En 1533, Khayreddine Barberousse quitte à tout jamais les côtes algériennes. Il répond à l'injonction pressante de l'empereur ottoman, Souleyman le Magnifique, qui tient à le voir à Constantinople. Expert en batailles navales, Barberousse se voit confier la responsabilité de combattre la redoutable flotte espagnole de Charles-Quint. A cette période de son règne, Souleyman, bien que très jeune encore—il vient de dépasser quarante ans—est confronté à des intrigues de palais dont l'animatrice n'est autre que son épouse Roxelane, ou la Russe en raison de sa provenance géographique. Roxelane ne vécut pas suffisamment longtemps pour assister à l'intronisation de l'un de ses fils. Elle mourut en 1558. Cette femme, dont la chaîne France 5 a tracé le portrait haut en couleur, est un personnage hors du commun, l'héroïne hors pair d'une saga historique qui pourrait nourrir une fresque cinématographique à succès. Cette Roxelane, que les Turcs de l'époque avaient surnommée Hürrem en raison de son caractère débonnaire, avait acquis au plus haut point l'art du complot. Elle était devenue la reine en titre du harem de Souleyman le Magnifique et, plus que cela, elle en était venue à se mêler des affaires de l'empire et à le diriger en sous-main. Née en 1505, cette Ukrainienne qui s'appelait en réalité Alexandra Lissowska avait été enlevée par les Turcs et vendue comme esclave à Ibrahim, un captif vénitien dont Souleyman le Magnifique avait fait son premier ministre, le grand vizir. Ibrahim, pour s'attirer les bonnes grâces de l'empereur, lui avait offert cette esclave slave pour agrémenter son harem. Une initiative qui lui coûta la vie car dès que Roxelane assura son emprise sur Souleyman, elle n'eut plus en tête que la perte d'Ibrahim. Elle fit répandre sur le compte du grand vizir des rumeurs si alarmantes qu'elles parvinrent à l'oreille de l'empereur qui décida de faire exécuter Ibrahim. Un assassinat qui portait la signature de Roxelane, devenue maîtresse dans l'art de la manipulation, du ragot compromettant, et qu'il fallait se garder d'avoir comme ennemie. Chacun savait que Roxelane avait les faveurs de Souleyman le Magnifique qui ne lui refusait rien. Et pour cause : Roxelane lui avait donné quatre fils, ce qui garantissait sa succession. C'était par ce moyen que la favorite s'était assuré le contrôle du harem et de l'empereur. Elle était devenue d'une certaine manière une impératrice virtuelle. Son ambition, sa soif de pouvoir étaient si démesurés que quiconque se dressait sur son chemin était éliminé. Comme elle tenait à ce que l'un de ses quatre fils succède à Souleyman pour la direction de l'empire, elle s'arrangea pour faire exécuter tout autre prétendant issu des autres épouses de l'empereur. Ce dernier n'hésita d'ailleurs pas à livrer aux bourreaux sa propre progéniture. Une tradition de cruauté typique de l'empire ottoman, qui se répétera au fil de l'histoire. Il était entendu qu'à la mort de l'empereur, son fils désigné devait mettre à mort tous ses frères pour couper court à toute revendication du trône. Lorsque Selim II, le fils de Roxelane, succéda à Souleyman, son premier geste fut de faire assassiner ses frères. Roxelane ne vécut pas suffisamment longtemps pour assister à l'intronisation de l'un de ses fils. Elle mourut en 1558 à l'âge de 53 ans. Souleyman le Magnifique disparaîtra quelques années plus tard en 1566. Les rênes de l'empire seront confiées à Selim II, dit l'ivrogne ou le blond, un personnage timoré qui n'eut ni la prestance ni la pugnacité de Souleyman. Encore moins la subtile intelligence de sa mère, cette Slave dont les rares témoins qui avaient pu l'approcher ont dit qu'elle avait le don inné de la politique. Elle avait surtout fait du harem un centre du pouvoir dans l'empire ottoman, inaugurant par là-même l'ère des reines mères dans un empire où il n'y avait pas de place pour les femmes. Roxelane a pu être associée à l'image de Catherine de Medicis ou Marie Stuart. A la différence près que Roxelane était une reine sans couronne, une héroïne ténébreuse née des soubresauts de l'histoire plutôt que de l'imagination fertile d'un conteur. Mais dans son cas, la réalité aura été à la hauteur des fictions les plus débridées. Un tel personnage, il fallait pouvoir l'inventer.