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«Je suis un sujet pensant et agissant, libéré par le combat de mes aînés»
Daho Djerbal. Historien, directeur de la revue Naqd
Publié dans El Watan le 01 - 11 - 2014

- Nous aimerions analyser avec vous, professeur, le métier d'historien en Algérie, et nous souhaiterions questionner votre propre parcours. D'abord, l'appréhendez-vous comme un «métier», vous, personnellement ?
Il faut d'emblée souligner que la formation de l'historien est un processus à long terme. On n'est pas historien, on devient historien. Et pour cela, on passe par plusieurs étapes, à commencer par l'étape de jeune chercheur plein d'ambition et de volonté. Il a devant lui une perspective ouverte. Dans mon cas, j'ai commencé ma formation en 1965.
On avait à l'époque des professeurs de renom, des coopérants français pour la plupart, et il y avait aussi des cours donnés par des professeurs algériens qui ont accédé à l'université non seulement par le mérite, mais aussi par décision politique puisqu'il fallait algérianiser les institutions. Donc, on avait deux sons de cloche, deux approches différentes. On avait tout un éventail de lectures de l'histoire en cours.
- Dès le départ, vous aviez ce désir, en perspective, de devenir historien, ou bien ce n'était pas du tout calculé ?
Au départ, ce n'était pas calculé. J'ai passé un bac sciences expérimentales, à Oran. En fait, je suis né à Oran et j'y ai grandi jusqu'à l'âge de 20 ans. Après, j'ai choisi de passer le concours de l'Ecole normale supérieure (ENS) qui était à Vieux-Kouba, et comme dans ce concours j'avais d'excellentes notes en lettres et en histoire, j'ai choisi «lettres et sciences humaines». La première année était une année de propédeutique où l'on faisait toutes les introductions aux sciences humaines et sociales. Finalement, les résultats les plus probants que j'ai eus étaient en histoire. Du coup, j'ai opté pour la filière histoire.
A l'époque, on avait 20 ans, on était bouillonnants. La question qui était sous-jacente partout, dans tous les cours, était : qui est le sujet de l'histoire ? Qui fait l'histoire ? La classe ouvrière, les leaders, les dirigeants, le peuple ? Chacun apportait sa marque, sa façon d'approcher cette histoire. Les amphis étaient pleins à craquer ; parfois, on ne trouvait pas de place où s'asseoir. En fait, les étudiants venaient assister à des performances oratoires.
De notre côté, on était politisés. On était adolescents, on était jeunes pendant la guerre de Libération nationale. Mais on avait plus ou moins côtoyé les fidayine, les responsables politiques ou du moins les militants clandestins de l'Organisation (FLN, ndlr). Tout cela faisait que nous étions non seulement concernés, mais impliqués. Et en arrivant à 20 ans à l'université, c'était le moment du coup d'Etat militaire du 19 juin 1965. On était contre le coup d'Etat. L'organisation étudiante, l'UNEA, s'était opposée au coup d'Etat militaire, donc cela nous facilitait les choses. On se réunissait, on faisait des tracts, des manifestations. On a fini par être arrêtés, nous aussi. Ainsi, quand on est arrivés à l'université en septembre-octobre 1965, l'armée avait pris le pouvoir et elle nous a dépossédés d'un rêve.
- Dans les cours d'histoire, il y avait une certaine liberté...
Il y avait même une très grande liberté. Liberté d'abord au niveau pédagogique et didactique. Le cours magistral était vraiment un cours magistral. Mais il y avait place au débat et on avait la liberté de remettre en question la doxa pour peu qu'on ait eu les bons arguments. Parmi les étudiants, il y en avait qui avaient arrêté leurs études pendant la Révolution, qui étaient au maquis ou en prison, et qui revenaient à la fac. Donc l'amphi, ce n'était pas l'amphi d'aujourd'hui. Ce n'était pas un lycée-bis. C'était un vrai espace de débat.
- Et jusqu'à ces années-là, vous ne saviez pas encore si vous vouliez devenir historien ?
Non, je ne le savais pas encore. Mais mon option licence après la propédeutique, c'était histoire-géo. Dans notre statut d'étudiant de l'ENS, il y avait une clause qui disait qu'il était possible aux meilleurs, pour 5% des effectifs, de poursuivre leurs études supérieures au lieu d'enseigner tout de suite au lycée. Comme j'étais de ceux-là, je me suis inscrit en DES (Diplôme d'études supérieures). Là commencèrent mes premiers exercices de recherche.
Deux sujets retenaient particulièrement mon attention : le premier m'était inspiré d'un cours que je suivais chez Mahfoud Kaddache, qui enseignait l'histoire contemporaine de l'Algérie. Ce sujet portait sur les responsables politiques de rang intermédiaire, comment se passait la relation entre les leaders charismatiques et la base des militants. Le deuxième sujet portait sur l'émergence de l'Emir Abdelkader.
Pourquoi l'Emir ? Et pourquoi dans la région de Mascara ? Là-dessus, j'avais une réceptivité au cours d'histoire des nationalités donné par René Galissot. Une histoire vue du côté des forces matérielles et de l'histoire des idées. J'ai réalisé que je ne pouvais comprendre l'émergence de l'Emir Abdelkader qu'en travaillant sur les formes de la propriété. Et donc j'ai choisi, pour le DES, de travailler sur la propriété dans la région de Mascara. C'était quoi la propriété foncière au XIXe siècle ? Quel était le rapport de la famille et de la tribu de l'Emir à la possession du sol ? Pour trouver des éléments explicatifs, il fallait fouiller dans les archives du cadastre.
Il y avait des rayonnages d'archives à passer au crible qui s'étendaient sur des centaines de mètres. En plus, il n'y avait pas d'inventaire ni de répertoire. Ils ont été emportés par les Français. C'étaient principalement des archives de la Direction de l'organisation foncière et du cadastre d'Oran. J'ai travaillé aussi sur certains vieux ouvrages et dans les archives du séquestre des biens de l'Emir à la Conservation foncière de Mascara. Cela faisait aussi partie de cet apprentissage, comme vous dites, du «métier».
- Quand on dit «métier», on pense un peu à «sanaâ», avec quelque chose d'artisanal...
Oui, mais dans la «sanaâ», vous avez le «maâlem». Dans notre cas, c'était le prof qui, à la fin d'un chapitre de votre manuscrit, vous faisait des observations à la marge. Mais il n'y avait personne avec vous, au cadastre, pour examiner les archives de la propriété. Si ce n'est pas le personnel qui vous aide, vous êtes livré à vous-même. Vous n'avez pas de «maâlem». Vous apprenez tout par vous-même. Si bien que quand j'ai passé ma thèse, j'étais parti pour un travail de trois ans et cela m'a pris dix ans.
C'est un long et terrible apprentissage. Si tu n'as pas avec toi un ou deux profs pour te dire là tu fais fausse route, tu es perdu. Il m'a fallu trois ans pour découvrir les différentes manifestations de la propriété sur le plan historique. En plus, on faisait les cartes et les tableaux à la main. On recopiait manuellement les archives, il n'y avait pas de photocopies, ni d'appareils numériques, ni d'ordinateurs, ni de Google…. Mais c'était passionnant.
- Quel était l'intitulé de votre thèse ?
C'était «L'Evolution de la propriété foncière dans les plaines intérieures de l'Oranie de 1850 à 1920». Entre 1968 et 1970, j'ai préparé le DES que j'ai soutenu sous la direction de Mahfoud Kaddache. Et, de 1970 à 1979, j'ai travaillé à ma thèse sous la direction de René Galissot. J'ai soutenu à l'université Paris VII de Jussieu. Mais j'y suis allé juste pour la soutenance.
Dès que j'ai eu mon DES, j'ai enseigné comme assistant en histoire dans la section francophone. Puis, en 1974, il y a eu l'arabisation intégrale des disciplines d'enseignement, donc j'ai dû aller en Sciences Po où j'enseignais les relations internationales. En 1978, Sciences Po fut arabisée à son tour, alors je suis allé en Sciences Eco où je suis resté jusqu'en 1980. Après, je suis revenu enseigner l'histoire. Et là, j'ai dû suivre des cours pour parfaire mon arabe.
- Vous arrivez à concilier enseignement et recherche ?
Je suis obligé. Tout mon temps est consacré à cela. Notre choix n'était pas un choix de carrière. On considérait notre travail de recherche comme une réponse à des questions existentielles. Aujourd'hui, nous dirions «à des questions politiques». Parce qu'on n'était pas d'accord avec le régime en place, il fallait qu'on trouve dans l'histoire des motifs, des arguments, et l'on faisait ce travail pour donner du sens à notre présent.
En 1980, on entre dans une période de plus en plus trouble de l'histoire du temps présent. C'est l'émergence des mouvements fondamentalistes avec Bouyali, des mouvements identitaires avec le MCB, des ligues des droits de l'homme, etc. La fac est en pleine agitation. Et là, il fallait prendre des positions. En ce qui me concerne, j'ai continué à faire des recherches sur l'histoire économique et sociale.
Mais autre chose retenait mon attention. C'est le deuxième intérêt que j'évoquais, à savoir les cadres des organisations politiques. Donc, je passe du champ économique et social au champ du politique.
Et là, je me mets à m'impliquer de plus en plus dans la rencontre des anciens militants du PPA/MTLD, du FLN et de l'ALN. Il faut mentionner, là, ma rencontre avec Mohamed Harbi quelques semaines avant ma soutenance, puis plus régulièrement après. Cette rencontre a été finalement décisive dans le choix de mon orientation nouvelle. De 1980 à 1986, j'ai travaillé à recueillir et à écrire les mémoires de Si Lakhdar Bentobbal que j'avais rencontré grâce à Mahfoudh Bennoune qui était son agent de liaison entre la Wilaya II et le CCE. Et avec Mahfoudh Bennoune, on a recueilli son témoignage sur le PPA et le Nord-Constantinois. Hélas, ces Mémoires n'ont toujours pas vu le jour pour des raisons indépendantes de ma volonté.
- Pour quelle raison ? Bentobbal avait émis le souhait qu'ils paraissent après sa mort. Qu'est-ce qui empêche la sortie de cet ouvrage aujourd'hui ?
Après sa mort, sa famille a continué à faire censure de ce livre, ce qui fait qu'il ne soit pas parvenu à la connaissance du grand public alors qu'il devrait l'être, et j'insiste sur ce point, selon la volonté clairement exprimée du défunt Si Abdallah Bentobbal. Quand je rencontre Bentobbal pour la première fois, je découvre un continent ignoré, une sorte de livre ouvert sur tout un monde, mon monde. C'est quoi être militant du PPA clandestin ? C'est quoi être un membre de l'OS ? Comment est-on passé à la lutte armée en Novembre 1954 ? Avec Bentobbal, je découvrais les cadres dirigeants du Mouvement de Libération nationale.
C'est une expérience unique. Cela aussi faisait partie de notre apprentissage, quitter pour un moment la source écrite pour explorer l'archive orale. C'était nouveau. A l'époque, des professeurs comme Charles-Robert Ageron ou même René Galissot disaient : «Attention, la source orale, c'est du récit de vie, c'est du roman historique, ce n'est pas de l'histoire». Pour moi, c'était un parti pris. Il n'y a pas de raison que l'on écrive l'histoire uniquement à travers le regard de l'administrateur civil, du juge d'instruction ou du commandant militaire français. Il fallait que l'on voie l'histoire à travers nos propres yeux aussi.
- On pointe souvent la difficulté pour nos chercheurs d'avoir accès aux archives. Vous a-t-on déjà refusé la consultation de certaines archives ?
Personnellement, non. Quand j'ai travaillé sur ma thèse, je n'ai pas eu de problème. Pour les archives de l'OS, je les ai fabriquées moi-même en enregistrant les sources orales. J'ai rencontré les acteurs et les témoins, dont certains m'ont remis des documents originaux. Cela dit, je connais plusieurs cas aujourd'hui où l'on peine à obtenir des archives. Un chercheur arrive de Oued Souf ou d'Adrar, il demande à avoir l'autorisation d'accéder à une boîte d'archives ; on lui dit : il faut l'autorisation personnelle du directeur. Le directeur n'est pas là, alors, le ou la chercheur(e) est pénalisé(e). Il (elle) vient pour un jour, deux jours à Alger, il (elle) ne vient pas pour un mois.
Quand il (elle) finit par l'avoir après mille péripéties, cette si précieuse autorisation, on lui dit : vous avez le droit de photocopier trois feuillets par jour. Ainsi, vous n'avez pas le droit de photographier les documents comme cela se passe dans beaucoup de fonds d'archives étrangers. J'ai reçu plusieurs chercheurs d'âge avancé, qui étaient effondrés parce qu'ils ne pouvaient pas progresser dans leur travail de recherche en raison de tracasseries bureaucratiques et du mauvais accueil dans certains services. Donc, il y a un problème d'accès aux archives, de propriété (appropriation privative) des archives et de statut des archives.
- Avez-vous eu à subir des pressions dans votre travail d'historien ?
Non, jamais !
- Mais avez-vous, par exemple, rencontré des difficultés pour diffuser et publier vos travaux ?
Absolument ! Ma thèse, je l'ai déposée une année après ma soutenance, soit en 1980, à l'OPU. A ce jour, elle n'est pas publiée. Les Mémoires de Bentobbal, j'ai mis six ans à les écrire, mais depuis 1986, ils sont toujours sous censure. J'ai fait un travail en 1999 à la demande de Sonelgaz sur la mémoire de l'entreprise nationale à partir de la mémoire des cadres et des travailleurs qui l'ont bâtie, et ce travail n'a toujours pas été rendu public pour des raisons que j'ignore.
- Ne voyez-vous pas une sorte de paradoxe entre l'engouement que l'on voit dans les librairies pour les ouvrages historiques et toutes ces entraves à la publication de vos travaux ? Les éditeurs ne jouent pas le jeu ?
Certains éditeurs font de l'argent. Ils ont besoin de livres qui font scandale. On préfère publier un récit, des mémoires, un témoignage qui déclenchent une polémique : les histoires entre Yacef Saadi et Zohra Drif, Saïd Sadi et des membres de la Wilaya III ou de la Wilaya II concernant Amirouche et sa disparition… Tout cela, ça fait tourner la boutique. Mais ça ne fait pas avancer l'histoire.
- Pour finir, comment sortir de la «monogamie forcée», comme vous l'appelez, avec le récit français ?
On est pris au piège d'une épistémologie qui n'est pas la nôtre et d'un encadrement conceptuel de notre discours par des notions et des thèmes qui ont été fabriqués par l'histoire de l'Europe occidentale, de la France coloniale. Quand on parle de l'Etat, de la nation, du bien général, de la représentativité élective, du Parlement, on est dans leur registre, celui de l'empire. Jusqu'aux négociations d'Evian, la délégation française avait dans son dossier, parmi les points à négocier, le statut des «populations d'Algérie», alors que la délégation algérienne était venue avec la notion de «peuple algérien». C'était d'emblée inconciliable.
C'est le pendant politique de ce que je vous dis en termes de théorie. Le seul rapport qu'ils acceptaient, c'était celui de maître à sujet, c'est le principe de subalternité dans toute sa splendeur. Il y en a, parmi les Algériens, qui l'ont intégré de manière inconsciente dans le fond de leur âme, dans leur pensée et dans leur agir. A titre caricatural, tout le monde a vu à la télé algérienne un ministre algérien remettre la boîte noire (de l'avion espagnol affrété par Air Algérie qui s'est crashé au Mali, ndlr), tout sourire, tout fier, presque à genoux, à un ministre français. C'est un scandale ! C'est une insulte à tous ceux qui ont négocié la souveraineté algérienne.
Elle est où, aujourd'hui ? C'est cela le principe de subalternité qui a été refusé par la délégation algérienne aux négociations d'Evian, quitte à prolonger la guerre et les souffrances du peuple. Je ne suis pas un subalterne. Je ne suis pas un substitut au sujet colonial. Je suis un sujet pensant et agissant, libéré par le combat de mes aînés, sans tuteur et sans protecteur ; et partout où je suis, à commencer par les sphères académiques, je veux qu'on m'admette en tant que tel, un citoyen appartenant à un peuple souverain, libéré de la tutelle extérieure par une lutte de longue durée. Telle est ma bataille, mon interprétation de mon «métier» d'historien.


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