Ce voyage vit la conversion de l'Arabie toute entière sous la bannière de l'islam. Les Mosquées de l'époque étaient extrêmement simples et n'avaient point les accessoires que les bâtisseurs ont conçus les tout derniers siècles. L'attention du prophète et de ses compagnons était plutôt retenue par la purification des coeurs et l'embellissement des intentions. C'est ainsi que les murs de la Mosquée ne dépassaient guère la taille d'un homme; au-dessus des murs, on étendait une ombrelle qui abritait contre la chaleur. La fraternisation par l'Islam Le prophète, après ce bref séjour à Qouba, s'est dirigé ensuife sur Médine qu'il a pénétrée en compagnie des Ançars (résidents de Médine) ceints de leurs épées. La joie des habitants de Médine était indicible, qu'on ne peut exprimer. Pour eux, ce jour était un jour de liesse, de jouissance collective; et jamais ils ne furent aussi heureux ni aussi joyeux qu'ils furent du prophète. Les et les enfants étaient sortis dans les rues et chantaient leur hymne universel: «La pleine lune s'est levée, Du côté du col des adieux On doit toute gratitude A tout appel fait au nom de Dieu O messager envoyé parmi nous Ton appel, ne manquera pas d'être obéi». Les gens avançaient derrière le prophète, les uns à pied, les autres sur des montures, et tous se disputaient la bride de sa chamelle et chacun voulait l'avoir pour hôte. Le prophète leur dit alors: - Laissez-la, elle a reçu un ordre -. La chamelle poursuit son chemin jusqu'au moment où elle atteint la cour de la maison appartenant à l'oncle maternel du prophète, Ady fils de Nedjar. Elle s'agenouilla alors en face de la maison d'Abou Ayoub El Ançari dont le nom est Khalid fils de Zaid. C'était là l'emplacement de sa sainte Mosquée. Il dit : C'est là que nous allons nous installer, si Dieu veut. «Il préféra occuper le rez-de chaussée de la maison d'Abou Ayoub afin que cela fut moins fatiguant pour ses visiteurs. Mais Abou Ayoub par égard pour son illustre hôte, ne put y consentir craignant qu'il ne soit affecté par la poussière soulevée et l'eau jetée... Aussi sur l'insistance d'Abou Ayoub, le prophète a-t-il dû accepter finalement de s'installer avec sa famille au premier étage. Quant aux Mouhadjirine (émigrés), ils avaient tous reçu la généreuse hospitalité des Ançars. Ceux-ci avaient ramené chez eux, avec joie et orgueil, les Mouhadjirines désignés à chacun par le sort. Le prophète Mohamed, Bénédiction et Salut Divin Sur lui, fut particulièrement ému du cordial accueil fait à ses compatriotes par ses nouveaux disciples. Mais, dans sa profonde intuition de l'âme humaine, il résolut de resserrer encore les biens de cette amitié si touchante afin qu'elle résistât aux suggestions de la rivalité, inévitable dans l'avenir, entre les Mouhadjirine qui avaient tout abandonné patrie, famille, fortune, pour le suivre, et les Ançar qui lui avaient offert un asile sûr et l'aide à laquelle il devait son triomphe. Chaque parti, n'avait-il quelque raison de réclamer pour lui seul la première place dans l'affection du prophète et dans les fastes de l'Islam? Dans le but de passer à d'aussi dangereuses éventualités et de donner aux exilés une véritable famille, le prophète Mohammed, Salut Divin Sur Lui, profita de l'exaltation sans nuage qui unissait en ce moment Mouhadjirine et Ançar, pour décréter entre eux une parfaite fraternité, par couples composés chacun d'un Mouhadjir et d'un Ançar, «Fraternisez en Allah» leur dit le prophète, vous êtes des frères». Et chaque Musulman de Médina eut, dès lors pour frère, un musulman de la Mecque. Il serait vain de chercher à exprimer par des mots, à quel degré de dévouement atteignit cette fraternité de la religion, plus forte que celle du sang, car elle était d'ordre surnaturel. Tous ces coeurs, réunis par l'amour d'Allah, n'étaient plus qu'un seul et même coeur, palpitant dans des poitrines différentes chaque frère aimait son frère plus que lui-même et, pendant les premières années de l'Hégire, lorsque l'un d'eux mourait, l'autre héritait de ses biens, à l'exclusion des héritiers naturels, jusqu'à ce que cette pratique fut abrogée par une citation du Coran que voici : «Ceux qui sont unis cependant par les liens du sang seront tenus pour plus proches encore les uns des autres tel que Dieu l'a prescrit de toute éternité. Dieu est informé de toute chose». (Ste le Butin/75) Parmi les unions fraternelles ainsi conclues, nous citerons celles d'Abou Bakr avec Kharidja fils de zaid de Omar avec Othman fils de Malik, d'Abou Obeida avec Saâd fils de Moadh de Othman fils de Affan avec Aws fils de Nadjar. Le prophète, le premier, avait choisi Ali pour frère, confirmant ainsi la fraternité qu'il avait déclarée au début de sa mission; mais Ali, étant un Mouhadjir (émigré), les Ançars auraient pu être froissés de ce qu'il ne se fût pas choisi. Un frère parmi eux. Aussi Assad fils de Zorara, un de leur Neguibs (chef respecté) étant mort, il se déclara leur Neguib à sa place, prétextant qu'il était un des leurs, car son oncle maternel avait habité leur cité. Ainsi grâce à son sens psychologique et à son habile diplomatie d'essence divine, le prophète Mohammed était arrivé à un résultat prodigieux: les guerres entre les deux tribus longtemps antagonistes, Khazradj et Aws qui, depuis des siècles, ensanglantaient Yathrib, devenue Médine, avaient cessé comme par enchantement aussitôt après son arrivée et, des habitants de Médine, le prophète Salut divin Sur Lui, avait fait les frères des émigrants de la Mecque jadis leurs rivaux. Cette union fraternelle qui fut le premier triomphe patent de l'Islam ne fut pas du goût de certains éléments juifs. Leur orgueil blessé à vif par cette faveur divine, la prophétie suprême, qui se trouvait accordée à un gentil n'ayant point étudié les anciennes Ecritures, seules valables à leurs yeux. Pour eux, les Ecritures révélées, la prophétie devaient demeurer l'apanage exclusif des juifs. De là naquit à Médine la sourde campagne que menaient certains éléments juifs notoires et leurs affidés arabes en vue de dénigrer systématiquement l'oeuvre du prophète, et faire planer le doute sur sa mission. On sait que ces éléments anti-islamiques n'hésitèrent pas à fomenter complot après complot contre le prophète formant en particulier une dangereuse coalition avec les Mecquois et les tribus païennes de l'Arabie afin d'étouffer une fois pour toutes l'Islam dans sa nouvelle patrie. A Médine, le prophète devenait cependant, le chef à la fois temporel et spirituel de la première communauté islamique organisée, communauté qui reçut peu à peu par la voie du Coran, un statut social, juridique et politique approprié, permettant de régler les rapports des croyants entre eux et ceux du nouvel Etat musulman avec les groupements non ralliés à l'Islam. C'est ainsi que la lutte sacrée pour la cause de Dieu ne tarda pas à être constituée. Ce fut à Médine, que les révélations coraniques et le hadith, enseignement oral du prophète jetèrent sur les divers plans spirituel, moral, juridique et social, les fondements essentiels d'une oeuvre rénovatrice imposante, d'inspiration éternelle, donc adaptable à ce qu'il est convenu d'appeler révolution. Inspiré par Dieu, le prophète fut à la fois législateur et juge. On ne peut être croyant et récuser les principes juridiques établis par le Coran et la Sounna, tradition du prophète. Il n'y a pas en Islam de séparation entre temporel et spirituel. Nouvelle communauté Ainsi se trouvèrent assises les bases sociales, juridiques voire financières de la nouvelle communauté, qui put marcher d'un pied ferme vu ses objectifs militaires et politiques, dont le principal, pour commencer, était l'écrasement du paganisme par la conquête de la Mecque, conduisant à l'unification de l'Arabie. Cet objectif essentiel fut atteint en l'espace de huit années avec des alternatives de succès et de revers. L'émigration signifie de nos jours un retour aux sources authentiques de l'Islam. En effet, les coeurs des premiers croyants, profondément endoloris par la morgue, les excès du paganisme, durent sans doute trouver un réconfort inégalable, dans cette exaltation rythmée. Cette évocation imagée de la majesté sereine de la sagesse de Dieu face à l'ingratitude, à la folie des hommes. Ainsi le Coran doit-il demeurer toute actualité dans notre monde qui a perdu son âme, qui a fait un retour au paganisme le plus grossier. Plus que jamais, la question angoissante, tragique de notre salut se trouve posée, en ce tournant de l'histoire humaine, tournant aussi sombre que celui où l'on vit fulgurer la pure lumière de l'Islam. Plus que jamais, l'humanité dans son ensemble, est sommée de se convertir, de répondre aux appels toujours pressants, toujours actuels de Dieu Message simple, net et catégorique. Le Message coranique se trouve être le mieux fait pour faire front à l'évolution d'une humanité atteinte par un scepticisme outrancier, un matérialisme incurable, quoique ignorant son vrai nom ou se déguisant sous des titres alléchants. En d'autres termes dans sa netteté, dans sa simplicité, dans sa façon directe d'aborder les grands problèmes, le Coran s'avère une voie authentique de salut pour une humanité en train de s'égarer, de se droguer, de se payer de fausses notions, de se donner de fausses divinités. En cette crise, en cette éclipse de la foi qui sévit de par le monde dévastant les âmes et atrophiant les consciences humaines, les affligeant d'une cécité, d'une paralysie déconcertantes, le Coran vers lequel nous devons tous émigrer sera la grande lumière inespérée qui ramènera sûrement nos contemporains sur la voie de Dieu, celle de leur propre salut... Références bibliographiques Traduction du Saint Coran: Prof Mohammed Hamidullah Prof Sadok Mazigh «La vie de Mohammed» de Etienne Dinet et prof Hadj Slimane Ben Ibrahim. «Illumination de la foi à travers la vie du Souverain des Messagers». Du Cheikh Mohammed El Khodari Back.