Les habitants de cette cité qui compte 1150 logements, se plaignent du manque d'eau, de l'éclairage public, de la dégradation de la voirie, de l'absence de gaz de ville et de la détérioration des baraques soumises à l'atmosphère acide de la zone industrielle d'Arzew. Il est 8h 30 du matin, ce mardi 18 novembre, et déjà la cour du siège de la daïra de Béthioua connait une affluence inhabituelle. Les citoyens de Phénix, haï Es Salam, affluent par groupes jusqu'à ce que leur nombre dépasse la centaine. Ils viennent marquer leur colère par un sit-in et une lettre adressée au wali qu'ils doivent remettre au chef de daïra. Le sit-in a été décidé parce qu'aucun engagement pris par les collectivités locales n'a été concrétisé, apprend-on auprès de certains citoyens. Le contenu de la lettre, dont nous avons pu avoir une copie, rappelle les points exposés au wali dans une pétition qui lui avait été adressée en avril 2014. «La situation s'est aggravée et nous endurons une absence du ramassage des ordures ménagères dans une bonne partie du village où aucun élu APC n'habite, d'importants débordements d'eaux usées ont creusé encore plus les routes déjà impraticables, le tapis de bitume récemment posé à l'entrée du village a été détérioré par des travaux sans être remis en l'état, etc.», lit-on dans cette requête. Les voix sont nombreuses à expliquer que leur cité, qui compte 1150 logements, avait été implantée par Sonatrach dans les années 80 et que les baraques leur avaient été attribuées en 1989. Dix ans après, les problèmes d'eau, d'éclairage public, de voirie et l'absence de gaz de ville ajoutés à la détérioration des baraques soumises à l'atmosphère acide de la zone industrielle d'Arzew, avaient fait sortir les citoyens de leur réserve. Une commission présidée par le subdivisionnaire de l'hydraulique fut constituée par le chef de daïra de l'époque pour étudier la viabilité des réseaux existants. Tous avaient été déclarés hors normes et des propositions de reprise de ces réseaux avaient été avancées par la commission. Sans suite. Soudain, un mouvement des citoyens attire notre attention, c'est le groupe qui était chez le chef de daïra qui ressort. Tout le monde se met autour pour écouter le compte rendu de la réunion. Un membre du groupe explique : «Nous avons d'abord tenu à préciser au chef de daïra que nous n'agissons sous le couvert d'aucune association ou d'un comité mais uniquement par les citoyens de Phénix», et d'ajouter : le chef de daïra s'est engagé sur les points suivants: les travaux de renouvellement des réseaux AEP et assainissement commenceront ces jours-ci et le réseau gaz sera entamé en janvier 2015, l'enrobage en bitume sera réalisé à la fin des travaux sur les réseaux, l'éclairage public devra être rénové immédiatement, le ramassage des ordures sera assuré quotidiennement par un nouveau prestataire, les nids de poules seront comblés immédiatement en attendant le bitumage final, le transport sera assuré dans toute la cité. Le chef de daïra a instruit le P/APC de rendre en charge les urgences, à suspendre l'actuel prestataire du ramassage des ordures ménagères et à instruire les transporteurs de voyageurs à assurer le transport selon l'ancien itinéraire. Des promesses sans suite Concernant la cession des logements, le chef de daïra a dégagé sa responsabilité comme celle du wali. Pour lui, seule Sonatrach est en mesure de procéder à la cession au profit des domaines pour arriver à celle au profit des habitants. A la fin du compte rendu, les citoyens sont dubitatifs. Ils ne comprennent pas ce revirement de position des collectivités locales puisque, en 2010, le wali d'Oran en visite, s'est engagé envers les citoyens de Phénix à aboutir à la cession des logements à leurs occupants au plus tard le 1er trimestre 2011. «Comment aujourd'hui on nous renvoie vers la Sonatrach qui clame haut et fort que la gestion de Phénix n'est plus de son ressort mais de celui de l'APC de Aïn El Bia?». La foule se disperse dans le calme emportant avec elle des promesses et des interrogations. A Phénix, nous abordons d'autres citoyens. A notre question sur le rôle de Sonatrach dans la gestion de la cité Phénix, toutes les réponses pointent du doigt la Sonatrach et les collectivités locales. D'une part, les responsables de Sonatrach Aval se sont occupés de leur cité du Camp 5 en refaisant à neuf tous les réseaux et le bitumage et ont cédé le Camp 5 aux domaines pour procéder facilement à la cession des logements à leur profit. Et bien sûr, ils ont délaissé Phénix qui compte des travailleurs d'exécution, de maîtrise et de cadres moyens, oubliant que ce sont ceux-là qui produisent la richesse du pays avec leurs collègues du sud. Les collectivités locales ont quant à elles tout fait pour calmer la colère des citoyens avec des promesses jamais tenues. «C'est ainsi que nous en sommes à la huitième APC, au sixième chef de daïra, au septième wali et au dixième PDG de Sonatrach, sans résultat!» Nous faisons remarquer que des engins et des tas de tuf témoignent de l'imminence du début des travaux. Nous sommes vite entourés par des jeunes qui nous rétorquent : «Nous ne les croyons plus sahbi! Nous sommes habitués à leur poudre aux yeux. L'APC, la daïra, la wilaya, la Sonatrach, toutes les mêmes! Ils ont dupé nos pères et ils veulent nous duper nous. Surtout les élus de Phénix, ils n'ont rien foutu!» Toutefois, quelques uns d'entre eux crient par-dessus les têtes: «S'ils ne vont pas au bout de leurs promesses cette fois, c'est nous qui prendrons le relai!» Un vieux les coupe pour nous dire : «Nous les (les élus de Phénix) avons mis là pour s'occuper des problèmes de Phénix mais ils nous ignorent! Il n'y a donc personne pour contrôler ces gens-là ?» Le lendemain, nous remarquons qu'un camion sillonne Phénix en observant des arrêts au niveau des nids de poule pour les combler avec un enrobage provenant de route décapée. Quelques curieux nous abordent pour nous dire : «On vous l'a bien dit, c'est de la poudre aux yeux! Ils ne tassent même pas! Et si ça peut, ce produit est cancérigène !» A notre sortie de la cité Phénix, des personnes nous arrêtent au niveau du café : «Le prochain sit-in, nous le ferons au niveau du siège Sonatrach Aval. Ils ont intérêt à nous écouter cette fois-ci. Nous voulons la cession de nos logements, et par le biais des domaines. Nous ne voulons pas mourir en laissant nos enfants sans toit assuré».