Alors que les prix du pétrole dégringolent et que l'attractivité du secteur des hydrocarbures de l'Algérie semble reculer aux yeux des multinationales, des questions se posent sur la capacité des responsables du secteur à répondre aux multiples défis qui se poseront dans les années à venir. D'un côté, une baisse de la production (-10% lors des quatre dernières années) et des exportations des hydrocarbures (2,3% au premier semestre 2014), donc des recettes en devises. De l'autre, des contrats d'exportations à remplir, une consommation énergétique interne en augmentation, une baisse des cours du pétrole et une transition énergétique à financer. Tout cela dans un contexte marqué par la controverse autour de l'exploitation ou pas du gaz de schiste dont la possibilité a été offerte aux compagnies étrangères dans le cadre du dernier appel d'offres pour la recherche et l'exploration en hydrocarbures qui n'a pas eu le succès escompté. Un appel à la concurrence qui a drainé peu d'engouement auprès des compagnies étrangères (4 permis attribués sur 31), mais qui a été qualifié d'«acceptable» par le président du comité de direction d'Alnaft, Sid Ali Betata. Les experts sont quant à eux plus sévères, certains parlant de «résultat décevant» ou d'échec qui peut avoir des conséquences sur le développement futur du secteur. Pourtant «les sociétés ont eu le temps de consulter», observe Nazim Zouioueche, ancien PDG de Sonatrach. Pour expliquer l'échec, on avance plusieurs possibilités, mais notre interlocuteur écarte d'emblée la question sécuritaire et évoque plutôt un problème d'ordre «institutionnel et relationnel». Institutionnel, car les compagnies étrangères n'aiment pas «le manque de stabilité institutionnelle et ont toujours peur qu'on change les règles du jeu en cours de route». Relationnel, car «elles n'arrivent pas à trouver en Algérie, les interlocuteurs qui répondent à leurs sollicitations». Sonatrach a «de moins en moins d'éléments opérationnels capables de faire face à toutes ces sollicitions», estime Nazim Zouioueche. Optimisme En dépit de ces lacunes, l'attractivité du sous-sol algérien dont le potentiel est avéré n'est pas remis en cause. Et d'ailleurs, dans la foulée des résultats du 4e appel d'offres, Sonatrach a annoncé une nouvelle découverte dans le Sud, en association avec son partenaire russe Gazprom. Et même si la production a reculé ces dernières années, le rythme des découvertes reste soutenu, notamment celles réalisées par Sonatrach en efforts propres. Le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, l'a d'ailleurs reconnu dans l'une de ses sorties médiatiques l'année dernière quand il a déclaré que «le rythme des découvertes est supérieur au rythme de l'exploitation du gaz». Pas de raisons de s'inquiéter a priori d'autant que «les réserves de l'Algérie en gaz sont en augmentation et non pas en diminution», avait-il rassuré.Son conseiller, Ali Hached, avait renchéri en déclarant que «les découvertes des deux dernières années sont si importantes qu'elles permettent d'augmenter nos réserves». Pourtant vue de plus près, la menace est réelle. Nazim Zouioueche parle même de situation «préoccupante». Et pour cause : «Nos exportations diminuent, les prix diminuent, nos parts de marché aussi et les importations ne font qu'augmenter.» Déjà sous pression en raison des appels à la baisse des prix du gaz, l'Algérie a vu ses exportations de gaz sur l'un des principaux marchés européens, à savoir l'Italie, baisser de plus de 40% en 2013. D'autre part, à l'horizon 2030, la part de la consommation nationale aura tellement augmenté que les 4/5e de la production gazière sera absorbée localement, selon l'économiste Mustapha Mekidèche (contribution parue dans Liberté du 18 juin 2014). Transition La baisse des revenus des hydrocarbures pourrait même retarder la transition énergétique à laquelle l'Algérie se prépare et qui doit faire la part belle aux énergies renouvelables et réduire la proportion du gaz dans la production de l'électricité. «La grande réserve infinie que nous avons en Algérie, c'est le solaire. Il répondra non seulement au besoin de la production d'électricité, mais réduira la sollicitation sur le gaz, et ça peut aussi être un produit d'exportation, sans compter qu'il permettra de relancer l'industrie», explique l'ancien responsable de Sonatrach. L'Algérie a, selon lui, perdu du temps sur ce chapitre et gagnerait à commencer tout de suite, même si les résultats ne pourraient venir avant 6 à 7 ans. La transition énergétique prônée par l'Algérie s'appuie non seulement sur le développement des énergies renouvelables dont la part dans le bilan énergétique nationale doit atteindre 25% à l'horizon 2030, mais aussi sur la rationalisation de la consommation énergétique. Pour cela, il faudra trouver des financements que l'Etat devra prendre certainement en charge. 100 milliards de dollars d'investissements dans les énergies renouvelables ont déjà été annoncés à l'horizon 2030. L'Algérie est un pays mono exportateur et considérant le poids de la dépense publique, une poursuite de la baisse des cours du pétrole et le rétrécissement des exportations de gaz, remettraient sérieusement en question la disponibilité de ses financements.