La décapitation de l'otage français devant les caméras et la diffusion de la vidéo sur la Toile renvoient au mode opératoire des troupes terroristes de Daech en Syrie et en Irak. La victime agenouillée, mains ligotées, la lecture d'un message justifiant l'assassinat, puis la décapitation violente. Une mise en scène bien préparée pour valider l'allégeance aux nouveaux chefs. En décapitant l'otage français, Hervé Gourdel, de la manière la plus abjecte et horrible, devant les caméras, le groupe terroriste Jund Al Khilafah, né il y a quelques semaines seulement dans les montagnes de Kabylie, après une dissidence avec Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) dirigée par Droukdel, s'impose médiatiquement en filiale de l'organisation terroriste Daech qui sévit entre l'Irak et la Syrie. Lundi dernier, le groupe avait laissé 24 heures à la France pour renoncer aux frappes aériennes en Irak, sous peine d'exécuter l'otage âgé de 55 ans. A peine quelques heures après, ce dernier est décapité devant des caméras. L'enregistrement est vite diffusé sur un site islamiste, sous le titre : «Message de sang pour le gouvernement français». Les images sont trop violentes. Elles nous renvoient à toutes ces vidéos d'exécutions sommaires, d'amputations, de tortures ou de crucifixions commises par les terroristes de Daech en Irak et en Syrie et qui circulent sur la Toile. Après une reprise des informations par une chaîne arabophone faisant état des frappes aériennes françaises en Irak, apparaissent, les visages enturbannés, quatre hommes en tenue afghane, dont deux portant des kalachnikovs. Ils se tiennent debout derrière l'otage agenouillé, mains derrière le dos et le visage terrassé par la peur. Scènes de crime sur la toile Tout comme pour les vidéos de Daech, l'un d'eux lit un message dans lequel il commence par dénoncer «la France des croisades qui vient d'intervenir en terre d'islam sous prétexte de combattre les terroristes. La France mécréante qui sort avec un nouvel habit ne s'est pas satisfaite de l'assassinat de musulmans au Mali, et bien avant en Algérie, (…) la France qui a combattu tous ceux qui se sont convertis à l'islam, en interdisant le hidjab et qui a répandu la débauche chez les musulmans, a tout détruit et violé l'honneur des personnes». L'orateur poursuit : «Nous donnons ce veau français malpropre en offrande à Allah, pour nous en rapprocher, et ce, par vengeance aux tueries commises en Algérie, afin de défendre notre Etat sous l'égide de la khilafah. Que les Français sachent que leur vie ne vaut rien.» A la fin, le terroriste s'adresse au chef de Daech, Al Baghdadi, pour lui réitérer l'allégeance de Jund Al Khilafah, à son organisation. Subitement, un des terroristes tire un couteau, ou un sabre, puis allonge l'otage par terre. L'image se brouille un peu et subitement c'est l'horreur. La tête de Gourdel est coupée puis mise sur son ventre devant les quatre terroristes jubilant. La mise en scène de cette exécution sanglante ressemble parfaitement à celles des deux journalistes américains enlevés en Syrie et de l'humanitaire britannique, par les terroristes de l'Etat islamique, il y a quelques semaines seulement. Les mêmes gestes, la même violence, les mêmes propos et les mêmes justifications, sauf que cela se passe en Algérie, dans la région de Kabylie, où les actes terroristes, même sporadiques, continuent à endeuiller des familles algériennes. Il s'agit là de la première action commise par les terroristes de Jund Al Khilafah dont le nombre ne dépasse pas, selon des sources sécuritaires, une vingtaine d'éléments. Dans un communiqué rendu public sur un site islamiste, ils avaient annoncé, vers la fin du mois d'août dernier, leur dissidence avec Droukdel pour, ont-ils expliqué, sa «déviance» et fait état de leur «allégeance» à l'Etat islamique, envers lequel ils ont promis «obéissance au doigt et à l'œil». Pour certains, cette offre de services ne pouvait avoir d'impact en raison du nombre réduit des éléments de ce groupe, mais aussi les moyens dont-ils disposent et les risques d'affrontement auxquels ils devront faire face après que Droukdel soit devenu leur frère ennemi. La rencontre avec l'otage français en cette soirée du dimanche 21 septembre a été pour eux une aubaine, non seulement pour l'effet médiatique qu'elle allait susciter au niveau planétaire, mais aussi pour montrer au monde qu'il faudra désormais compter avec eux au même titre qu'avec AQMI. Par la décapitation de Gourdel, le groupe Jund Al Khilafah vient de rentrer dans l'histoire des groupes terroristes les plus sinistres et les plus recherchés. Un statut qu'il n'aurait pas eu s'il était resté avec Droukdel, en attaquant des convois militaires ou en enlevant de richissimes commerçants algériens….