Combattre toutes formes de violences physiques ou morales, tel est le thème de la rencontre initiée jeudi dernier par le centre d'information et de documentation sur les droits de l'enfant et de la femme (Ciddef), en collaboration avec l'Institut Cervantès, à l'occasion de la Journée internationale de la femme. Cette réunion a mis en relief les expériences espagnole et algérienne, deux regards croisés sur la lutte de la violence contre les femmes. Dans son intervention, Maria Naredo Molero, juriste et responsable d'une association, a fait un état des lieux sur la violence en Espagne, tout en axant sur la montée de cette violence qui prend de plus en plus d'ampleur. A titre d'exemple, entre 2007 et 2012, on enregistre une évolution des affaires classée à 158%. Pour 2012, les victimes sont estimées à 10%, soit 593 038 et les plaintes en 2011 à 22%, les sollicitudes à 6%, soit 35 813, et les concessions à 3,9%, soit 23 566. Pour cette juriste, la loi relative à la violence est cruciale dans son pays, mais il y a lieu de l'appliquer à bon escient. D'où le problème de son effectivité, «d'autant que cette violence est une violence du droit humain avant tout», dit-elle. Bon nombre de plaintes visent surtout les violences conjugales, alors que celles-ci s'exercent aussi sur les femmes migrantes, notamment dans le domaine du travail ou social. Faisant un parallèle, Nadia Aït Zaï, responsable au Ciddef, aborde cet aspect sous l'angle des mentalités qui doivent subir un réel changement. Pour ce faire, la création du centre d'observation national des droits des femmes avec le réseau Balsam et avec des centres d'écoute plaide pour la prise en charge de cette violence au vu de la gravité de la situation. «3 femmes sur 10 disent être victimes de violence selon une enquête de prévalence en 2006. Ce phénomène est important en Algérie et chaque année, il s'accroît. «6000 plaintes en 2011, 7000 en 2012 et 8000 en 2013», dit-elle. De ce fait, le travail de cet observatoire est de lutter contre la violence et d'initier une politique publique d'égalité des droits. Aussi, dans cette optique, un projet loi a été déposé par 40 députés à l'ancien Parlement et on attend le nouveau pour qu'il se le réapproprie et l'applique», indique-t-elle. Dans sa communication, Mme Aït Zaï a fait référence aux textes de lois algériennes qui sont égalitaires (Constitution et autres) mis à part le code de la famille qui reste obsolète. De ce fait, elle signale «qu'il faut déconstruire le droit musulman qui est une œuvre humaine (école malékite). Ce code est construit sur la hiérarchisation des hommes et dans la lignée agnatique», précise-t-elle. 364 jours de silence Le médecin légiste Miguel Lorento axe son intervention sur l'heureuse initiative de cette rencontre en ce 8 mars, pointant du doigt qu'il existe «une seule journée de reconnaissance et 364 jours de silence». Selon ce médecin, «l'expérience espagnole est l'histoire d'un engagement car la violence est enracinée dans la société et le taux de suicide important». «Il est essentiel que la violence trouve sa solution non pas seulement dans la loi mais dans la société et dans les institutions. L'engagement doit traiter toutes formes de violences verbales, physiques, psychologiques et terroristes», signale-t-il. Suite à la loi 1/2004 du 28 décembre représentant les grands axes de la violence, un observatoire national de violence du genre a été créé pour éradiquer ce fléau. Institution nécessaire au regard du peu d'intérêt des espagnols à appréhender ce fléau comme un problème. Il existe en Espagne 60% de violence sexuelle et 2,8% des Espagnols ne considèrent pas la violence comme un problème», dit-il, outré. Au regard des 6 millions de femmes souffrant de violence, il est impératif que les attitudes des hommes changent et que toute la société civile s'implique ainsi que les institutions», ajoute-t-il. Cette rencontre a permis de faire un constat probant et réaliste de cette violence qui gangrène nos sociétés des deux rives de la Méditerranée. Ces communications de haute facture ont cerné ce problème avec l'espoir de l'éradiquer.