Avec le doyen des cinéastes algériens, focus sur son dernier film et retour sur son parcours. - Vous n'avez pas tourné depuis presque 28 ans. Votre dernier film, La dernière image, est sorti en 1986. Pourquoi cette longue absence ? Quand je me suis arrêté, les années de plomb commençaient en Algérie (fin des années 1980, ndlr). Ce qu'on appelle la décennie noire n'a pas duré dix ans mais vingt ans. Elle continue jusqu'à aujourd'hui. J'ai perdu des amis journalistes et écrivains. Tahar Djaout en était un. Je ne voulais pas me faire tuer dans une forêt. Et je n'avais pas le cœur à la caméra. Je voulais écrire, bricoler. J'étais trop malheureux, fatigué, déçu pour me mettre derrière la caméra et m'amuser sur un plateau. Lorsqu'on tourne un film, il faut toujours le faire dans la joie et dans la rigolade. C'est une aventure de copains. Même le plus petit des régisseurs je le traite au même titre que le cameraman ou le producteur. Cela dit, je suis dur quand je travaille, je suis rigoureux et j'aime les choses parfaites. Je peux passer de la gentillesse la plus affable à la colère la plus destructrice. Je suis fait ainsi. - Le scénario de Crépuscule des ombres, le film qui vient d'être projeté en avant-première à Alger, a été écrit il y a vingt ans... Vingt-deux ans exactement ! J'ai discuté avec Bouteflika, pendant sa traversée du désert, sur ce scénario. J'ai pris une histoire qui correspond au maquis de l'Ouest. L'histoire de la CECA, pour Communauté européenne de charbon et d'acier, telle que racontée par Chérif Belkacem. Histoire authentique. A l'époque, les étudiants qui voulaient rejoindre le maquis cherchaient un sigle pour leur organisation. Bouteflika, élu président, a lu mon scénario, il a été touché et a décidé de me débloquer l'argent pour la production du film, pas tout le budget, mais une partie seulement. C'était en juin 2008. Mais, mon film ne sortira qu'en 2015. En 1971, j'ai écrit le scénario de Chroniques des années de braises avec Toufik Fares en un mois. J'ai commencé le tournage vers avril 1974 et l'ai terminé en août de la même année. Le film a été présenté à Alger à plusieurs chefs d'Etat arabes qui revenaient d'une réunion de la Ligue arabe à Rabat. Le roi Fayçal, les présidents Hafed El Assad, Anouar Sadat, Saddam Hussein (alors vice-président de l'Irak), étaient présents à la projection. A l'origine, le film faisait 4 heures 17 minutes. La durée a été réduite afin de le préparer pour le Festival de Cannes. - Pourquoi la préparation de Crépuscule des ombres a-t-elle duré sept ans ? Parce qu'on ne voulait pas que je tourne. Peut-être parce que j'ai une grande gueule. Au ministère de la Culture, je n'étais pas en odeur de sainteté. Je ne sais pas pourquoi. Le Président a donné instruction pour que l'argent soit viré. Au lieu de verser dans le compte de ma société, l'ex-ministre de la Culture a envoyé l'argent au Fdatic, le fonds d'aide au cinéma. Or, ce fonds existe pour des subventions. Ce n'est pas un fonds de coproduction. Je voulais une coproduction pour être responsable. Plus le film coûtait moins cher, plus c'était bien pour nous. Il faut laisser l'argent du Fdatic à des jeunes qui réalisent leur premier film. Pour faire sortir l'argent du Fdatic, c'était la croix et la bannière. J'ai reçu une tranche du Fdatic pour finaliser le scénario, mais je n'ai pas vu l'argent du film. Il a fallu que j'écrive au Président... Le prétexte avancé est qu'il n'y avait pas de structure pour la coproduction avec l'Etat, l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC) n'existait pas encore. Il y a cinq ans, le Musée d'art moderne de New York (MoMa) m'a invité pour un débat autour de Chronique des années de braises. On leur a répondu au ministère de la Culture à Alger que Lakhdar Hamina ne pouvait pas venir car vieux et malade, alors que j'étais en bonne santé ! Des amis du MoMa, qui s'inquiétaient sur ma santé, m'ont appelé et m'ont informé de la situation. Une fois le problème réglé, je suis allé au MoMa accompagné de Mustapha Orif (ex-directeur général de l'AARC) pour présenter le film. La projection a été faite en présence de plusieurs responsables de l'ONU. - Revenons au Crépuscule des ombres. Comment est né le scénario ? En plus de l'histoire de Chérif Belkacem, je me suis rappelé du livre de Noël Favrelière, Le désert à l'aube (publié aux éditions de Minuit en 1960, le livre interdit en France à sa sortie, ndlr). Noël Favrelière, qui est passé de notre côté, était parachutiste dans l'armée française. Il avait sauvé un prisonnier qui allait être exécuté dans une «corvée de bois» en 1956. Je n'ai pas pris l'histoire de Noël Favrelière, car le cheminement et les situations n'étaient pas les mêmes. Les citoyens ou les moudjahidine arrêtés par les militaires français étaient soumis à la torture. Ceux qui ne parlaient pas étaient conduits dans des talwegs et exécutés. Ils leur disaient que c'était là leur dernière chance pour parler… Parfois, on demandait au prisonnier de creuser sa propre tombe. Généralement, un jeune soldat est «violé» dans ces opérations de «corvée de bois» en lui ordonnant de tirer dans le dos du prisonnier à qui on venait de dire qu'il était libre de partir. C'était une manière de violer la conscience du soldat. Je pense que le nombre des victimes de «la corvée de bois» est de presque 100 000. Les Français avancent le chiffre de 30 000. C'est un sujet tabou, même si des Français ont évoqué ces «corvées de bois» dans certains documents et écrits. (...) - On comprend bien qu'un véritable procès est fait au système colonial... Disons que le film est un grand éditorial sur la colonisation. Si j'avais écrit un livre sur cette histoire, il serait passé comme une lettre à la poste. Mais au grand écran, quand vous avez les personnages devant vous, chacun aura son commentaire, son interprétation, sa critique. J'accepte la critique, à condition qu'on ne touche pas à ma personne et à ma famille. Aux spectateurs d'apprécier ou de ne pas apprécier le film. (...) - Certains vous ont reproché d'avoir mis de la démagogie dans le film. Vous en pensez quoi ? Je pense que c'est une plaisanterie, c'est tout ! On peut parler de diarrhée verbale, mais pas de démagogie verbale. Les dialogues dans le film sont justes, honnêtes et vrais. Après l'Indochine, les généraux français sont venus en Algérie chercher «le remède». Saintenac, en chien de l'Empire, était lieutenant en Indochine. Comme beaucoup de Français, ils pensaient trouver la solution en Algérie. Or, en Algérie, ils ont reçu une raclée et chassés du pays. Il n'y a aucune démagogie dans le film. Je ne me cache pas et je ne suis pas démagogue. Raconter une histoire, ce n'est pas de la démagogie. Que ceux qui parlent de cela viennent me le prouver ! Que ces mêmes personnes me disent que ce que montre le film n'a jamais existé. C'est le film le plus réaliste sur la guerre d'Algérie. Ou peut-être dire que les Algériens sont des sado-masochistes qui aiment se prendre des coups sur la tête. Ou qui aiment bien se différencier des autres, apparaître. C'est exactement ce qui s'est passé avec Chroniques des années de braises en 1975. - Que s'est-il passé justement ? Ghazouli, un journaliste d'El Moudjahid, m'a presque insulté après la sortie de Chroniques des années de braise. Il était télécommandé par le ministère de la Culture et de l'Information de l'époque. On ne voulait pas qu'on présente Chroniques des années de braise à la sélection officielle du Festival de Cannes. Ordre a été donné aux laboratoires pour qu'on ne me donne pas de copies du film sonorisées. - Qui a donné ordre ? Le ministre Ahmed Taleb Ibrahimi. Des témoins sont encore vivants. Abderrahmane Laghouati (ex-directeur de l'Office national pour le commerce et l'industrie cinématographique (ONCIC), puis ex-responsable de la RTA, décédé en 2010) est parti à Paris rencontrer le directeur général de GTC, M. Galliez, pour lui demander de ne pas me donner une copie sonore. Il lui a dit que je voulais remanier mon film. Mais, au fait, la raison réelle est que le ministre ne voulait pas que je présente le long métrage à Cannes. - Et pourquoi il ne voulait pas ? Comme ça ! Parce que Ahmed Taleb Ibrahimi aurait voulu écrire lui-même le scénario. Je ne dis pas par jalousie. Ce n'est même pas ça. C'est par «hosd», un mot difficile à traduire en français. Même le mot «envie» est faible pour traduire cette attitude, ce sentiment qui consiste à dire : «je te détruirai si tu fais ceci ou cela !». Seulement, ils avaient oublié que six mois avant le voyage de Laghouati à Paris, j'avais présenté le film à Alger en double bande pour les chefs d'Etat arabes, fin octobre 1974, en présence de Houari Boumediène. Des chefs d'Etat invités par Boumediène pour assister aux festivités du 1er Novembre après une réunion de la Ligue arabe à Rabat. Donc, j'ai gardé la copie du film chez moi. Galliez a refusé de me donner la copie sonore. J'ai remonté le film avec le son que j'avais et j'ai présenté Chroniques des années de braises à Cannes sans l'avis du ministère de la Culture et de l'Information. Et le film a été sélectionné. Pour les Oscars, c'est la même chose. - C'est-à-dire ? En 1976, je voulais présenter mon film aux Oscars. J'ai donné le film à Roger Corman, un des plus grands distributeurs aux Etats-Unis (Roger Corman est également cinéaste et producteur, aujourd'hui âgé de 88 ans, ndlr). Abderrahmane Laghouati et d'autres sont partis aux Etats-Unis pour essayer de vendre le film sans moi. Ils ont rencontré toutes les sociétés, MGM, Columbia, Twenty Century Fox, les majors compagnies. Ils ont demandé 5 millions de dollars en à-valoir distributeur. Les Américains ne pouvaient pas mettre cette somme sur un film dont ils n'ont pas lu le scénario, même s'il a décroché la Palme d'or. Laghouati et les autres sont donc revenus bredouilles des Etats-Unis. Ils ont envoyé une deuxième équipe avec l'avocat de l'ONCIC, Me Metidji. L'avocat était accompagné du représentant de l'ONCIC à Paris. Ils ont rencontré d'autres sociétés sans rien obtenir ! Je ne pouvais pas sous-titrer le film en anglais. Ils ont fait pression sur CTM, la société qui nous fait le sous-titrage pour qu'elle ne le fasse pas. Ils ont même menacé de rompre le contrat avec cette société dans le cas contraire. - Quelle est donc la raison ? Toujours la même histoire, comme pour Cannes. Ils ne voulaient pas internationaliser le film. L'Office des actualités algériennes, l'OAA, qui a produit le film et dont j'étais directeur, a été dissous pendant le tournage de Chronique des années de braises par la volonté de Taleb Ibrahimi. Les services de l'OAA ont été rattachés à l'ONCIC, où Laghouati était le maître à bord. Je ne pouvais pas inscrire mon film aux Oscars. Ils ne voulaient pas que j'obtienne un autre titre. Le film devait être inscrit pour plusieurs Oscars : meilleur film étranger, le scénario, l'image… Je pouvais au moins gagner l'Oscar du meilleur film étranger. - Le blocage était-il politique ? Non. Ils ne m'aimaient pas, c'est tout. J'avais des démêlés avec le responsable du ministère de la Culture et de l'Information de l'époque. Ils m'ont saboté ! Cela aurait dû être le grand scandale à l'époque. Personne n'a osé écrire sur cette affaire. J'en parle maintenant. Et c'est la première fois que votre journal évoque cet épisode. Aujourd'hui, je suis prêt à les confronter. C'était un règlement de comptes. En se présentant à l'élection présidentielle en 1999, Ahmed Taleb Ibrahimi a prétendu avoir produit Chronique des années de braises. C'est un pur mensonge (…) Mes rapports étaient corrects avec Laghouati. Il était un fonctionnaire qui obéissait aux ordres. Moi, je n'ai jamais obéi. C'est pour cela que l'Office des actualités algériennes a été dissous. Le vent des Aurès a été produit par l'OAA. Un film qui a décroché la Caméra d'or, prix de la première œuvre à Cannes. J'ai failli remporter la Palme d'or avec ce film déjà. Mais, pour certains, il ne fallait pas qu'un Algérien sorte la tête. - Est-ce que le comportement a changé avec vous après l'obtention de la Palme d'or en 1975 ? Houari Boumediène m'a reçu. Abdelmadjid Allahoum (à l'époque directeur du protocole de Boumediène) m'a demandé de ramener le trophée de la Plame d'or. Certains on dit que j'ai offert la Palme d'or à Boumediène. Eh bien, non. Je n'avais pas à lui offrir un trophée que j'ai gagné. Avant de quitter Boumediène, je n'ai pas osé reprendre le trophée qui était posé sur la table. Allahoum m'a dit qu'il allait me le ramener plus tard. Jusqu'à aujourd'hui, je n'ai toujours pas repris ma Palme d'or. Où est passé le trophée ? On me dit que le trophée est toujours à la présidence de la République. Je ne sais pas, peut-être qu'une personne l'a pris quelque part. Je sais à peu près où est le trophée, mais je n'en ai pas la preuve (Lakhdar Hamina cite un nom, mais en off record). Je demande à ce qu'on me restitue le trophée de la Palme d'or. - Et que vous a dit Boumediène lorsqu'il vous a reçu ? Boumediène a toujours été avec moi. Il a gardé pendant quatre ou cinq mois le décret sur la dissolution de l'OAA avant de le signer. Taleb voulait se débarrasser de l'OAA et moi avec. Ahmed Rachedi, qui était directeur de l'ONCIC, et moi, directeur de l'OAA, devions un jour co-produire un film du réalisateur français Edouar Molinaro, Les aveux les plus doux, qui a été écrit par Georges Arnaud (Les aveux les plus doux, qui est sorti en 1971, est une adaptation d'un roman de Georges Arnaud sur un scénario de Jean François Hauduroy et Edouad Molinaro). Un film tiers-mondiste sur un Portugais vivant en France et matraqué par la police. Mohamed Seddik Benyahia (ministre de l'Information de 1966 à 1970, ndlr) et Malek Haddad, qui à l'époque lisait les scénarii, ont donné leur accord pour la production du film. Une fois Benyahia parti, Ahmed Taleb Ibrahimi qui l'a remplacé a bloqué le projet. Il refusait la production du film, alors que George Arnaud (nom d'emprunt de Henri Girard, militant de gauche, ndlr) avait pris position pour l'Algérie en écrivant notamment un livre sur Djamila Bouhired. A l'indépendance, George Arnaud était venu vivre en Algérie. Il travaillait avec Rezzoug à la télévision. Moi et Ahmed Rachedi avons demandé audience à Taleb Ibrahimi pour connaître les raisons du refus. Sa réponse était celle-là : «J'ai jugé que ce film ne marcherait pas !» Je lui ai répondu ceci : «Si je savais pourquoi un film marchait ou ne marchait pas, je m'installerais à Wall Street à New York et je deviendrais le plus grand producteur du monde !» Taleb a appelé alors Malek Haddad, qui devant lui changea d'avis. Et là, nous étions presque arrivés aux insultes. Il est vrai que Molinaro n'était pas notre ami, mais Arnaud l'était. J'ai dit à Taleb : «Puisque tu as le pouvoir, interdis le film !». Malgré ce refus, nous avons produit le film (une partie du tournage a eu lieu en Algérie). Il ne s'était rien passé. Je m'attendais à ce que la police débarque à tout moment… A l'époque, Ahmed Draïa dirigeait la police. Il était notre ami et nous lui avons expliqué la situation. Lui et El Hadi Khediri (il occupait le poste de directeur adjoint de la Sûreté nationale) avaient bien compris ce qui se passait. - Plus tard, vous avez tourné Vent de sable. Avez-vous eu toutes les facilités pour ce film ? Taleb était parti et j'étais directeur de l'ONCIC. J'ai décidé alors de produire le film. J'ai informé Chadli Bendjedid qui m'a donné son accord. Vent de sable, qui évoque la question de la femme, n'est jamais sorti en Algérie. - Censuré ? Oui. Je peux le faire sortir aujourd'hui. Mais je n'en sais rien. Il faut toujours demander un visa de censure. Ce visa ne m'a jamais été donné. Je n'ai soupçonné personne de l'avoir bloqué. J'étais dégoûté. Il y a trop de pourriture dans ce pays, particulièrement dans le milieu culturel. Les cinéastes se tirent entre les pattes - Le cinéma fait-il peur en tant que grand art populaire ? Oui, il fait peur. A la télévision, il y a encore la censure et l'autocensure. Les directeurs ne passeront pas certaines choses. Vent de sable a été coproduit par la télévision, mais n'a jamais été diffusé. Idem pour La dernière image. Je n'ai pas d'explications à cela. Ils ont peut-être leurs raisons. - Vous considérez-vous comme une victime de la censure en Algérie ? Je suis la première victime de la censure en Algérie. Après la sortie de Vent de sable, des ambassadeurs de pays arabes à Paris ont demandé aux autorités françaises d'empêcher la sortie du film dans les salles françaises. Le film portait atteinte, selon eux, à l'image des Arabes ! Le film est construit à partir d'une histoire vraie, celle de ma propre tante qui a eu dix filles et un seul garçon. A chaque naissance d'une fille, elle recevait des coups. Pour ces ambassadeurs, ce genre de comportements sociaux n'existait pas dans les pays arabes et musulmans. Ce qui est faux. Aujourd'hui, en Arabie Saoudite, les femmes n'ont pas le droit de conduire des véhicules. C'est pire encore ! - Que s'est-il passé pour le dernier Festival de Cannes pour Crépuscule des ombres ? J'ai retiré mon film de la sélection presque une semaine avant l'annonce officielle, en avril 2014. J'ai envoyé une lettre à Thierry Frémaux et Christian Jeune après avoir reçu un e-mail, le 17 avril, dans lequel on me disait que mon film a été l'objet d'une longue discussion par le comité et que «l'impression générale était positive», mais qu'il fallait faire des choix dans la sélection. Dans la lettre, j'ai précisé que des rumeurs circulaient déjà sur la non-sélection de mon film parce qu'il «insultait» la France, selon des membres du comité. Je leur ai écrit : «Cela ressemble au courrier dans lequel on mentionne que votre CV a retenu toute notre attention, mais malheureusement nous n'avons pas de postes correspondants à votre candidature. Nous ne manquerons pas de revenir vers vous dès qu'un poste se présente. Il a fallu faire des choix ? Lesquels ? S'agissant du grand festival de Cannes, il s'agit certainement de choix artistiques et pas du tout politiques». J'ai évoqué les «regroupements habituels» de l'extrême droite et de vieux nostalgiques de «l'Algérie de papa» momifiés et aseptisés devant le Palais des festivals de Cannes à chaque projection d'un film algérien. J'ai toujours eu droit à ce genre de cirque affligeant. J'ai rappelé que lors de la projection de Vent des Aurès en 1967, la police a évoqué une menace d'attentat contre la salle. Même menace contre la projection de Chronique des années de braises en 1975. Nous étions surveillés par une brigade de sécurité. Même cirque pour Vent de sable avec une coupure en pleine projection officielle pendant dix minutes ! Coupure également en pleine projection de presse pour le film La dernière image en 1986. Pas de chance. J'ai écrit : «Il faudrait qu'un jour vous vous adaptiez au nom Algérie. (…) N'oubliez jamais que l'Histoire est rancunière». Le festival de Cannes appartient à l'Etat français. Il n'est pas la propriété de privés. Les Français ont fait pression sur les responsables du Festival de Venise pour qu'il ne sélectionne pas mon film. Thierry Frémaux et Alberto Barbera (directeur du Festival de Venise, La Biennale Di Venezia) se sont rencontrés à Turin avant l'annonce de la sélection finale. Dès que j'ai appris cela, j'ai décidé de retirer mon film aussi…