Le 26 août dernier, le Conseil des ministres approuvait plusieurs projets de loi destinés à lutter contre les violences faites aux femmes. Si ces textes, plus sévères en cas de violence conjugale, sont une avancée, selon les acteurs associatifs la prise en charge de celles qui dénoncent les coups doit encore être renforcée. Elles sont sept. Assises sur des chaises noires alignées les unes à côté des autres. L'une tripote machinalement son portable. L'autre tente de rassurer, au téléphone, la personne chargée de s'occuper du bébé qu'elle a laissé chez elle le temps de venir ici. Dans les locaux du Centre d'information et de documentation sur les droits de l'enfant et de la femme (Ciddef), on reçoit une petite dizaine de femmes chaque jour. Ce jour-là, elles sont toutes venues pour des conseils juridiques. La présidente du Ciddef, Nadia Aït Zaï, et une avocate reçoivent les femmes à l'étage. Le quotidien de ces entretiens, ce sont des situations de violences physiques ou psychologiques. Alors, l'annonce par le Conseil des ministres, au mois d'août dernier, d'un projet de loi d'amendement du code pénal a satisfait Nadia Aït Zaï : «Ce texte correspond à un manque dans la législation pénale où la violence conjugale n'était pas nommée. Nous l'avons toujours demandé. 75% de femmes se font battre par leurs maris, il fallait que cette violence soit incriminée.» Dans son communiqué, les commentaires de la présidence de la République sont élogieux quant au projet de loi : «Notre pays démontre encore une fois son attachement au respect de la dignité humaine qui est au centre de nos valeurs spirituelles et figure aussi parmi les priorités du droit international contemporain.» Cachette Mais Nadia Aït Zaï veut nuancer : «Ce projet de loi ne réglera pas tous les problèmes, car même avant ce texte, il était possible pour une femme de poursuivre son mari pour coups et blessures. Le problème réside dans le manque de prise en charge des femmes victimes, des lieux où se cacher, du manque de lieux où se ressourcer. Il n'y a que deux centres associatifs et quatre ou cinq centres d'Etat, ce n'est pas suffisant. Il faudrait que le procureur puisse éloigner le mari responsable de violence du domicile. On n'en est pas encore là.» Signal Marie-France, membre du Ciddef, est chargée de faire les rapports du réseau Balsam, un réseau de 13 centres à travers le pays, qui ont pour but d'écouter les femmes victimes de violences : «Ce projet de loi est une avancée qui a pour avantage de relancer la sensibilisation sur les questions de la violence. Ce texte durcit les peines et c'est un signal pour les femmes, pour les hommes, pour l'ensemble de la société que cette violence n'est pas acceptable. Ces signaux-là sont très importants parce qu'ils contribuent à baliser l'acceptable de l'inacceptable et, en particulier, sur ce qui relève de l'intérieur du ménage. Jusque-là, il y avait une tendance à ne pas intervenir.» Pourtant, ces professionnelles de l'accompagnement pointent toutes du doigt la faiblesse du projet de loi s'il n'est pas renforcé par d'autres mesures. Faïka Medjahed, psychanalyste et collaboratrice dans plusieurs associations, estime qu'il faut avant tout former les professionnels. «Le problème ce n'est pas les femmes, ce sont les gens qui appliquent ces textes. Est-ce que le policier en charge de prendre la plainte va l'enregistrer et va l'encourager à poursuivre ? Le problème, c'est le magistrat. Est-ce que lui a enregistré, lu et compris le texte qui protège ces femmes-là ? Est-ce qu'il va vraiment transformer la loi en un instrument de protection et non l'utiliser pour l'enfoncer ? Aujourd'hui, personne ne connaît ces textes : ni les femmes, ni les hommes, ni ceux qui sont censés faire appliquer ces lois comme les services de sécurité, encore moins les médecins qui sont censés soigner les blessures physiques et psychologiques de ces femmes. On est dans une confusion générale. Personne ne sait ce qu'il doit faire, où est sa place et comment il doit réagir.» Autonomie Dans la ville d'Oran, A., une petite brune au grand sourire, milite pour les droits des femmes. Au quotidien, elle aide les jeunes femmes fragilisées. Elle estime que l'une des principales barrières à l'application de ce texte est l'impossibilité pour certaines d'être autonomes. «Même dans une situation de violence, la femme n'a souvent que son mari comme soutien. Est-ce qu'elle a le luxe de porter plainte contre lui ? Si on pousse les femmes à se conscientiser, il faut en parallèle créer plus de centres d'accueil, des accompagnements, créer des primes pour pallier le chômage à court terme et favoriser le travail.»