La surprise n'a pas eu lieu, ni d'un côté ni de l'autre. Les urnes ont certes donné une idée sur l'ordre des préférences des Tunisiens. Béji Caïd Essebsi est largement en tête des votes exprimés. Il l'a confirmé, lui-même, lors d'une conférence de presse qu'il a tenue hier en début de soirée à Tunis. «Les échos provenant du scrutin nous sont favorables», a notamment dit le président de Nidaa Tounes, qui a utilisé les mêmes propos que le soir du 26 octobre, suite aux élections législatives, remportées par son parti. Béji Caïd Essebsi n'est donc pas parvenu à obtenir les 50 % nécessaires pour s'installer au palais de Carthage, à l'issue du premier tour des élections présidentielles. Il a obtenu entre 41 et 44 % des voix exprimées, selon des sources des bureaux opérant des sondages «sortie des urnes». Le soutien des islamistes d'Ennahdha à Marzouki, d'une part, et le nombre élevé des candidatures, d'autre part, ont fait que la barre des 50% était difficile à atteindre. Marzouki a obtenu, selon les mêmes sources, entre 26 et 29% des voix. Ces mêmes sondages indiquent que Béji Caïd Essebsi l'emporterait largement au deuxième tour, dont la date sera fixée par l'ISIE, à l'issue de tous les recours devant le tribunal administratif. Joie et diversité La date de dimanche 28 décembre est envisagée comme dernier délai. Un fait est certain : les Tunisiens poursuivent leur rodage en matière de démocratie. La preuve, c'est qu'un grand débat s'est ouvert lors de cette campagne électorale pour l'élection présidentielle sur l'intérêt du vote utile, lors du premier tour. «Ce vote est destiné aux candidats du cœur», a admis l'universitaire Chawki Gaddes, sur son mur Facebook. «Ce vote permet d'établir une cartographie des grands courants politiques», souligne pour sa part la doyenne de l'Institut de presse et des sciences de l'information, Saloua Charfi, qui «vote Hamma Hammami pour renforcer le poids de la gauche au sein de la Chambre des représentants du peuple». «Un bon score de Hamma ne saurait que pousser Nidaa Tounes à prendre en considération l'importance du Front populaire dans l'échiquier politique et envisager sérieusement une alliance avec ce courant, pour le sauvetage de la Tunisie moderniste et progressiste», poursuit l'universitaire.Le même débat a dominé les réseaux sociaux. Les Tunisiens, notamment les jeunes, ont résolument refusé de s'aligner sur leurs aînés et voter Béji Caïd Essebsi au premier tour, malgré le souci qu'ils partagent de préserver la «modernité du pays». «Ce sera une carte blanche pour Nidaa Tounes, alors que l'on a besoin de tempérer toutes les ardeurs, y compris celles du Nidaa», a lancé Mehdi, un jeune non-conformiste de 26 ans. «Au premier tour, j'ai voté Hamma Hammami, pour donner à ses thèses sociales plus de mordant et obliger Nidaa Tounes à composer avec lui», a-t-il expliqué. Les propos de ce jeune sont, semble-t-il, partagés par un segment important de la population. Le «new» Hamma Hammami se vend bien et il risque d'atteindre la barre des 10 %, ce qui rendrait le Front populaire plus crédible que par le passé. Les voix du Front populaire se reporteraient majoritairement sur Béji Caïd Essebsi qui n'aurait, semble-t-il, pas de problème pour être le prochain président de la Tunisie, lors du second tour. Du moins, c'est ce que disent les instituts de sondage.