Dans son implacable détermination à mener une guerre totale contre le Liban, Israël ne recule devant aucune atrocité. En témoigne, aux yeux du monde, l'effroyable bombardement, dimanche à l'aube, du village de Qana, bourgade martyre plongée dans l'horreur absolue. Une tragédie qui se solde par de lourdes pertes humaines, dont des enfants arrachés à la vie dans leur sommeil. C'est un véritable crime contre l'humanité que ce bombardement contre Qana, au point que même des dirigeants favorables à Israël ont réprouvé cet acte où s'exprime un déni cynique du droit à la vie. Israël ne peut pas justifier la mort de ces enfants libanais qui ne portaient pas d'armes, ni l'uniforme du Hezbollah. L'opinion mondiale, si elle se posait encore des questions sur la validité de l'agression israélienne contre le Liban, est désormais éclairée sur les intentions génocidaires d'Israël. Près de vingt jours après le début de l'agression contre le Liban, il y a déjà plus de 700 victimes civiles auxquelles s'ajoutent les morts de Qana. Ce village éprouvé avait déjà subi, il y a des années, les affres de la destruction et de la mort lorsque l'armée israélienne, appuyée par les miliciens de l'armée du Liban-Sud à sa solde, avait mis Qana à feu et à sang. Il y avait eu des centaines de morts et de blessés. Le siège de Qana avait soulevé l'indignation de la communauté internationale. Dix ans plus tard, Israël s'acharne encore sur ce village meurtri en le frappant plus lourdement encore avec la volonté manifeste de heurter les consciences et la certitude que son acte sera couvert par l'impunité. En bombardant Qana, Israël a attaqué un symbole fondateur chez un large pan de la population du Liban. Les chrétiens de ce pays considèrent en effet Qana comme un lieu empreint de sainteté, car selon leur tradition Jésus-Christ y aurait accompli un miracle, celui de transformer de l'eau en vin lors d'un mariage. Un épisode connu sous le titre des Noces de Qana. Les Israéliens ont toujours contesté cette version libanaise et affirmé que le vrai Qana, tel qu'il est évoqué dans les Ecritures, notamment par l'Evangile de Saint-Jean, se trouveraient « chez eux », près de Nazareth où Jésus-Christ a vécu les premières années de son existence terrestre. Malgré tous leurs stratagèmes, les Israéliens n'ont pas pu établir la validité de leur thèse contre celle que défendent les chrétiens du Liban. Ceci pourrait expliquer en partie pourquoi Qana est ciblée avec une telle persistance par Israël qui cherche à priver les Libanais, y compris de leur héritage spirituel. Quitte pour cela à rayer Qana de la carte ? Le pas franchi par le bombardement de ce village prouve en tout état de cause que les mobiles d'Israël sont totalement douteux. Le massacre de Qana est du même ordre que celui de Guernica et il faut se demander si l'évocation du village martyr français d'Oradour - sur - Glane, où l'armée allemande perpétra un abominable crime collectif, n'est pas de mise. L'humanité toute entière, après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, était fondée à ne plus vivre de tels drames. La mémoire de l'homme est à cet égard oublieuse et la vie des plus faibles, des démunis, des désarmés, n'a pas de sens ni de prix face à la force brutale, revancharde et inaccessible au sentiment humain. Comment un être humain doté de conscience peut-il accepter, voire se faire complice par tacite consentement, d'une si grave atteinte ? Au-delà des condamnations de principe - celle du Conseil de sécurité de l'ONU ayant peu de chances d'aboutir face au veto américain - c'est le monde entier qu'interpelle aujourd'hui le Liban agressé. Car, après Qana, de quoi sera fait le lendemain de ce pays livré par les puissants de la Planète à la dérive destructrice d'Israël. On n'ose imaginer comment cela se terminera.