La guerre d'Israël contre le Liban boucle aujourd'hui son dixième jour. Dix jours, 400 morts, 600 000 déplacés, des milliers de blessés et un pays du Cèdre réduit en cendres. Ce bilan terrifiant pour un Etat qui a quasiment divorcé, de force, avec la paix depuis des lustres, ne semble pas pour autant émouvoir les Arabes. Les roitelets et autres raïs n'ont même pas été capables de convoquer les ambassadeurs de l'Etat hébreu pour sauver la forme. La loi du silence est observée avec une discipline sans faille par les « honorables » dictateurs qui assistent toute honte bue à l'équarrissage de leurs « frères » libanais sans même écraser une larme de crocodile. Quelle piteuse posture que celle de Moubarak, Abdallah et Fahd binou Abdelaziz, qui, au lieu de dénoncer l'agression de Tsahal, multiplient les conciliabules avec Washington sur les futures cibles de la guerre. « L'Egypte, la Jordanie et l'Arabie Saoudite auront le rôle important de faire pression sur les Etats qui appuient le Hezbollah, à savoir la Syrie et l'Iran, et qui, à ce titre, peuvent influencer le Hezbollah et tenter de mettre fin à la violence actuelle. » Cette déclaration du porte-parole du département d'Etat, Sean McCormack, a ce mérite de révéler aux yeux du monde la nature de « l'ordre de mission » établi par les USA aux dignitaires de ces trois pays : justifier le génocide israélien et discréditer le Hezbollah. Et, si possible, faire porter le chapeau de la résistance libanaise à l'Iran et la Syrie pour légitimer une éventuelle « correction » de ces deux pays que les stratèges de la Maison-Blanche souhaitent par dessus tout. A y voir de près, c'est exactement le même objectif visé par l'Etat hébreu qui compte beaucoup sur ses deux précieux alliés, l'Egypte de Moubarak et la Jordanie de Abdallah, avec lesquels il est lié par un traité de paix, peuvent lui donner un bon coup de main dans sa guerre. Faut-il donc s'attendre à un petit geste de commisération de la part de ces chantres autoproclamés de la « ouma arabia », en direction d'un Liban exsangue, quand on les observe faire de la prestation de services aux Américains, aux Israéliens surtout ? Cette guerre contre le pays du Cèdre renvoie encore une fois l'image d'un monde arabe réduit à un ensemble géographique. Pas plus. La géopolitique, elle, ne se traite pas entre « frères », mais avec les ennemis de ces mêmes frères. Quand l'Arabie Saoudite condamne, avant les Américains eux-mêmes, la prise de deux otages israéliens par le Hezbollah, il ne subsiste plus une once d'espoir de voir les Arabes s'entendre un jour. Cette fois, également, ils se sont entendus pour se taire face au massacre israélien sur le Liban. Au diable la fratrie ! Le cœur : adhâaf el imane... Même la Ligue arabe n'a pas osé se liguer ne serait-ce que diplomatiquement, contre cette invasion, se limitant à une pitoyable déclaration de « istinkar » que même le chef du Timor oriental peut rendre publique. C'est que, le silence des Arabes est assourdissant. Les dirigeants des trois pays sur lesquels s'appuient les Américains et par extension les Israéliens ne sont même plus capables d'écouter leurs peuples. « Non au silence arabe face aux crimes sionistes », s'époumonaient hier plus de 2000 personnes à Amman, en Jordanie, juste après la prière du vendredi. Le leader du Front de l'action islamique de ce pays a invité à juste titre les gouvernements arabes « à se réconcilier avec leurs peuples ». Cela reste cependant un vœu pieu pour la rue arabe qui assiste impuissante à la lâcheté de ses dirigeants face à l'ennemi intime. Hier, la police cairote a utilisé la manière forte pour faire taire des manifestants qui protestaient contre l'offensive israélienne au Liban et à Ghaza. Et pour cause, le raïs Moubarak et son ami Abdallah II en ont pris pour leur grade. Au beau milieu de cette spectaculaire unité arabe pour le silence, l'union parlementaire du même nom (UPA) fait une entrée quasi théâtrale sur la scène en projetant la réunion d'une session extraordinaire de son conseil pour le… 25 août. L'initiative aurait fait se marrer plus d'un si ce n'est que les enfants et les femmes meurent par dizaines au Liban. Et ce n'est pas acquis : le président de l'union, le Jordanien Abdelhadi Al Madjali, précise que son initiative n'est qu'au stade des contacts… Or, d'ici à la fin du mois d'août, le Liban risque tout simplement d'être rayé de la carte arabe si les raids israéliens se poursuivent avec la même intensité. En attendant l'impossible sursaut d'orgueil de la « ouma », les peuples arabes n'ont que leurs cœurs pour soutenir « Loubnane » et combattre Israël. Et c'est « adhâaf el imane ! ».