La condamnation de Abdelmoumen Khalifa à 5 ans de prison par le tribunal de Nanterre (France), hier, laisse perplexe et suscite de lourdes interrogations. Dans un entretien accordé à El Watan, maître Nasreddine Lezzar, avocat du mis en cause, livre sa première réaction. -Le tribunal de Nanterre vient de condamner Abdelmoumen Khalifa à une peine de 5 ans de prison assortie d'une amende de 375 000 euros et d'un mandat d'arrêt international. Quelle est votre réaction ? Je me m'occupe de la défense de Moumen que dans le dossier algérien. Mais je n'ai aucun embarras éthique à m'exprimer sur le procès qui s'est tenu au tribunal de Nanterre, en France, et dont le verdict est tombé aujourd'hui (hier, ndlr). J'ai toute latitude de donner mon avis en tant qu'observateur. A ce titre, j'ai plusieurs remarques à faire. La première est liée à la condamnation à 5 années de prison ferme. Il faut savoir qu'il s'agit là de la peine maximum que peut prononcer un juge correctionnel (à l'exception de certains cas). Pour moi, le verdict est la résultante d'un procès par défaut, en l'absence du prévenu qui n'a pas eu la possibilité de faire valoir ses arguments de défense. Un absent a toujours tort et l'accusé absent a bon dos. Il est le bouc émissaire commode pour tous les autres coaccusés. -Voulez-vous dire que Moumen est plus victime que prévenu dans ce procès ? Nous sommes devant ce qu'on appellerait un défaut absolu, en ce sens que l'accusé n'a été entendu ni durant la phase d'instruction ni durant celle du jugement. Ceci pour dire que sur le plan de la recherche de la vérité, ce procès n'est point révélateur. -Selon vous, est-il courant en France que le juge prononce une peine plus lourde que celle requise par le procureur, qui est de 3 ans ? Il est pour le moins paradoxal que le verdict du juge (5 ans ferme) ait été plus sévère que le réquisitoire du parquet (3 ans ferme), même si cela est légal. Moumen Khalifa a peut-être eu le tort de l'absence, ce qui est complètement injuste vu qu'il ne s'agit pas d'un défaillant volontaire ou de mauvaise foi. Il a été mis dans l'impossibilité d'assister en raison du refus des autorités algériennes de l'extrader. Il s'agit d'un absent malgré lui. C'est le défaut subi et non voulu. La durée de 5 ans de prison, même si elle est confirmée, est déjà absorbée dans les 8 années de prison que Moumen Khalifa a consommées. C'est comme si on arrêtait quelqu'un au premier barrage de police pour l'incarcérer alors qu'il a déjà effectué sa peine. Si cela arrive, il s'agira d'une détention illégale, arbitraire et abusive. En procédure pénale, il y a ce qu'on appelle le principe de confusion des peines. Lorsque quelqu'un est condamné à plusieurs peines, c'est la plus longue qui est retenue et absorbera les plus courtes. -Qu'en est-il du mandat d'arrêt international décidé par la même instance alors que Moumen est en détention ? Cette mesure est paradoxale à un double niveau. On délivre un mandat d'arrêt contre quelqu'un qui est en fuite et qui refuse de se rendre aux autorités judiciaires et non contre un détenu dans une prison ou contre une personne déjà arrêtée. «Mandat sur mandat ne vaut», serait-on tenté de dire. La juge française semble ne pas faire cas et ne pas tenir compte de la situation de détention en Algérie, qu'elle considère comme un non-événement.