L'Algérie est le pays qui consacre le plus de ressources financières au secteur militaire et sécuritaire en Afrique. Le volume global des achats représente plus de 43% du marché africain. Selon le Sipri, les dépenses militaires sont passées, comme l'indiquent les chiffres suivant, de moins d'un milliard de dollars en 1988 pour atteindre les 10 milliards dans les années 2013. En 1988 : 0,716 milliard de dollars ; 1989 : 0,700 ; 1990 : 0,748 ; 1991 : 0,776 ; 1992 : 1,281 ; 1993 : 1,378 ; 1994 : 1,781 ; 1995 : 1,624 ; 1996 : 1,849; 1997, 2,224 ; 1998 : 2,352 ; 1998 : 2,352 ; 1999 : 2482 ; 2000 : 2,880 ; 2001 : 3,153 ; 2002 : 3,222 ; 2003 : 3,152 ; 2004 : 3,585 ; 2005 : 3,753; 2006 : 3,847; 2007 : 4,514 ; 2008 : 5,259 ; 2009 : 5,712 ; 2010 : 6,045 ; 2011 : 8,652 ; 2012 : 9,104 ; 2013 : 9,902. En constante augmentation, ces dépenses n'ont pas diminué ces dernières années en dépit de la baisse significative du prix du pétrole. Selon les prévisions de 2015, elles sont estimées à 13,1 milliards de dollars du budget national. A cela il faut ajouter 6,95 milliards de dollars pour le ministère de l'Intérieur. Le budget pour ces deux départements ministériels a atteint 20,21 milliards, soit 32% du budget global. Il a même augmenté de 10% par rapport à celui de 2014. L'Education nationale, l'Enseignement supérieur et la Formation professionnelle ont eu respectivement, 9,45, 3,80, 0,64 milliards de dollars, soit 12,38% du budget national. Les dépenses militaires et sécuritaires représentent plus du double des dépenses allouées au capital humain et au savoir. Pour rappel, l'Algérie était classée, en 1999, au 27e rang des pays importateurs d'armes dans le monde. Elle est passée à la 24e place entre 2002-2006 et s'est hissée à la 8e place en 2014. Cette frénésie militaire est dépourvue de rationalité sécuritaire et de bonne gouvernance. Le terrorisme sous toutes ses formes n'a pas disparu pour autant. Le terrorisme résiduel est devenu un élément structurant les luttes politiciennes, tandis que la petite criminalité ne cesse d'augmenter à travers le pays. La course au surarmement La dernière décennie a été témoin d'un processus de militarisation du monde sur lequel la crise financière mondiale ne semble avoir eu qu'un impact limité, en particulier dans la région du MENA. Toutefois, cette évolution ne traduit pas les mêmes réalités dans les différentes régions du monde. Si l'Europe n'a accru ses dépenses que de 8,3% entre 2002 et 2011, le MENA a enregistré une hausse de plus de 80% au cours de cette même période. Les pays arabes demeurent la région où les efforts de défense en pourcentage du PIB sont les plus élevés au monde. Le Printemps arabe a encore consolidé cette frénésie alors que les pays de l'Otan ont commencé à réduire les dépenses militaires conventionnelles. Une véritable militarisation est en cours au MENA, motivée par divers facteurs, tels que la sécurité intérieure ou la stabilité régionale. En dépit de ces énormes dépenses, les pouvoirs cleptomanes n'ont pas réussi à construire une industrie militaire. Ils sont toujours tributaires, pour leur sécurité interne et externe, des Occidentaux. Ils restent de gros consommateurs d'équipements militaires sophistiqués dont leur maintenance nécessite une assistance technique étrangère, très coûteuse. La course au surarmement entre l'Algérie et le Maroc est devenue très préoccupante ces dernières années. Elle est entrée dans un cercle vicieux, infernal. Une militarisation de plus en plus élevée produit un climat de suspicion et défiance. Chaque Etat qui accroît son arsenal militaire crée un sentiment d'insécurité chez son voisin qui, à son tour, renforce ses capacités défensives et agressives. Remarquons que chaque élite politique souhaite être perçue par l'OTAN comme la première puissance militaire régionale et devenir éventuellement une pièce importante du dispositif sécuritaire euro-américain en Méditerranée et dans la région du Sahel. Les Algériens, prétentieux mais agités, sont très fiers de recevoir le statut de puissance régionale. Certes un conflit armé direct algéro-marocain est très peu probable aujourd'hui. Il n'est pas dans l'intérêt des pouvoirs prétoriens de transformer le conflit latent en conflit armé sur fond de tensions au Sahara occidental. La contestation populaire croissante dans les deux pays risque de compromettre une paix sociale très fragile. En revanche, si demain un groupe de djihadistes venait à prendre le pouvoir dans un de ces pays, l'union sacrée scellée autour de lui conduirait à «l'union de sang». La mobilisation émotionnelle serait alors un prélude spectaculaire à l'ingérence humanitaire armée. Les deux armées dans ce conflit majeur se neutraliseraient l'une l'autre en provoquant de très lourdes pertes de part et d'autre. Certes, le risque des cyber-attaques en Algérie est actuellement minime. Le taux de pénétration d'internet reste très faible dans un pays où l'Etat dépense sans compter les deniers publics. Les services électroniques (e-commerce, e-santé et e-administration) sont encore quasiment inexistants. Les entreprises algériennes fonctionnent encore avec des méthodes de gestion désuètes. Toutefois les récents arsenaux militaires très sophistiquées ne sont pas à l'abri de cyber-attaques. D'ici peu de temps, toute cette quincaillerie deviendra obsolète. On prévoit déjà de la remplacer à la faveur des revenus du gaz de schiste. Le pays aura, entre temps, une fois encore, raté le momentum de mettre résolument en place un processus de l'économie du savoir et de l'innovation et de la modernité. En rétrospective, la cooptation de Abdelaziz Bouteflika a coïncidé avec la décision de doter le pays d'une industrie militaire. Cette décision fut prise sans consulter les acteurs économiques et encore moins les députés. La volonté politique assise sur un matelas de dollars est supposée être suffisante pour construire, du jour au lendemain, un CMI performant à l'image des pays développés. La part de l'industrie militaire dans le PIB est aujourd'hui estimée à 5%. Selon les estimations officielles, elle atteindra les 10% d'ici la fin du plan quinquennal (2014-2019). Elle comptera 25 000 emplois directs et 20 000 emplois dans la sous-traitance. Sa participation dans la résorption du chômage restera finalement très faible puisque 200 000 étudiants sortent chaque année des universités et 500 000 stagiaires des CFP. L'industrie militaire, à l'instar de l'industrie pétrolière, est très peu créatrice d'emplois. Sa valeur ajoutée est insignifiante. Elle n'est pas en mesure, contrairement au discours officiel, de relancer la croissance économique du pays. En réalité, l'élite militaire tente de s'affranchir financièrement des politiques politiciennes, des nouveaux oligarques et des autres groupes de pression et d'influence. Elle pense toujours que la société lui doit une «dette historique» alors l'ANP et l'ALN-FLN sont deux entités distinctes. Selon cette logique, il est donc légitime de s'approprier, avant tout le monde, une quote-part de la rente afin de s'émanciper éventuellement des luttes de sérail qui ont débordé sur la voie publique. Depuis la reconduction du président Abdelaziz Bouteflika à un quatrième mandat, des partis, dirigeants et personnalités politiques tentent de s'organiser en une opposition politique pour faire bloc contre le clan dominant auquel elle fut une clientèle loyale. Très étrange, l'opposition politique ainsi que les autres groupes ne semblent pas s'embarrasser de la nouvelle configuration institutionnelle et économique que l'armée est en train de mettre en place. La lutte politicienne a tendance à prendre le dessus sur les véritables défis dont le pays fait face. Cette reconfiguration influencera pourtant considérablement les contours du nouvel ordre économique, sécuritaire et médiatique qui émergera dans l'après-Bouteflika. L'Algérie, dans cet ordre en gestation, ne sera pas un acteur majeur en dépit de la mise en place d'un puissant appareil militaire et sécuritaire mais un grand enjeu des convoitises occidentales et autres.