Même si, officiellement, le gouvernement algérien, qui a réagi par l'entremise d'un communiqué du ministère des Affaires étrangères, s'est félicité du succès des élections législatives en Tunisie, en privé, ce scrutin a incontestablement laissé auprès de nos dirigeants un goût amer. Parce que le souffle démocratique qui vient de répandre son parfum de jasmin sur la Tunisie s'est levé dans notre voisinage immédiat, l'Algérie ne pourrait pas rester insensible et faire comme si le pouvoir algérien n'est pas directement interpellé par cette expérience démocratique réussie. La réaction toute diplomatique de l'Algérie, qui s'est empressée avant tout le monde de féliciter le peuple tunisien pour son acquis historique, avait politiquement quelque chose d'indécent et d'incorrect quand on sait que notre pays, qui était le précurseur du combat pour la démocratie dans la région, s'est retrouvé, en mauvais élève de l'histoire, à subir les événements. Les images et les messages porteurs d'espoir pour la démocratie tunisienne en marche que les Tunisiens ont envoyé au monde ont eu, pour les démocrates algériens, l'effet d'une corde dans la maison d'un pendu. Les réactions étaient partagées entre joie et frustration. Fierté pour le pas historique franchi par la jeune démocratie tunisienne en si peu de temps. Mais une fête démocratique empreinte toutefois d'un sentiment profond d'amertume pour le combat démocratique contrarié en Algérie. Le salut de l'Algérie viendra-t-il de la Tunisie ? Les élections tunisiennes et, avant cela, la révolution du Jasmin, qui a jeté les jalons du processus démocratique dans ce pays, ont fait voler en éclats le mythe de la théorie du chaos entretenue par le pouvoir en Algérie pour se prémunir contre la contagion des «révolutions arabes». La Tunisie, c'est si proche… L'onde de choc des changements politiques intervenus dans ce pays pourrait exploser au visage des tenants du statu quo en Algérie. Le label de stabilité politique, ou de stabilité tout court, que le pouvoir ne met en avant au milieu d'un environnement géopolitique régional en proie à de graves convulsions pour s'attirer la bienveillance de l'étranger ne dupe plus personne. La spécificité «démocratique» algérienne ne séduit que ses concepteurs. Nos partenaires, qui se sont montrés trop complaisants, voire complices avec le pouvoir en place pour préserver leurs intérêts bien compris, poussant l'outrecuidance jusqu'à cautionner une parodie électorale sans précédent dans l'histoire, vont désormais regarder l'Algérie avec des lorgnettes… tunisiennes. La conduite du processus démocratique en Algérie sera appréciée à l'aune du renouveau démocratique tunisien, qui est salué par les capitales occidentales comme le modèle démocratique par excellence à exporter dans le Monde arabe. Les pressions politiques et économiques vont s'intensifier sur les pays comme l'Algérie, qui freinent des quatre fers, pour les amener à s'inspirer de la révolution tunisienne. Les ONG vont également se mettre de la partie pour tenter, par leurs rapports critiques sur les droits de l'homme, la gouvernance, la corruption, les atteintes à la liberté de la presse… de peser sur le débat politique interne. L'opposition, regroupée autour de la Commission nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD), ne manquera pas elle aussi de puiser dans les changements intervenus en Tunisie une énergie nouvelle et des arguments de poids pour mettre le pouvoir en face de ses responsabilités. Le choix de l'anniversaire du déclenchement de la Révolution du 1er Novembre retenu par la Coordination pour lancer un appel aux Algériens en vue d'accompagner et de faire aboutir le processus de transition démocratique, au-delà de la symbolique attachée à cette date historique, se veut un acte fondateur de l'action citoyenne pour la construction démocratique en Algérie.