La presse mondiale a condamné, hier, le bombardement israélien de Qana au Liban-Sud qui a tué 54 personnes, parmi lesquelles 37 enfants. Sauf la presse de l'Etat hébreu qui s'est montrée plus préoccupée par les conséquences sur la sécurité d'Israël d'un cessez-le-feu « prématuré » avec le Hezbollah que par le drame. « Un nouvel holocauste au Proche-Orient », écrit le quotidien émirati Al-Khaleej, en publiant en Une des photos d'enfants morts, retirés des décombres à Qana. « Par leur nouveau crime, les Israéliens (...) ont répété d'une manière systématique les mêmes crimes dont ils accusent les nazis », note pour sa part le quotidien Al Watan d'Arabie Saoudite. « Si la boucherie de Qana consacrait la paix recherchée par les Etats-Unis et (leur) nouveau Proche-Orient (...), nous devons alors fermer la porte devant ceux qui veulent nous détruire », avertit pour sa part Okaz, un autre quotidien saoudien. Le journal Al-Bayane des Emirats arabes unis note qu'« aujourd'hui, le silence n'est plus permis comme il n'y a plus lieu à justifier l'agression ». La presse libanaise estimait que le bombardement est un tournant qui va renforcer les chances d'une solution dans le conflit entre le Hezbollah chiite et Israël. « Le sacrifice des enfants de Qana ont changé la donne internationale en renforçant les chances d'un cessez-le-feu auquel s'est ralliée la quasi-totalité de la communauté internationale », estime le quotidien à grand tirage An-Nahar. The Daily Star relève aussi que « les réactions au massacre de Qana vont constituer un tournant dans le conflit en cours et peut-être dans le conflit israélo-arabe ». Pour le journal francophone L'Orient le Jour, « la boucherie commise dimanche est une invitation israélienne on ne peut plus explicite à une escalade de la violence, et à des tirs de missiles qui pourraient atteindre cette fois Tel-Aviv ». Fermes condamnations Le journal souligne toutefois qu'« une première brèche est apparue dans le soutien inconditionnel des Etats-Unis à Israël », alors qu'au Liban, « Israël veut faire de tous les Libanais des partisans du Hezbollah ». Ferme condamnation de la presse algérienne. « L'horreur » titre en sa Une El Watan. « Qana, l'acte II de la boucherie », pour La Tribune. « Les nazis reviennent de nouveau », titre le quotidien arabophone à plus grand tirage, El Khabar. Le traitement de la presse française de cette « boucherie » est mitigé. « Qana, le carnage de trop » titre à la Une le quotidien français Libération. « Les Israéliens auront bientôt tout cassé au Liban, sauf le Hezbollah. Sourds aux critiques, et même aux appels à la ‘‘retenue'', ils ont poursuivi leur stratégie jusqu'à se retrouver dans une impasse », écrit l'éditorialiste de ce journal. Le Parisien titre « L'horreur » alors que Le Figaro titre à la Une « Qana, le tournant de la guerre ».La presse allemande est par contre globalement très sévère pour Israël après le bombardement et souligne que l'Etat hébreu devra payer un prix politique pour ce drame. Même le quotidien populaire Bild, traditionnellement indéfectible soutien d'Israël, estime que « face à de nombreuses morts violentes », le bilan du carnage de Qana semble être « une addition incompréhensible et cynique ». Le Financial Times Deutschland estime que « même si le Hezbollah sort grandement affaibli de cette guerre (...), il peut remporter une nette victoire de propagande ». La Sùddeutsche Zeitung critique durement le gouvernement israélien pour son « entêtement à ignorer l'opinion publique du monde entier ». La Frankfurter Allgemeine Zeitung relève, de son côté, que « le nombre de victimes civiles dans ce conflit est asymétrique ». Un drame qui risque de « coÛter cher » Pour la presse russe, qui condamne les raids aériens israéliens, le drame de Qana risque de « coûter cher » à Israël en termes d'image et de soutiens politiques. Les frappes contre Qana « pourraient coûter cher aux Israéliens », titre à la Une le quotidien des affaires Kommersant. « Si le nombre d'enfants tués est dix fois supérieur à celui des hommes armés de fusils automatiques et de lance-grenades, peut-on dire que c'est une guerre contre le terrorisme ? », s'interroge le journal. Selon Kommersant, après le drame de Qana, le texte de la résolution de l'ONU sur le règlement libano-israélien « va être durci » à l'égard des Israéliens, et Washington « aura du mal à défendre les intérêts » de l'Etat hébreu, son « partenaire » et « allié » au Proche-Orient. « L'aviation israélienne a rayé tous les espoirs d'une fin rapide de la guerre au Liban », souligne pour sa part le quotidien Izvestia. Les enfants tués à Qana « étaient-ils membres du Hezbollah ? », s'interroge Izvestia avec amertume. « Les événements de dimanche à Qana vont causer un dommage irréparable à l'image ‘‘antiterroriste'' de l'armée israélienne », relève de son côté le quotidien Gazeta. Le bombardement meurtrier de Qana dessert profondément la cause d'Israël au Liban, juge unanime la presse britannique en évoquant souvent « un crime de guerre ». L'ensemble des commentaires établit le parallèle entre le bombardement de dimanche et celui de 1996 sur la même ville. Dans les deux cas, les justifications israéliennes ont « sonné creux », estiment ensemble le Guardian (centre-gauche) et le Daily Telegraph (centre-droit).