Une utilisation excessive de produits phytosanitaires de produits chimiques, prédominance de la semence hybride, non-respect de procédures et des délais dans l'utilisation des produits phytosanitaires, le secteur agricole ne brille pas uniquement par son apport dans le PIB et ses indicateurs en progression ces dernières années. Si les rendements agricoles sont au rendez-vous, comme l'assure le ministère de l'Agriculture, les moyens d'y parvenir sont eux mis à l'index par les experts du secteur. Certains parlent même de la présence d'OGM (organismes génétiquement modifiés) dans nos assiettes sans que nous le sachions, même si personne ne peut le prouver faute de contrôle. Le rapport 2012 sur la politique agricole et agroalimentaire euro-méditerranéenne de l' IPEMED (Institut de prospectives économiques du monde méditerranéen) montre que de 2000 à 2010, le ratio entre le solde extérieur de la balance agricole et alimentaire de l'Algérie et son PIB a reculé de 5% à 4,4%. Certes, les importations en la matière sont plus importantes que les exportations, mais la situation tend à «s'améliorer». L'Algérie détient néanmoins le 3e ratio le plus élevé en Méditerranée. Un indicateur qui, précise-t-on, est une mesure de «l'insécurité alimentaire». Vu sous cet angle, le degré d'insécurité est assez élevé en Algérie, quand on sait que la moyenne de ce ratio est de l'ordre de 1,6% pour toute la région sud-méditerranéenne. Car l'Algérie n'importe pas uniquement des produits alimentaires finis, elle importe également «pratiquement toute la semence pour ses légumes (cultures maraîchères», observe Karim Rahal, professeur d'agro-élevage à l'université de Blida et membre du collectif agro-écologie Torba. Selon lui, «80% des semences locales ont disparu». L'agriculteur algérien ne produit plus de graine car, dit-il, «pour lui c'est du travail en plus. Il doit attendre la montée en graine, et puis il faut savoir les produire». Comme pour les autres secteurs, le secteur agricole est donc devenu lui aussi tributaire des importations «et on ne peut même pas songer raisonnablement à inverser la tendance dans le court terme. A peine peut-on essayer de sauver ce qui reste», dit l'expert. La tâche, déjà compliquée, pourrait presque s'avérer vitale. Car dans ce que l'Algérie importe, il n'y a pas que de l'écologiquement correct. Zoubir Haddou, membre de l'Institut technique des cultures maraîchères et industrielles (ITCMI), nous dit que «plus de 60% ou 70% des semences importées sont hybrides. Les agriculteurs se sont habitués à cela». Certes, hybrides ne veut pas dire OGM. Il s'agit plutôt de variétés de graines «obtenues par le croisement de deux variétés de semence». A priori, pas de quoi s'inquiéter donc, et pourtant ! Le problème avec ces semences, c'est que «vous ne pouvez vous en servir qu'une seule fois. L'agriculteur doit donc acheter de nouvelles semences chaque année, car s'il ressemait les graines récoltées, il aurait des rendements très faibles. Le semencier qui vous fournit fait donc en sorte que vous restiez dépendant de lui, sans compter l'effet négatif sur la santé publique», explique Karim Rahal. Par ailleurs, ces semences sont vendues à l'échelle mondiale, ce qui a pour effet de limiter «la diversité biologique» des produits. Dépendance Du côté des importateurs de ces semences en Algérie, on ne nie pas l'évidence. «Il y a aura sûrement des inconvénients sur le plan de la santé, car il y a des dizaines de traitements chimiques administrés durant le cycle de culture, comme des insecticides, des fongicides (qui éliminent les champignons), ainsi que les engrais chimiques car il y a peu d'organique», explique Mourad Messaoudi, superviseur commercial de la société Topsem, importateur et distributeur de semences maraîchères, représentant de la firme française Graines Voltz. Une étude de l'Ipemed (Les dynamiques des ressources agricoles en Méditerranée 2010) avait déjà noté qu'«en raison des pressions sur l'eau et le foncier, plusieurs pays de la région méditerranéenne se sont orientés vers l'extension de l'usage des engrais afin d'améliorer les rendements». Selon la Banque mondiale (2009), l'utilisation des engrais agricoles a effectivement augmenté ces dernières années, mais moins comparé à d'autres pays voisins. Mais le problème réside surtout dans le fait que les «agriculteurs ne respectent pas les doses et les délais relatifs à l'utilisation des produits phytosanitaires», précise Mourad Messaoudi. Pour le reste, l'utilisation des graines hybrides se justifient par leur apport sur le terrain. Elles sont obtenues «à partir du croisement de variétés qui présentent les caractéristiques génétiques les plus stables (en termes de goût, de couleur, etc)». Le spectre OGM En somme, on prend le meilleur de chaque variété pour créer un produit final le plus parfait possible avec des rendements plus élevés que dans le cas de semences standard. «Il n'y a pas de modification de la génétique, il ne s'agit donc pas d'OGM», tient-on à préciser. Et d'ailleurs, «dans le maraîcher, je ne pense pas qu'il existe des OGM chez nous, mais dans le maïs et le soja peut-être», indique Mohamed Reguieg, responsable du service développement au sein de Topsem. Un avis partagé par Zoubir Haddou qui précise, qu'«il n'y a aucun organisme de contrôle qui peut permettre de dire avec certitude si oui ou non il y a des OGM qui rentrent en Algérie et si oui, quelle est leur proportion». De plus, l'Algérie «n'a formé personne qui soit capable au niveau du port de tester les semences qui sont importées». Le représentant de l'Itcmi souligne par ailleurs que «nous importons du soja d'Argentine et des semences du Brésil, alors que ce sont parmi les premiers pays dans le monde à produire des OGM. Le maïs que nous utilisons comme aliment de bétail contient de l'OGM. Il y a donc des semences OGM qui rentrent en Algérie et il n'y a pas de contrôle.» Toutefois, tempère Karim Rahal, à travers le monde, les OGM ne concernent pas toutes les semences. «Pour l'heure, les multinationales produisent des OGM dans le maïs, le soja et certaines légumes, mais d'ici 10 ans cela pourrait concerner tous les légumes et nous serons tributaires d'eux». Officiellement, l'importation d'OGM en Algérie est interdite par un arrêté du ministère de l'Agriculture datant de 2000 et une loi serait en préparation actuellement. En 2012, un atelier international sur la détection des OGM dans les pays de la région MENA (organisé par la Commission Européenne), concluait que «le risque d'utilisation des matières ou produits dérivés d'OGM n'est pas exclu en Algérie» compte tenu de «l'ouverture du marché, de l'importance des importations et la défaillance du contrôle».