Marc Trévidic, le magistrat français en charge de l'affaire de l'assassinat des sept moines de Tibhirine, s'apprêterait à lancer une nouvelle commission rogatoire internationale, selon le quotidien Le Monde. Aujourd'hui, le magistrat tente de contourner le refus des autorités en relançant la procédure et en proposant que des experts algériens collaborent avec leurs homologues français lors de la conduite des analyses, ou qu'«une équipe française soit autorisée à repartir en Algérie avec du matériel scientifique adapté». Cette nouvelle procédure intervient à la suite du refus catégorique des autorités algériennes de permettre le transfert des prélèvements effectués sur les têtes des moines afin d'être analysés en France. Pour l'Algérie, il s'agissait d'une question de souveraineté nationale, de surcroît consacrée par les usages judiciaires internationaux. Le magistrat a, dans un premier temps, demandé au gouvernement français de faire «pression» sur la justice algérienne afin qu'il puisse récupérer les prélèvements et les fasse expertiser en France et tenté de prendre à témoin l'opinion publique française lors de ses nombreuses interventions dans les médias. A la proposition algérienne de permettre aux experts qui l'accompagnaient de pouvoir assister aux analyses, le juge émet un doute sur la compétence des Algériens. «On nous dit que les experts algériens sont très compétents, je veux bien le croire… Ce sont des expertises très pointues, très techniques, il faut du matériel très sophistiqué. Si on nous donne l'assurance absolue qu'ils sont capables de le faire – ce n'est pas du tout ce que j'ai compris quand j'étais là-bas – je veux bien», avait-il déclaré sur France Inter. «On attend simplement que les Algériens respectent ce qu'ils ont dit. Dans ce genre de dossier, tout doit être fait en parfaite concertation. On ne peut pas se permettre de travailler chacun de son côté», a encore déclaré le juge en charge de l'affaire. Dans les déclarations faites au journal Le Monde, jeudi dernier, Marc Trévidic en rajoute une louche et émet des doutes explicites sur les capacités, côté algérien, non seulement à analyser les prélèvements, mais aussi à les conserver. «Où et comment sont-ils conservés ? A quelle température ? On ne le sait pas. S'ils font de l'histologie (examen au microscope) en ce moment même à Alger, ils risquent de détruire tout le travail et ça, c'est irréversible !», a ainsi confié le magistrat français, qui est sans doute sensible à la pression des familles des moines et leur avocat, maître Patrick Beaudouin, qui continuent encore à demander «ce que les autorités algériennes ont à cacher». Pour la partie algérienne, les pièces d'une procédure judiciaire ne peuvent être transférées ; elles doivent rester dans le dossier. S'il y a transfert, il concerne tout le dossier une fois l'instruction terminée, parce qu'il ne peut y avoir deux enquêtes sur les mêmes faits. «L'affaire fait l'objet d'une procédure judiciaire en Algérie. Toutes les pièces y afférentes doivent y rester et ne peuvent être transférées ailleurs. C'est une mesure que tous les juges connaissent. On voit mal un juge français remettre une pièce d'un des dossiers qu'il instruit à un autre juge», ont expliqué des sources judiciaires proches du dossier à El Watan. Tout en se déclarant «conscientes de la préoccupation» du juge, mais exprimant leur «étonnement» quant à l'appel lancé à son gouvernement pour faire pression sur la justice algérienne, les autorités algériennes ne cachaient pas leur irritation face aux gesticulations de Marc Trévidic et lui rappelaient que «pour arriver à la vérité, il faut être serein et loin de toute pression». La nouvelle proposition du juge français de revenir en Algérie vise, selon lui, à «placer les autorités algériennes devant leur obligation morale». Lesquelles autorités porteront «une lourde responsabilité» en cas de refus de laisser le magistrat et son équipe accéder aux prélèvements. A noter que les autorités françaises, par la voix notamment du ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, ont nié tout blocage de la part des autorités algériennes sur le dossier, qualifiant les conditions dans lesquelles le juge Trévidic a mené sa mission de «satisfaisantes».