On n'entend pas parler de lui, ce cinéaste qui a pourtant marqué le cinéma algérien dans l'arène cinématographique du monde, le festival international de cinéma de Cannes. C'est le seul Algérien, plutôt l'unique Africain a avoir raflé en 1975, la plus haute distinction cannoise, la Palme d'or pour son film déchirant et détonnant, Chronique des années de braise. Mohamed Lakhdar-Hamina, c'est de lui qu'il s'agit, a, depuis cette couronne qui ne le quitte pas, bien changé. Il vit depuis des années dans la capitale française, et devait même tourner un film avec un budget colossal concernant la révolution libyenne. C'est Maâmar El Gueddafi lui-même qui a rencontré le cinéaste lui demandant de monter ce projet. Depuis, aucune image n'a été faite ! Longtemps sous les projecteurs, Mohamed Lakhdar- Hamina qui a dirigé pendant plusieurs années, le défunt CAAIC, s'est éclipsé de la scène cinématographique et artistique. Son come-back, il ne le fera pas avec une quelconque production, mais avec ses anciens films que l'Institut du monde arabe, à Paris, a décidé de projeter en hommage au réalisateur. Cet hommage qui sera rendu à partir du 11 mars prochain, propose un cycle de projections de ses œuvres. Vingt ans après son dernier long-métrage, Chronique des années de braise, Lakhdar-Hamina est resté comme une référence en tant qu'unique Africain et Arabe à avoir décroché ce trophée mythique. Même si aujourd'hui il ne tourne plus rien, son nom est fait ! Dix ans auparavant, Le Vent des Aurès était déjà récompensé du Prix de la première œuvre à Cannes. Dans ce film, une mère erre de camp de détention en casernement de l'armée française à la recherche de son fils arrêté. Avec cette fiction qui emprunte son thème à la vie de son propre père, le cinéaste signait une œuvre au réalisme poignant, traversée par l'interprétation de Keltoum. Ce premier long métrage sera suivi de Hassen Terro, une comédie qui déplace les foules et fait la part belle à Rouiched dans le rôle d'un héro malgré lui. Dans Décembre (1971) ensuite, Sid-Ali Kouiret tient tête à Michel Auclair dans le rôle de l'officier français qui le soumet à la “ question ” et s'interroge. De retour en Algérie, où il est nommé directeur de l'Office pour le commerce et l'industrie cinématographiques (ONCIC) en 1981, Mohamed Lakhdar-Hamina tourne Vent de sable, une ode dédiée aux femmes. Le film était en sélection officielle à Cannes. Avec La Dernière image enfin, qui est, à ce jour, son dernier long-métrage, tourné en 1986, il revient à son histoire personnelle à travers l'arrivée d'une jeune institutrice française dans un village algérien, à la veille de la Deuxième Guerre mondiale. Né en 1934 à M'Sila, le jeune Lakhdar-Hamina a poursuivi une scolarité remuante en Algérie et en France, avant d'être incorporé dans les rangs de l'armée française, de déserter et de gagner Tunis en 1958. Après un stage aux actualités tunisiennes, il poursuit l'année suivante à l'Institut du cinéma de Prague où il se forme à la prise de vues. A son retour à Tunis, il rejoint le Service cinéma créé en juillet 1960 par le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA) sous l'autorité de M'Hamed Yazid. Pour préparer le débat sur la question algérienne à l'ONU en 1959, le ministère de l'Information du GPRA produit Djazaïrouna (Notre Algérie, 1960-61), un film de montage destiné à éclairer la communauté internationale sur les objectifs poursuivis par les maquisards algériens. Djazaïrouna mêle des images de René Vautier (Une nation l'Algérie, 1955 | Algérie en flammes 1954-58) et de Djamel Chanderli, prises au maquis. Sa réalisation fut confiée à Djamel Chanderli, Mohamed Lakhdar-Hamina et le Dr Pierre Chaulet. Yasmina (1961) ensuite, raconte l'histoire de la petite Yasmina, de sa fuite après le bombardement de son village, de son errance avec sa poule jusqu'à la frontière et de sa vie parmi les réfugiés. Le film est de Djamel Chanderli et Mohammed Lakhdar-Hamina qui en signe la photographie. Avec Djamel Chanderli, Mohammed Lakhdar-Hamina tournera encore La Voix du peuple (1961) et Les Fusils de la liberté (1961). A l'indépendance et outre plusieurs documentaires, il réalise en particulier Le Temps d'une image (1964), sa première fiction. De fin 1963 à 1974, il est directeur de l'Office des actualités algériennes (OAA) qui produit des actualités hebdomadaires et tous ses films de cette période.