La présence d'enfants contraint les femmes à supporter l'atrocité des violences plutôt que de demander le divorce. Des participants au séminaire sur les violences faites aux femmes, organisé à Alger par le Centre d'information et de documentation sur les droits de l'enfant et de la femme (Ciddef), ont relevé hier que le code de la famille et le code pénal sont deux lois qui encouragent la violence contre les femmes. Mme Nadia Aït Zaï, directrice du Ciddef, a présenté Balsam, réseau national des centres d'écoute des femmes victimes de violences. L'analyse des chiffres et des cas portant sur ce phénomène a été suivie du lancement du projet de création d'un observatoire indépendant contre la discrimination faite aux femmes. Des femmes travaillant dans les réseaux d'écoute ont fait partager les émotions qu'elles ressentent quotidiennement, à chaque fois qu'une victime parle et demande assistance. Les participantes à cette rencontre n'ont pas pu retenir leurs larmes de compassion avec une des victimes (Naïma, 31 ans) qui a bien voulu raconter la détresse qu'elle a su surmonter grâce à l'aide des associations. Cette jeune femme aurait pu être parmi les 24 femmes qui ont succombé aux violences subies en milieu conjugal, ou au sein de la famille. Outre le caractère «discriminatoire» du code de la famille et les «anomalies» relevées dans le code pénal qui classe une agression causant moins de 21 jours d'arrêt de travail comme simple délit, les participantes ont déploré l'absence de structures d'accueil publiques pour la prise en charge des victimes. «Mis à part les quelques refuges disponibles dans certaines grandes villes, les femmes n'ont généralement pas où aller, ce qui les force à subir en silence. La présence d'enfants contraint les femmes à supporter l'atrocité des violences plutôt que de demander le divorce puisque la femme ne dispose pas d'autre solution pour l'hébergement», explique une avocate qui souligne que le code de la famille contraint l'homme à verser dans le meilleur des cas 3000 DA/mois comme pension alimentaire pour chaque enfants à la garde de la mère et 5000 DA pour le loyer, des montants qui sont en deçà des tarifs pratiqués pour les produits alimentaires et pour la location. Prise en charge inadéquate Le docteur Sidhoum, de la Ligue algérienne de la défense des droits de l'homme (LADDH) de Annaba, a, quant elle, relevé «les failles» du système de la santé dans la prise en charge des victimes de la violence. Des médecins, notamment aux urgences qui sont les premiers à être en contact avec la victime, a-t-elle indiqué, hésitent toujours à délivrer des certificats médicaux de plus de 21 jours d'arrêt de travail, seul document pouvant envoyer l'agresseur devant le tribunal criminel. «Un travail doit être fait dans ce sens pour sensibiliser le corps médical quant à ces dangers, conformément aux recommandations de l'OMS», a-t-elle préconisé. Le récit de la jeune Naïma a mis à nu l'absence des structures d'accueil pour la prise en charge psychologique des femmes victimes. Ne trouvant pas d'écoute auprès de son entourage, Naïma a frappé à la porte d'un psychiatre, qui n'a pas su vraiment la consoler, selon le récit de la victime qui a échappé de justesse à une mort brutale. Voulant fuir son bourreau, c'est à l'hôpital psychiatrique de Oued Aïssi (Tizi Ouzou) que la rescapée trouvera refuge. «Des dizaines de femmes, qui vivaient la même situation que moi, étaient là à attendre un secours qui ne viendra certainement pas des comprimés qu'on nous faisait avaler», explique la même victime.