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Burn-out, l'étudiant épuisé par son environnement
Profil de l'étudiant algérien
Publié dans El Watan le 24 - 09 - 2014

On le dit indiscipliné, inconscient, paresseux et parfois même agressif. Pourtant, l'étudiant algérien, comme celui du reste du monde, est la crème de sa société. Produit de son environnement d'abord et de l'Education nationale ensuite, l'étudiant algérien est-il fidèle à l'image que certains tentent de lui coller ? Par son expérience clinique et pédagogique, le Pr Dalila Samaï Haddadi, directrice du Centre d'aide psychologique universitaire, répond aux idées reçues. Au final, l'étudiant n'est que le reflet de sa société.
On le dit violent, insouciant, fainéant et insolant. Beaucoup de clichés et d'idées reçues sont collés au dos de l'étudiant algérien. Ces étiquettes, souvent estampillées par le personnel d'encadrement des universités (enseignants et personnels administratifs), sont plaquées pour masquer les lacunes du secteur. Placées sous une loupe grossissante, ces caractéristiques sont mises en avant pour tenter de légitimer la cacophonie et le retard enregistrés par nos universités.
Ainsi, le début tardif des cours, les tumultes des inscriptions et des transferts, la validation des semestres à moins des quatorze semaines imposées, ou encore les perturbations rencontrées au cours de l'année universitaire (pour grèves ou manifestations de colère) sont toujours mis sur le dos des étudiants indélicats. C'est à peine si on n'accuse pas les jeunes apprenants d'être à l'origine des mauvais résultats enregistrés par nos établissements universitaires dans les classements universels. L'étudiant algérien serait-il à ce point un handicap pour l'évolution des sciences et techniques ? Est-il aussi «farouche» et indiscipliné qu'on veut bien le faire croire ?
Lors de notre rencontre avec la directrice du Centre d'aide psychologique universitaire et chercheure en psychologie dans son modeste bureau installé dans le centre de santé à l'intérieur de l'Université de Bouzaréah, le professeur Dalila Samaï Haddadi dessine avec ses mots et son savoir le profil psychologique de cet étudiant tant décrié. Sans être dans la stigmatisation ni le paternalisme, le Pr Haddadi tente plutôt, avec son expérience clinique, de décortiquer les raisons qui expliquent les comportements. De son analyse, il ressort que l'étudiant algérien partage les mêmes préoccupations et reproduit les mêmes comportements que ceux de la société qui l'a produit.
A force d'un excès d'excitations environnementales, de l'ambiance agressive et des catastrophes naturelles et humaines (inondations, séismes, terrorisme et violences), l'étudiant comme le reste du peuple souffre d'angoisses et de stress qui empêchent un développement serein et équilibré de sa personnalité. «L'étudiant est en état de débordement et de fatigue. Il est usé par le manque d'hygiène, le bruit incessant des chantiers, l'insécurité matérielle et physique, la difficulté qu'il trouve à se déplacer, manger, dormir…», énumère le professeur.
Et si on ajoute à cela la perte de valeurs socioculturelles et le manque de confiance dans un «système où ce n'est pas la compétence qui règne mais la médiocrité», on comprend que cet étudiant-là, sans justifier les comportements inadéquats, a toutes les raisons d'être troublé, déséquilibré et agressif dans son attitude. «L'université reproduit les travers du système (politique) du pays. Et devant toutes ces angoisses emmagasinées, l'étudiant est en état de burn-out» constate-t-elle. Et face à ce syndrome d'épuisement, acquérir des compétences est loin d'être une simple formalité. Etudier devient un combat quotidien.
Cela dit, fort heureusement il existe bien «une minorité», comme l'a bien précisé le professeur Haddadi, d'étudiants modèles. Bien éduqués, nourris à la culture universelle, bûcheurs et volontaires, des jeunes résistent avec force caractère à la médiocrité ambiante et imposée. C'est de cet îlot de jeunes apprenants que peut venir le salut de l'université. Dans un pays qui a soif d'un projet de société, faire de ces étudiants un modèle à suivre au niveau de l'enseignement supérieur est impératif. Le peuple comme ses jeunes ne peut évoluer sans un modèle social et des règles de réussite clairement définies. Alors, substituez à la ruse, la force, la médiocrité et la roublardise les qualités que sont la discipline, l'effort et la compétence, et ainsi l'étudiant algérien sera cette élite que tout le pays appelle de ses vœux.
Résistance
Une nouvelle tendance gagne la population estudiantine pour faire face aux différentes agressions et entraves qu'elle subit. De plus en plus d'étudiants ont appris à «ne pas se laisser faire», s'enthousiasme le professeur Haddadi. Cette catégorie d'apprenant connaît parfaitement ses droits et est capable d'aller jusqu'au bout pour les arracher. «Ils restent minoritaires, mais ils sont prêts à remuer ciel et terre pour accéder à leurs droits. Et ça, l'administration en a peur», s'en réjouit-elle. Il s'agit-là d'étudiants et d'étudiantes qui connaissent parfaitement les rouages de l'administration et les voies de recours. «A leur façon, ces jeunes disent : ‘‘Vous êtes mon professeur ou mon administrateur et vous devez me respecter aussi''».
Ambition
L'étudiant 2014 ne manque pas d'ambitions. Il n'est pas moins volontaire que ses prédécesseurs ou les étudiants des autres contrées. Seulement, l'environnement général dans lequel les étudiants évoluent finit souvent par décourager certains. «Quand ils trouvent un enseignant sérieux pour les accompagner, nos étudiants ont parfois même des ambitions démesurées. Il n'y a qu'à voir comment ils réussissent dès qu'ils partent à l'étranger», soutient-elle. «Mais, souvent, ces ambitions sont contrecarrées par la famille et parfois par l'institution scolaire ou universitaire», développe notre chercheur. «Tu te prends pour
qui ? s'entend-il souvent dire et là on éteint la braise qui est en lui», dénonce le Pr Haddadi qui assure ne pas croire à une spécificité algérienne : «C'est l'université du fonctionnement psychique, il est partout pareil», explique-t-elle pour dire que l'étudiant algérien n'est pas moins volontaire que les autres.
Violence
Pas plus violent que la société qui l'entoure, l'étudiant manifeste plutôt sa colère et ses désaccords par des actes d'indiscipline qui sont aussi une forme de violence. Mais les jeunes apprenants ne sont pas méchants par nature, c'est parfois le comportement de leurs aînés qui provoque le clash. Ces réactions sont souvent induites par «le comportement de certains collègues (enseignants et administrateurs) qui, parfois, font dans l'excès de zèle empêchant même les étudiants de se concentrer», reconnaît le professeur en affirmant : «Il y a de part et d'autre des fois un abus de l'utilisation de l'autorité. Tu es mon subordonné, donc tu dois t'écraser, je suis ton prof !» ce qui provoque une certaine violence.
Indiscipline
Depuis quelques années, l'étudiant algérien serait devenu indiscipliné et insolent. Selon le Pr Haddadi, ces trois dernières années il y a eu un changement important dans le comportement des étudiants dû à la perturbation des systèmes de valeur dans la société. «Ils (les étudiants) ont des exemples objectifs et réels de la débrouille, de la ruse et de l'utilisation des moyens illégaux pour arriver à la réussite. Il y a quelque chose dans la tête de ces étudiants qui dit : ‘‘Vous les compétents, les professeurs qui êtes passés par les voies académiques reconnues universellement, vous n'êtes rien dans le système''. C'est l'autre système, la médiocrité qui fait arriver au rang magistral actuellement», explique-elle en insistant sur le fait que ces nouvelles valeurs sont également inculquées dans le cercle familial.
Burn - out
Nos universitaires sont fatigués. Ils souffrent d'une fatigue chronique et sourde due au stress engendré quotidiennement par un environnement peu propice au travail intellectuel. Transport défaillant, restauration anarchique, mauvaises conditions d'éclairage et de sonorité, toutes ces défaillances quotidiennes et ininterrompues finissent par épuiser les étudiants. «D'après des investigations que nous avons menées, il s'est avéré que nos étudiants sont aussi intelligents que les étudiants américains. Mais, avec le test d'intelligence WAIS (The Wechsler Adult Intelligence Scale), on a noté qu'ils ont des résultats bas en termes de concentration et de rapidité de résolution des problèmes. Il y a une baisse, car il y a une fatigue, un burn-out dû à des excitations environnementales : visuelles, sonores.…Dans nos universités, il n'y a pas les conditions de travail adéquates», révèle-t-elle.
Inculture
«Culturellement, nos étudiants sont vides», assène le professeur Haddadi. L'enseignante déplore le manque d'intérêt accordé par ces apprenants à la culture universelle, populaire et même télévisuelle. «Les fables de La Fontaine, aussi bien que les Maqamate de Badii Ezzaman Al Hamadani, ou les adages populaires sont complètement ignorés par nos jeunes, c'est le vide», déplore-t-elle. Seulement voilà : une minorité d'étudiants issus et élevés dans des familles «qui les préparent avec des valeurs universelles et arabo-musulmanes, en leur injectant la pulsion épistémophilique» existe aussi. Cet amour de la connaissance devrait, d'après le professeur, être renforcé par les enseignants. «Mais même les enseignants sont parfois limités dans le domaine», regrette-t-elle.
Conditionnement
Nos étudiants sont habitués à un système de conditionnement qui stipule : restituez-nous notre marchandise», analyse le Pr Haddadi. C'est-à-dire que l'étudiant devient une simple caisse enregistreuse ou un dictaphone en relayant le plus fidèlement possible le cours dispensé sans pour autant l'assimiler. «Ils sont là pour apprendre et pas pour comprendre. Ils sont dans un système déclaratif : je connais, j'apprends par cœur. Ils ne sont pas dans le système procédural où ils doivent comprendre et expliquer ; même leurs thèses sont élaborées dans le système déclaratif. C'est de la paresse. Gaston Bachelard (philosophe Français) a dit : La paresse est un obstacle épistémologique», développe-t-elle.
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Les angoisses des étudiants
La majorité des étudiants de l'Université Alger 2 (ex-Bouzaréah) qui consultent au Centre d'aide psychologique universitaire (CAPU) souffrent d'angoisse et d'anxiété majeures. Selon un bilan établi par le centre et après plus de 36 000 consultations concernant 1400 patients, il en ressort d'abord une prévalence masculine de la demande d'aide psychologique. S'agissant des motifs de consultation, ensuite, le Pr Dalila Samaï Haddadi, directrice du CAPU, indique une forte domination des angoisses et anxiétés majeures. Celles-ci sont répertoriées sous trois formes distinctes.
Les angoisses supportables
Ce sont généralement des peurs souvent pas communicables, comme les phobies d'ambiances ou environnementales. Dans ces cas, les étudiants souffrent d'une forte exposition à différentes excitations provoquées par leur environnement immédiat. Ainsi, le bruit, la circulation, l'insécurité matérielle et morale (violence, terrorisme), l'agressivité ambiante, les catastrophes naturelles (séisme, inondations) éprouvent les jeunes (comme les moins jeunes d'ailleurs). Le manque de confiance dans l'université et les rapports avec les équipes administrative et pédagogique (professeurs et personnel administratif) compliquent encore davantage l'évolution sereine des apprenants. «L'étudiant est fatigué par trop d'excitations et le cerveau a ses limites», explique le professeur.
Les angoisses existentielles
Les étudiants et étudiantes étant généralement très jeunes, le passage à l'âge adulte se fait pour certains dans la douleur, ce qui se manifeste par le sentiment d'être mal dans sa peau. «Ils ont des difficultés à assumer et assurer leurs rôles d'homme ou de femme. Car la famille algérienne, avec son évolution, n'offre pas de modèle d'identification (du genre) stable. Il y a un trouble dans le partage des rôles entre le père et la mère, ce qui perturbe l'évolution psychique du jeune», analyse le professeur qui déplore le manque d'exemples structurants pour servir de modèles.
Les troubles graves de la personnalité
Là, il s'agit de cas plus sérieux où le jeune est dans l'impossibilité de jouer son rôle d'adulte. Il est en plein dans la psychopathologie par cette sensation continue de persécution. Le jeune étudiant se croit victime de jalousie, du mauvais œil ou encore de sorcellerie. «Souvent, j'ai des cas d'étudiants qui se disent possédés par un mauvais esprit. C'est dû à un certain degré de croyances religieuses et superstitieuses ancrées dans la société. Et cela peut également être induit par un endoctrinement religieux», explique le Pr Haddadi. D'après les explications de cette dernière, la paranoïa est une forme de fuite en avant qui masque des angoisses liées à l'avenir et la peur de l'échec. «Quand on est possédé par le diable, tous les actes deviennent involontaires. Donc, les erreurs et autres errements de ces jeunes ne sont pas, dans leur imaginaire, imputables à eux mais au mauvais esprit qui les habite», conclut-elle.


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