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«Tous les éléments du dossier doivent rester en Algérie» Des juges algériens répliquent à la campagne de trévidic sur l'affaire des moines de tibhirine
L'appel du juge français, Marc Trévidic, à son gouvernement afin d'obliger l'Algérie à lui remettre les échantillons récupérés sur les crânes des moines de Tibhirine, étonne les professionnels du droit. Pour ces derniers, les pièces d'une procédure judiciaire ne peuvent être transférées . Elles doivent rester dans le dossier. S'il y a transfert, cela concerne tout le dossier une fois l'instruction terminée, parce qu'il ne peut y avoir deux enquêtes sur les mêmes faits. L'enquête sur l'assassinat des sept moines de Tibhirine, en 1995 à Médéa, ne semble pas connaître son épilogue. Après avoir obtenu l'accord pour un déplacement sur les lieux dans le cadre de l'exhumation des têtes et leur expertise par des spécialistes algériens et français, le juge antiterroriste, Marc Trévidic, ne semble pas totalement satisfait des résultats de sa démarche. Il a demandé au gouvernement français de faire «pression» sur la justice algérienne afin qu'il puisse récupérer les prélèvements effectués sur les crânes des sept moines et les faire expertiser en France. Sur le plateau de télévision d'une chaîne française, il a exprimé sa «satisfaction de la qualité du prélèvement de deux échantillons, restés en possession du juge algérien». En fait, M. Trévidic veut récupérer un échantillon du prélèvement pour l'expertiser en France, et pour y arriver, il a annoncé son intention «d'introduire une nouvelle demande d'entraide judiciaire auprès des autorités algériennes». Mieux : pour s'assurer une réponse favorable, il a demandé à son gouvernement «de faire pression» sur l'Algérie car, a-t-il expliqué, «il est le seul qui peut» l'aider à obtenir ce qu'il veut. Du côté algérien, la question est prise sous l'angle du droit. «L'affaire fait l'objet d'une procédure judiciaire en Algérie. Toutes les pièces y afférentes doivent y rester et ne peuvent être transférées ailleurs. C'est une mesure que tous les juges connaissent. On voit mal un juge français remettre une pièce d'un des dossiers qu'il instruit à un autre juge…», expliquent des sources judiciaires proches du dossier. Nos interlocuteurs se déclarent «conscients de la préoccupation» du juge, mais expriment leur «étonnement» quant à l'appel qu'il a lancé à son gouvernement pour faire pression sur la justice algérienne. «C'est un juge d'instruction d'une grande compétence qui doit savoir que pour arriver à la vérité, il faut être serein et loin de toute pression», affirment-ils. Ils précisent par ailleurs que, dans cette affaire, il faudra bien qu'un jour l'une des deux parties se désiste au profit de l'autre. Il y a deux procédures pour un même dossier et une même finalité. Il faut donc se préparer à ce que l'une des deux soit transférée vers l'une ou l'autre partie. Pour l'instant, les prélèvements effectués sur les crânes des sept moines sont entre les mains des experts algériens, qui ont tous les moyens techniques pour analyser d'une manière professionnelle les échantillons. A propos de cette expertise, nos sources affirment qu'il y a eu deux étapes. «La première a consisté à expertiser les crânes et les quelques vertèbres restées accrochées. Il s'avère que les victimes ne présentaient pas d'impacts de balle. Les traces retrouvées prouvent qu'il y a eu décapitation. La deuxième étape de l'expertise consiste à prélever des échantillons de cellules crâniennes, les analyser afin de savoir si la décapitation a eu lieu postmortem ou ante mortem. Une fois les résultats obtenus, le juge français aura les conclusions, comme cela a été convenu dès le départ», souligne-t-on. En fait, ces expertises sont nécessaires pour le juge Trévidic, parce qu'elles devront lui permettre de confirmer ou d'infirmer les déclarations du général français, François Buchwalter, versées au dossier. Ancien attaché de défense à l'ambassade de France à Alger, cet officier de haut rang avait jeté un pavé dans la mare en affirmant qu'une source algérienne bien informée lui avait déclaré que la mort des moines était due à une bavure de l'armée algérienne, suite au mitraillage des moines et de leurs ravisseurs. Selon cette même source que le général a citée, les moines auraient ensuite été décapités «postmortem» pour faire croire à un assassinat commis par les terroristes du GIA. La thèse a été vite battue en brèche par de nombreux spécialistes des questions militaires ainsi que par les aveux de plusieurs terroristes repentis. Me Baudouin, avocat des familles des moines assassinés, a pour sa part récemment reconnu que l'hypothèse d'une implication de l'armée algérienne était «disqualifiée», abandonnant ainsi une thèse qu'il a menée depuis vingt ans. Mais, le juge Trévidic a voulu aller plus loin dans cette affaire, dans le but, dit-il, d'arriver à la vérité. Il attendra trois années avant que les autorités algériennes ne l'autorisent à exhumer les têtes des moines en présence d'experts français et algériens. Les échantillons de cellules des crânes ont été prélevés pour être expertisés en Algérie. Il fait pression pour obtenir les lamelles relatives aux analyses histologiques, et les emmener en France. Ce ne sont pas les compétences des experts algériens qui semblent lui poser problème, puisqu'ils sont aussi compétents que ses compatriotes et sont aussi bien dotés. Le juge ne semble pas avoir une totale confiance en son collègue algérien. Il veut faire sa propre lecture des analyses et des résultats de l'expertise. Pourquoi la vérité fait-elle aussi peur aux juges, qu'ils soient en Algérie ou en France ? N'a-t-on pas suffisamment d'éléments qui prouvent jusqu'à maintenant que les moines ont été assassinés par des groupes terroristes ?