La particularité de Ali Kharidji est d'avoir des grands pieds. Pour l'indépendance, Ali Kharidji est sorti manifester dans la rue pour réclamer le droit des peuples à s'autodéterminer, quitte à faire n'importe quoi après en tant que pays souverain. Pour la charte nationale, Ali Kharidji est sorti manifester pour réclamer le pouvoir au peuple, même si pour les créateurs de la charte, le peuple est d'abord une sous-direction du comité central. Pour la guerre contre l'Irak, Ali Kharidji est sorti manifester dans la rue, hurlant sa colère contre l'agression d'un pays totalitaire certes, mais totalement souverain. Pour l'affaire des caricatures danoises, Ali Kharidji est sorti manifester dans la rue contre l'attaque de l'Islam par la voie du rire et des images, même si les musulmans sont aujourd'hui plus risibles que les chrétiens ou les juifs. Pourtant, lorsque Israël a commencé à bombarder le Liban, prétextant l'enlèvement de deux soldats innocents, n'étant que des militaires chargés de tuer militairement les autres, Ali Kharidji n'est pas sorti. Ses voisins se sont inquiétés et se sont demandés ce qu'il avait. Est-il malade, a-t-il mal aux pieds, est-il devenu écœuré par tant d'injustices, blasé par tant d'atteintes, rendu fataliste par tant d'impuissances ? Que s'est-il passé ? Les voisins sont allés voir Ali Kharidji et l'ont trouvé enfermé dans un mutisme, assis face à son poste de télévision. Finalement, c'est Nesrine, sa petite sœur de 11 ans, qui a trouvé la réponse. Ali Kharidji n'est pas sorti parce que tout simplement, personne ne lui a demandé de sortir. Aucun parti, association ou courant lié au pouvoir n'a appelé à manifester la solidarité avec les Libanais. Contrairement à ce qui s'est passé à Rome ou à Madrid, personne n'est sorti. Ali Kharidji n'est pas Espagnol, pas plus qu'Italien. Ali Kharidji a simplement des grands pieds.