L'Arabie Saoudite semble opérer un recentrage significatif de sa position par rapport à la guerre d'Israël contre le Liban. Après avoir accablé d'entrée le Hezbollah, coupable aux yeux des dignitaires du royaume wahhabite d'avoir provoqué le Tsahal en prenant en otage deux de ses soldats, voilà qu'il met en garde l'Etat hébreu contre un potentiel embrasement de la région s'il s'entêtait à poursuivre ses bombardements sur le Liban. Dans un communiqué d'une tonalité presque guerrière, rendu public hier, il a dénoncé « l'arrogance » d'Israël à persister dans son refus de cessez-le-feu et avertit que si l'option de la paix échoue, « il n'y aura pas d'autre issue que la guerre ». L'Arabie Saoudite, qui a brillé par son attitude plutôt laxiste et suiviste depuis le début de l'offensive, se réveille ainsi en sursaut pour « bombarder » Israël qu'elle tient pour responsable d'un éventuel embrasement de toute la région. « Alors, Dieu seul saura ce que la région connaîtra comme guerre et conflits qui n'épargneront personne, même pas ceux qui sont enclins à jouer avec le feu en raison de leur puissance militaire. » La monarchie des Banou Abdelaziz semble avoir pris la mesure du drame qui guette la région et se présente désormais dans la posture d'une partie prenante de la guerre. « La patience n'est pas éternelle. Si l'armée israélienne continue à tuer et à détruire, personne ne peut prévoir ce qui va arriver », souligne le communiqué indigné du royaume saoudien. Mieux encore, au plan humanitaire, l'Arabie Saoudite s'est placée de fort belle manière sur le front en consentant hier une aide financière qualifiée par les observateurs occidentaux de « record ». Riyad a en effet débloqué la coquette somme de 1,5 milliard de dollars au Liban pour venir en aide à l'économie de ce pays, dévastée par deux semaines de raids aveugles de l'aviation israélienne sur les infrastructures publiques libanaises. Pendant ce temps, Riyad multiplie les efforts diplomatiques pour faire pression sur Israël afin de parvenir à un cessez-le-feu « immédiat » au Liban. Ce sera d'ailleurs son maître mot aujourd'hui à l'ouverture de la conférence internationale sur le Liban qui se tient à Rome (Italie) où elle pourra compter sur l'appui de l'Egypte et la Jordanie. Si l'obtention d'un cessez-le-feu immédiat n'est pas acquise d'avance à cause du travail de sape que ne manqueraient pas de faire les Américains qui parleront au nom d'Israël, le royaume saoudien se sortira subtilement par une pirouette d'une position très inconfortable d'un pays arabe qui a, sinon justifié, du moins condamné le Hezbollah avant les agresseurs israéliens. Riyad pourra également compter sur le changement de ton de la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice qui, de retour de Beyrouth, a estimé que le cessez-le-feu était « désormais urgent ». Sauf que ce souhait est loin de constituer une fleur pour les Libanais ni même une critique à l'égard d'Israël puisque Rice l'assortit « d'un examen complet de la situation au Proche-Orient et de la mise hors d'état de nuire du Hezbollah libanais ». Ce qui, à l'évidence, rend les résultats de la conférence qui s'ouvre aujourd'hui très aléatoires, voire négatifs d'avance, connaissant l'intransigeance du Hezbollah à ne pas rendre les armes face à la menace constante de l'Etat hébreu. Le chef du gouvernement Italien Romano Prodi a estimé hier, quant à lui, que le premier objectif de la conférence « serait l'obtention d'un cessez-le-feu ». Kofi Annan nourrit le même espoir. « Ce qui est important, c'est que nous quittions Rome avec une stratégie concrète », avait-il déclaré à son départ hier de New York pour Rome. Le SG de l'ONU se lance même la gageure de pouvoir convaincre l'Iran et la Syrie avec lesquels il est « en contact » de participer à la « solution ». Sauf que la paix, comme la guerre, a un prix que le Hezbollah a toutes les raisons du monde de ne pas payer seul. A plus forte raison au profit d'un voisin très encombrant et belliqueux tel Israël.