Ce n'est point pour critiquer l'environnement dans lequel il vit, le discret Youcef Taouint, président du MTK (Mouvement théâtral de Koléa) a interpellé une nouvelle fois les familles et le public lors de l'ouverture de la 19e édition de «Fordja». Un constat présenté par une avalanche de tableaux qui reflètent ironiquement la situation lamentable algérienne sous différents angles. Un miroir pour briser les sujets tabous et permettre aux citoyens de se découvrir sous leur véritable visage. Youcef Taouint s'est penché sur le mot «ingratitude» pour entamer le programme de cette édition 2014. Le président du MTK, qui est le metteur en scène et l'auteur de la pièce de théâtre, a monté les mots tel un puzzle sous un emballage chorégraphique, dans une atmosphère colorée, afin de permettre aux jeunes comédiens du MTK d'exprimer «un magma» de difficultés vécues par certaines classes de la société algérienne. Le statut de l'artiste, les problèmes des journalistes, la course vers le pouvoir, (koursi, ndlr), d'aventuriers politiques, le mépris, la souffrance des marginalisés, l'arrogance, autant de sujets passés à la moulinette par Youcef Taouint, comme à l'accoutumée, qui faisait délirer l'assistance. Décidément, Youcef Taouint n'arrête pas de surprendre ses fans d'année en année, sans faire de bruit. Cet amoureux du chaâbi, du cinéma, du théâtre et de la lecture est un modèle qui rase les murs, mais qui produit des merveilles culturelles. Ce n'est pas un hasard si les jeunes veulent intégrer en masse l'école du MTK, en dépit du manque de moyens. Pour cette entame de la 19e édition, Kamel Kacimi, Boubekeur Mechmech, Adel Djebar et Abderrahim se sont dépensés pendant 75 minutes sur les planches pour interpréter Nakar Lahsene. Malgré une météo hostile, le public connaisseur de Koléa ne voulait pas rater le «dernier-né» de Youcef Taouint. Cette 19e édition avait été dédiée à l'un des plus illustres enfants du théâtre algérien depuis la guerre de Libération nationale, jusqu'en 2012. Il s'agit de Ali Nadji, qui a vite été oublié par sa ville, Bou Ismaïl, après son enterrement. Néanmoins, son élève, Youcef Taouint, a tenu à l'honorer à Koléa. Emotions, souvenirs, pleurs. Après avoir accueilli la famille du défunt, en prenant la parole à l'issue de la 1re soirée du festival, le président du MTK a rappelé le parcours de Ammi Ali, moudjahid, ex-régisseur du TNA et président de l'association El Ismaïlia de Bou Ismaïl, qui n'avait cessé de son vivant d'apporter modestement aide et conseils aux élèves du MTK et à ceux de l'association El Ismaïlia de Bou Ismaïl. Des amis comédiens venus de la capitale, à l'image de Rabia, des universitaires et chercheurs du 4e art (Boukrouh, Boukhelifa), ainsi que des personnalités culturelles avaient tous répondu présent à l'appel du MTK, même le complice de Ali Nadji, en l'occurrence Mazar Mustapha, a fait partie de l'assistance. Ce dernier avait présidé et organisé des éditions du Festival du rire de Bou Ismaïl contre vents et marées, même durant les années du terrorisme, avant que cette manifestation culturelle ne soit «assassinée» par les autorités de la wilaya à l'aube de l'année 2000. D'ailleurs, l'infatigable Ali Nadji s'enorgueillait du très formidable succès de ce Festival du rire, car aux côtés de Mazar Mustapha, il avait été très actif pour donner du bonheur pendant quelques jours et nuits aux familles. Pour revenir à cette 19e édition du Festival du MTK, elle a été clôturée dans la soirée du 10 novembre. Il n'en demeure pas moins que ce «festival du MTK», appelé affectueusement «El Fordja», après deux décennies d'existence, mérite un véritable statut de festival. Le ministère de la Culture devrait s'occuper de cette manifestation culturelle qui est en quête de ce statut ces dernières années. Il s'agit de l'éducation des jeunes dans l'intérêt du secteur de la culture algérienne, à l'instar du Festival de musique andalouse, «Koléandalouse» en l'occurrence.