Dites simplement, ses petites histoires racontent la vie. Notre vie au quotidien. Avant de les publier en forme de bonnes feuilles dans le quotidien d'Oran, Baba Hamed Fodil les cueille à la source, c'est-à-dire autour de lui et dans son environnement. Signé journalistiquement en Tranche de vie sous le nom d'El Guellil. ses observations « au jour le jour » traduisent les contraintes journalières du petit peuple, sans discours ronfleurs ni formules rageuses. Dans son approche du terrain de nos tares et avatars, l'auteur n'essaie à aucun moment de s'extraire de l'univers de ses personnages. Il est partie prenante de leurs peines et aspirations et le montre fièrement à chaque livraison que le vécu et l'inspiration modèlent. Tranche de vie évoque en fait un diagnostic du pauvre, un journal intime pour tous ceux qui, pour une raison ou pour une autre, sont restés au bord de la route, en rade de tout ce qui s'appelle horizon. Une feuille de quai à tous ceux qui, confondus avec la marge, ont fini par épouser ses intimes contours. En camarade constant, Fodil l'imprimeur-reporter les fait parler, parle avec eux, parle pour eux et les défend au besoin car quelque part, il sait qu'il est l'une des rares voix qui s'intéressent aux sans voix. Il les interpelle ici et là dans une langue qu'ils connaissent (une langue où se côtoient avec délice, plusieurs parlers producteurs de sens et plusieurs tournures populaires et autres généreux charabias). La langue des gens de condition humble pour laquelle il a opté l'aide également à pénétrer avec détachement et sarcasmes les mondes généralement faux et interlopes de la politique du sport de la culture et de la mode. Méthodique à ce niveau, Fodil l'imprimeur témoin met le doigt ou encore les dix doigts pour signifier ses haut-le-cœur à l'endroit du vernis, des faux semblants et des attitudes exclavagistes du paraître. Précisons cependant que ce siège constant de nos travers n'est jamais un siège belliqueux, exclusiviste, fanatique. Le style d'écriture adopté est, avant toute chose, acquis à la dérision. Celle-là même qui peut démobiliser des bataillons entiers de partisans chevronnés de la dispute. Fodil, qui dans sa jeunesse a fait l'école du théâtre et de la musique engagée (dans le sens noble du terme), ne se prend à aucun moment la tête. A aucun moment il n'est docte, donneur de leçons, ni intrépide redresseur de torts. Il est écorcheur « beaucoup souvent », mais c'est fait de manière savoureuse. Et c'est peut-être la raison du grand intérêt de ce recueil de chroniques publié avec une belle maquette par la maison Dar El Gharb. L'amie des gens de la marge.