La déclaration du porte-parole adjoint du ministère français des Affaires étrangères a mis fin à la polémique lancée par les familles des victimes et le juge Trévidic. L'affaire des sept moines de Tibhirine, assassinés en 1996, revient sur le devant de la scène, pas seulement en Algérie, mais cette fois en France, également. Sur fond de tapage médiatique, au moins deux éléments y ont contribué : les déclarations faites par le juge français, Marc Trévidic, après sa mission récente à Alger, et les propos tenus avant-hier par Me Patrick Baudouin, avocat des familles des moines, à Paris. Après une semaine passée en Algérie pour participer à l'exhumation des têtes des religieux, Marc Trévidic et sa collègue Nathalie Poux sont repartis déçus, voire en colère, selon radio France Inter. La délégation croyait pouvoir rentrer avec les prélèvements ADN des moines, pour savoir s'ils "avaient été égorgés ou décapités après leur mort", selon la même source. France Inter a estimé que ce "blocage est d'autant plus dommageable que les juges français doutent de la capacité des Algériens à réaliser eux-mêmes les analyses nécessaires (ADN notamment) et même de leur capacité à conserver les prélèvements dans de bonnes conditions". Plus loin, la même radio a laissé entendre que "les toutes premières conclusions des experts français mettraient en doute la date officielle de la mort, le 21 mai 1996, date de la publication d'un communiqué du GIA qui annonçait l'exécution des moines, un mois après leur enlèvement". Sur iTélé, le juge Trévidic a, par ailleurs, déclaré très récemment qu'il n'avait pas pu "obtenir des prélèvements sur place", accusant Alger d'être à l'origine d'"obstacles". Se disant calme, mais déterminé, il a en outre révélé que les crânes des moines étaient "encore en bon état", précisant qu'"Alger a refusé le transfert des prélèvements à Paris, faisant valoir des problèmes juridiques". Tous ces discours, reproches et supputations ont certainement eu un impact sur les familles des moines de Tibhirine, affligées par leur disparition cruelle. Jeudi, leur avocat a dénoncé, lors d'une conférence de presse, l'attitude des autorités algériennes, leur reprochant "la confiscation de preuves" par l'Algérie. "Il y a une confiscation de ces preuves par les autorités algériennes et donc une poursuite du blocage et des entraves que nous avons constamment rencontrées au fil de l'évolution de ce dossier", a indiqué l'avocat des parties civiles, notant qu'en cas de persistance de "ce blocage (...), on pourra en déduire que c'est une sorte d'aveu, de reconnaissance d'une implication des services algériens". L'ouverture, en 2013, d'une enquête judiciaire par le juge Trévidic a relancé la thèse du "qui-tue-qui", remettant sur le tapis la "bavure" de l'Armée nationale ou la "manipulation" des services militaires algériens. Les autorités algériennes ont tenté de défendre leur point de vue, mettant en avant "les usages internationaux" et la "souveraineté nationale". Jeudi, le ministre de la Justice, Tayeb Louh, réagissant aux allégations du juge français, a expliqué que la justice algérienne "fait son travail" et que les procédures judiciaires "se font normalement", rappelant qu'un juge algérien est actuellement à Paris dans le cadre de cette enquête. De source proche du dossier, Liberté a appris que ce magistrat, qui rentrera aujourd'hui à Alger, soumettrait les conclusions de sa mission le lendemain. La même source a rappelé l'existence d'une convention liant Alger et Paris en matière d'entraide judiciaire, qui stipule que c'est au pays d'accueil (donc à l'Algérie) de mener les analyses et les échanges d'ADN. Elle a, en outre, indiqué que notre pays a déjà proposé aux Français "l'envoi de deux experts pour assister et suivre, dans les laboratoires de Bouchaoui, l'analyse des échantillons". Hier, le porte-parole adjoint du ministère français des Affaires étrangères s'est enfin exprimé, remerciant l'Algérie de l'accueil réservé à la délégation judiciaire française et des moyens mis à sa disposition. Selon lui, la mission a eu lieu "dans des conditions satisfaisantes". H. A.