvernement, qui a essuyé des critiques sévères à l'intérieur et à l'extérieur suite à la décision de fermeture ayant frappé la chaîne Al Atlas TV n'aura plus à se mettre en avant et à s'expliquer sur les descentes musclées dans les chaînes de télévision, les mises en garde, les mesures de fermeture de certaines chaînes dérangeantes, les largesses accordées à d'autres bienveillantes à l'égard du pouvoir…. L'Autorité de régulation sera là pour veiller au grain et pour faire exécuter les basses besognes.