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Avec la ville comme toile
Ernest Pignon-Ernest. Un précurseur de l'art street
Publié dans El Watan le 06 - 10 - 2014

Un ouvrage vient consacrer l'œuvre de cet artiste qui a travaillé aussi à Alger.
C'est ce lieu qui est à la fois un support, un objet et un sujet qu'il investit pour mettre sous le regard des passants des sujets d'ordre politique, poétique, philosophique, historique, sociétal. C'est au sein de cet espace urbain, hors les murs, qu'il bouscule les non-dits et parle d'Humanité aux humains. C'est dans des enclaves ombrageuses qu'il réhabilite les pans oubliés de l'Histoire. C'est au cœur des villes qu'il témoigne de sa solidarité avec des êtres relégués dans le continent noir de la mémoire humaine. C'est dans cet espace public urbain qu'il réhabilite la mémoire collective en y apposant des images grandeur nature, réalisées au gré de ses engagements, de ses convictions, de ses colères, de ses questionnements.
Dessinées, peintes, sérigraphiées sur papier, en noir et blanc, ces œuvres murales, éphémères car appelées à disparaître au fil du temps, mettent en scène des «corps disparus», des histoires singulières, des événements historiques, très souvent tragiques. Ces monographies ont des liens avec les lieux où elles sont insérées et offertes généreusement aux regards des passants qui adoptent une attitude tantôt intéressée, tantôt indifférente et parfois même violente. Car certains s'arrogent «le droit» d'arracher ces œuvres d'art ou de les déchirer.
C'est ainsi qu'Ernest Pignon-Ernest, dessinateur et peintre français, précurseur du Street Art (l'art urbain), transcrit picturalement, dans des espaces insolites, improbables et emblématiques, «la puissance» de la mort, le déni, le mépris, l'oubli. Cet infatigable éveilleur de consciences et «réveilleur» de mémoires œuvre inlassablement à représenter «le potentiel de vie». Situées au cœur du présent, ces œuvres murales nous immergent dans les tréfonds du passé, deux temporalités où, l'Absence vient se mêler à la Présence pour «réactiver les mémoires» des lieux et faire revivre les «souvenirs qui les hantent».
«Au début, il y a un lieu, un lieu de vie sur lequel je souhaite travailler. J'essaie d'en comprendre, d'en saisir à la fois tout ce qui s'y voit: l'espace, la lumière, les couleurs... et dans le même mouvement, ce qui ne se voit pas, les souvenirs enfouis, la charge symbolique...», explique E. Pignon-Ernest.
Dans sa démarche, l'artiste prend le temps de choisir les lieux de ses interventions in situ. Il les visite, les observe, les arpente. Cette connaissance des lieux est complétée par des lectures et des discussions avec des personnes qui y habitent afin d'approfondir sa compréhension de ses personnages et de leurs histoires singulières.
D'autres espaces, surprenants mais symboliques, font également l'objet de «happenings poétiques» : des cabines téléphoniques pour représenter l'idée des «hommes bloqués» (Derrière les vitres, Lyon, 1996), des portes d'acier de transformateurs, des caves d'immeubles pour mettre en lumière les conditions de vie des immigrés et des clandestins caractérisées par l'inhumanité, l'exploitation, la pénibilité, l'insalubrité. La représentation des hommes immigrés dans des positions allongées «au ras du sol» vise à «rendre visible dans le contrebas où l'on ne regarde jamais», explique l'artiste (Les immigrés, Avignon, 1975).
Les sujets sont divers et variés : La Commune (1971), Le jumelage Nice-Le Cap (1974), L'avortement (1975), Les Arbrorigènes, au jardin des plantes (1984), Naples (1988), Le sida en Afrique du Sud, Soweto Warwick-Durban, Afrique du Sud (2002), La Palestine (2009), La prison Saint-Paul à Lyon (2013), La Chapelle de Saint-Charles d'Avignon (2013) où, à partir d'un vers de G. Nerval (1808-1855), il tente de représenter, d'un point de vue plastique, sept femmes mystiques, ces belles «chaudes de Dieu» que l'artiste surprend dans leur instant extatique.
Parmi les personnages représentés figurent des personnalités historiques, artistiques et littéraires qui, par leurs histoires singulières contribuent à faire l'Histoire : Jean Genet (1910-1986, Mahmoud Darwich (1941-2008), Maurice Audin (1932-1957, lire ci-dessous), Robert Desnos (1900-1945)...
E. Pignon-Ernest est un passeur de mémoire. Il incarne l'humanité imprégnée des idéaux humanistes où l'Homme est au centre de la vie. Les portraits qu'il réalise en hommage à des êtres connus ou moins connus prennent l'allure de belles images qui laissent transparaître une «finesse du trait» et une grande maîtrise du dessin classique. Les images apposées dans les villes ont pour objectif de réactiver la «mémoire» des lieux afin de redonner vie à des histoires tombées dans l'oubli, méprisées, minimisées... Ces «images agissantes» frappent le regard, marquent les esprits, troublent, questionnent, interpellent les passant-e-s qui endossent, malgré eux/elles, le rôle de "témoins" d'une Histoire que l'artiste s'évertue à réhabiliter à sa juste mesure. En contemplant ces portraits grandeur nature, lentement, doucement, le regard s'approprie les corps et les visages de ces êtres que le geste créateur de l'artiste enveloppe dans le suaire de la grâce et de la beauté.
Ernest Pignon-Ernest est un artiste qui prend la rue pour en faire un espace de savoir et de spectacle artistique, poétique, historique, symbolique. Il est celui qui excelle dans l'art du surgissement, de la surprise, de l'étonnement. Il est incontestablement celui qui possède ce merveilleux don artistique et humain de donner à réfléchir sur le monde à partir de ses marges et de ses périphéries. Il est celui qui nous réconcilie avec la vie, cette immense farandole de la joie et de la beauté. Et c'est dans les profondeurs de cette beauté esthétique et de cette magie émotionnelle et agissante que le très beau livre d'art dédié à E. Pignon-Ernest, réalisé par André Velter et publié aux éditions Gallimard, nous propulse. Cette monographie met en évidence l'ensemble des œuvres murales réalisées tout au long de sa trajectoire artistique avec, cependant, un intérêt bien particulier aux récentes réalisations.
A lire, ce bel ouvrage de 360 pages qui propose 500 illustrations qui se laissent contempler, admirer, caresser et aimer passionnément ! Sans modération !

André Velter, Ernest Pignon-Ernest, Gallimard, mars 2014, 360 p., sous étui illustré.


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