La désignation, hier, de Miloud Chorfi à la tête de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel suscite de nombreuses interrogations, d'autant plus que le personnage était, il y a quelques mois seulement, au centre du scandale de la publicité étatique distribuée aux amis, sans justification aucune. La loi sur l'audiovisuel, publiée dans le Journal officiel du 23 mars 2014, sera-t-elle, déjà, bafouée ? Selon la loi, "l'Autorité de régulation de l'audiovisuel est composée de neuf membres nommés par décret présidentiel : cinq membres, dont le président, désignés par le président de la République, deux membres non parlementaires, proposés par le président du Conseil de la nation, deux membres non parlementaires, proposés par le président de l'Assemblée populaire nationale". Donc, Miloud Chorfi a été nommé par le président Bouteflika, ce qui rend sa désignation encore problématique. Car, ce député, cadre du RND, reconverti aux affaires en tous genres, n'est pas le seul ancien journaliste ayant fait un passage à la télévision, capable de prendre en charge cette nouvelle institution. La Télévision algérienne, de même que la Radio nationale ont vu le passage de grands journalistes, de responsables respectés et aussi capables d'assumer cette responsabilité. Pourquoi, alors, Miloud Chorfi, et pas quelqu'un d'autre ? Pourtant, la loi est claire : "Les membres de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel sont choisis pour leur compétence, leur expérience et l'intérêt qu'ils accordent à l'activité audiovisuelle". Mais là où les choses se corsent, concernant cette nomination, c'est lorsque la loi prévoit clairement dans ses articles 63, 64 et 65 les limites imposées aux membres de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel : "Le membre de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel ne peut, directement ou indirectement, percevoir des honoraires ou toute autre forme de rémunération, sauf pour services rendus avant son entrée en fonction. Le membre de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel ne peut détenir, directement ou indirectement, des intérêts dans une entreprise ayant pour objet une activité audiovisuelle, de cinéma, d'édition, de presse, de publicité ou de télécommunications. Il est interdit à tout membre de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel d'exercer une activité liée à toute activité audiovisuelle durant les deux années qui suivent la fin de son mandat." Or, Miloud Chorfi est propriétaire de trois quotidiens et d'une chaîne de télévision, même s'il martèle que c'est son défunt fils qui serait associé et que le nom aurait été maintenu par le propriétaire formel, dans l'ours. Mais personne n'est dupe pour croire que ces médias particulièrement gâtés par la publicité, mais dont le tirage ne dépasse pas les 3 000 exemplaires et qui, plus, cumulaient des dettes auprès de l'imprimerie de l'Etat, seraient la propriété d'un illustre inconnu. Au-delà du conflit d'intérêt que cette nomination pose, c'est surtout cette façon d'agir du pouvoir qui inquiète. En effet, voilà un personnage qui a été directement impliqué dans le scandale de la publicité étatique (il aurait bénéficié de plus de 113 milliards de publicité étatique entre janvier 2011 et septembre 2012). Miloud Chorfi, qui venait tout juste d'être nommé conseiller du président du RND, lui qui avait présidé le groupe parlementaire de son parti des années durant, va devoir, à présent, convaincre les professionnels engagés dans l'aventure audiovisuelle qu'il sera ce président neutre et non pas un président qui fructifierait davantage ses propres affaires et celles du clan qui l'a imposé. Nom Adresse email