A chaque fois qu'Israël reçoit des coups et que le mythe de l'invincibilité de son armée est démentie sur le terrain, comme ce fut le cas avec la capture des soldats de Tsahal pris comme des lapins par la résistance palestinienne et libanaise, des voix s'élèvent pour dénoncer les mains de la Syrie et de l'Iran. Une fois de plus, Israël prend prétexte de la crise israélo-libanaise pour agiter le spectre de la menace iranienne appuyée publiquement par les Etats-Unis d'Amérique et de manière à peine voilée par d'autres puissances comme la France dont le président français s'est déclaré hier convaincu que le Hezbollah n'a pas agi seul et qu'il a sans doute bénéficié de l'aide de « telle ou telle nation » sans citer nommément un quelconque pays. Même si le régime syrien de Bachar Al Assad est dans le collimateur des alliés d'Israël, particulièrement des Américains, qui pensent avoir trouvé à travers la commission d'enquête internationale sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafik Hariri mettre le régime syrien au ban de l'humanité, il demeure que c'est l'Iran qui donne le plus de souci aux Américains et à leur protégé israélien. Les craintes réelles ou feintes exprimées par les Etats-Unis et les pays de l'Union européenne relayées par Israël quant au potentiel nucléaire iranien font de Téhéran un coupable tout désigné et un acteur de premier plan dans la crise du Proche-Orient compte tenu de son soutien actif à la cause palestinienne et de la proximité idéologique du régime iranien avec les communautés chiites de la région. Les Israéliens ont multiplié les déclarations belliqueuses contre l'Iran suspecté de vouloir faire diversion sur le dossier nucléaire en tentant de desserrer l'étau qui se referme de plus en plus sur ce pays avec la décision prise mercredi par les cinq membres permanents du Conseil (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie) et l'Allemagne de renvoyer le dossier du nucléaire iranien devant le Conseil de sécurité avec une résolution rendant obligatoire pour Téhéran la suspension de l'enrichissement de l'uranium. Le moment choisi par le Hezbollah pour frapper « n'est pas le fait du hasard », a affirmé jeudi la ministre israélienne des Affaires étrangères. Le Hezbollah est « le bras djihadiste de l'Iran », accusent à l'unisson les Israéliens qui suspectent le Hezbollah de vouloir transférer en Iran les soldats israéliens capturés. L'argument supplémentaire La condamnation du régime iranien s'est exacerbée encore davantage avec l'arrivée au pouvoir du président ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad qui s'est illustré dès son investiture par des déclarations de guerre contre Israël qu'il a souhaité voir « rayée de la carte ». Les réactions d'indignation que les propos du président iranien ont suscitées auprès des alliés d'Israël n'ont pas fait reculer d'un iota le soutien apporté par le président iranien à la cause palestinienne. L'usage par le Hezbollah d'armement sophistiqué, notamment les missiles de longue portée Katioucha et le Raad I, qui ont provoqué un climat de panique dans les villes du Nord ciblées par le Hezbollah, a fourni un argument supplémentaire à Israël et ses soutiens pour accabler l'Iran et conforter les accusations portées contre Téhéran d'armer le Hezbollah. La pression exercée contre la Syrie — son allié dans la région — pointée également du doigt par Israël et les Américains n'a pas manqué de faire réagir le président iranien qui a mis jeudi en garde Israël contre toute agression contre la Syrie, lors d'un entretien téléphonique avec son homologue syrien Bachar Al Assad. « Si Israël commet une autre idiotie et agresse la Syrie, cela sera synonyme d'une agression contre l'ensemble du monde musulman et il recevra une réponse cinglante », a déclaré M. Ahmadinejad, Simple coup de bluff ? Dans la présente crise israélo-libanaise, où le Hezbollah et la communauté chiite civile font face à un blocus total sur fond de guerre dévastatrice avec son lot de victimes qui se compte déjà à 60 morts et des dizaines de blessés, force est de constater que la riposte de l'Iran ne dépasse pas le stade du verbe et de la dénonciation. Si l'escalade militaire contre le Liban et la communauté chiite perdure, l'Iran ne pourrait pas, pour des raisons stratégiques évidentes, continuer à camper dans une telle position contemplative qui ne ferait qu'entamer son crédit auprès de ces communautés. « Grâce à Dieu, le régime sioniste, malgré sa nature sauvage et criminelle, et ses protecteurs occidentaux, n'ont pas le pouvoir de regarder même de travers l'Iran », a déclaré M. Ahmadinejad. L'Iran possède des missiles Shahab 3, d'une portée de plus de 2000 km, capables d'atteindre le territoire israélien, dont des missiles pouvant atteindre Tel Aviv, selon le Jane's Defence Weekly, un hebdomadaire britannique spécialisé dans les questions de défense. Cette revue estime que le Hezbollah disposerait entre 10 000 et 15 000 missiles et roquettes, fournis par la Syrie et l'Iran. Parmi eux, les Fajr 3, Fajr 4 et Fajr 5, de fabrication iranienne, avec pour le dernier cité un rayon d'action de 75 km environ, pouvant atteindre des villes israéliennes comme Haïfa. De même, toujours selon cette revue, le Hezbollah disposerait d'une centaine de Zelsal 1, d'un rayon d'action estimé à 150 km, assez puissant pour atteindre Tel Aviv.