Un temps considéré comme «un exemple» de démocratie et de liberté de presse, le régime marocain a fini par dévoiler son vrai visage : la liberté affichée par certains journaux n'était qu'éphémère. Et les qualités que certains avaient tenté de trouver au makhzen ne sont en fait que de pures chimères. Pour se débarrasser de certains journaux «gênants», les autorités marocaines, qui utilisaient une manière brutale du temps du roi Hassan II, emploient, depuis l'arrivée au trône de Mohammed IV, des moyens plus subtils. Le chantage par la publicité est l'une de ces voies. «Au début, le régime et ses hommes cherchent à vous amadouer, à vous amener à ‘‘être raisonnable'', c'est-à-dire à composer. Là, ils montrent leur visage le plus aimable en vous promettant de vous aider en cas de ‘‘collaboration''. L'aide en question est d'avoir plus de pub que ne mérite votre journal ou revue. Ils s'en foutent que vous vendiez 50 000 ou 1000 exemplaires par semaine. Ce qui les intéresse, c'est que vous soyez réceptifs à leurs ‘‘conseils''. Ne pas publier ceci ou cela, relayer une cabale contre telle personnalité ou accuser telle autre. Et, surtout, ne pas réfléchir et ne pas informer autrement que dans le cadre de l'unanimité de pensée qu'ils ont imposée au reste de la presse marocaine», témoigne Ali Lmrabet dont les journaux, Demain, Demain magazine et Doumane ont été interdits de parution. Ne voyant rien venir, les autorités marocaines passent à une autre étape : la menace. Le journaliste est convoqué par des policiers. Il reçoit des menaces. «La source de la pub a commencé à baisser, puis a tari complètement», raconte le journaliste, contacté hier. Malgré ces pressions, le journaliste ne baisse pas les bras ; il crée d'autres publications qui fonctionnent grâce aux ventes. Le régime passe à la violence. «Ils ont fini par monter contre moi l'appareil judiciaire marocain qui, comme tout le monde sait, est corrompu et servile. Mes journaux furent donc interdits par la ‘‘justice'' et moi envoyé en prison.» Ali Lmrabet n'est pas le seul à subir les foudres du palais royal. Le Journal hebdomadaire, créé entre autres par Boubakr Jemaï, a cessé de paraître depuis 2010. Après avoir résisté aux assauts des autorités, l'hebdomadaire, critique à l'égard du palais royal, cesse de paraître. Le patron du journal est lui-même assailli par des amendes faramineuses qui lui ont rendu la vie impossible. Le magazine Tel Quel, très critique envers le palais royal, a lui aussi connu les affres de la censure. Le makhzen, qui a souvent fait l'objet d'enquêtes par cette publication, a poussé Ahmed Réda Benchemsi, le directeur-fondateur du journal, à vendre ses parts et à s'exiler aux Etats-Unis. Un journaliste, Ali Amar, a connu lui aussi les foudres royales. Lui qui a «osé» écrire un livre sur le roi a été «débarqué» du site Slate Afrique. Des journalistes, notamment algériens, ont fini par dénoncer les pressions exercées par le makhzen contre les responsables du journal, établis à Paris. Ce sont ces méthodes qui semblent inspirer les autorités algériennes.