Afin de priver les terroristes du Sahel de leur sanctuaire libyen, la France a décidé d'implanter une base «temporaire avancée» à Madama, dans le nord-est du Niger. Les récentes attaques sanglantes perpétrées par des groupes terroristes contre des positions de la mission des Nations unies au Mali (Minusma) et les nombreuses tentatives d'infiltration terroristes sur le territoire algérien enregistrées durant tout le long de cette semaine permettent déjà de tirer deux conclusions. La première est que les groupes terroristes ciblés par l'opération française Serval, lancée au début du mois de janvier en 2013 au Mali, ont fini par se constituer. La seconde est que compte tenu des moyens mis pour harceler les bases opérationnelles de la Minusma implantées dans le septentrion malien, le Mujao, AQMI et Al Mourabitoun de Mokhtar Belmokhtar ne désespèrent toujours pas de parvenir, à terme, à faire sombrer de nouveau la région dans le chaos. Actuellement, le sud de la Libye leur sert de principale base arrière… et d'armurerie. Craignant justement un retour à la case départ, le ministre malien des Affaires étrangères malien, Abdoulaye Diop, a demandé hier à l'ONU d'envisager le déploiement d'une «force d'intervention rapide» dans le nord du Mali. En attendant la réponse de l'ONU et afin de priver les terroristes du Sahel de leur pied-à-terre en Libye, la France a décidé sans plus attendre d'implanter une base «temporaire avancée» à Madama, dans le nord-est du Niger. Ce cantonnement se situe à peine à 200 kilomètres de la Libye. Le choix de l'emplacement de cette base, qui sera composée de quelques dizaines d'hommes, n'est pas fortuit. Elle se trouve à proximité de l'«autoroute» du terrorisme et de la contrebande qui, via la passe de Salvador, sert à tous les trafics (humains, drogues, et armes) entre la Libye et les pays de la bande sahélo-saharienne. D'une pierre deux coups, Paris peut ainsi aussi veiller à ses intérêts au Niger. Ce déploiement vient compléter, selon l'information rapportée par le Figaro le 3 octobre dernier, «une ligne de ‘‘points d'appui'' installés dans les pays de la bande sahélo-saharienne (BSS), sur laquelle est déployée l'opération Barkhane qui a succédé à Serval le 1er août dernier : Tessalit au Mali, Atar en Mauritanie et Faya au Tchad». Alger bétonne ses frontières De son côté, l'Algérie a décidé de «bétonner» ses frontières sud et ouest en y déployant d'importants moyens militaires. Il est fort possible d'ailleurs que les dernières tentatives d'infiltration terroristes signalées dans le Sud algérien aient été menées par AQMI ou le Mujao (ou d'autres narco-terroristes) dans le but de tester le nouveau dispositif sécuritaire algérien. L'importance de la menace et la difficulté du terrain ont convaincu en outre l'Algérie et la France de renforcer leur coopération dans le domaine de la lutte antiterroriste. Jusque-là, les deux pays ont toujours préféré travailler en solo. Ce n'est pas tout. Afin d'éviter qu'il y ait aussi des connexions entre les groupes terroristes qui activent au Sahel et Boko Haram, le Nigeria et ses voisins, réunis mardi à Niamey, ont pris la décision de créer une force multinationale. Leur objectif est de contrer la menace du groupe terroriste nigérian Boko Haram dont la montée en puissance constitue un grave facteur d'instabilité pour toute la région. Quelque 700 soldats des armées du Niger, du Nigeria, du Tchad et du Cameroun composeront cette force régionale, dont la création avait été décidée en juillet dernier. Boko Haram contrôle déjà des pans entiers de territoires du nord-est du Nigeria. A présent, l'autre défi pour la communauté internationale sera de veiller à ce qu'il n'y ait pas de connexions opérationnelles entre les terroristes en Afrique avec ceux du Proche-Orient. Malheureusement, concernant cette question précise, il n'y a pas encore de stratégie claire. Chacun continue à n'en faire qu'à sa tête… et selon son agenda propre. Tout le monde admet tout de même qu'il sera difficile de venir à bout du terrorisme au Sahel et en Afrique du Nord sans un règlement politique rapide des crises libyenne et malienne.