Ali Haddad est devenu un homme d'affaires médiatique à la faveur d'un automne chaud chargé d'intrigues. Pendant longtemps, il est resté loin des lumières de l'avant-scène. Interviews rares et déclarations au compte-gouttes. L'homme préférait-il l'action à la parole ? Ou évitait-il l'exposition dangereuse au soleil ? Ali Haddad, «candidat unique» pour la présidence du Forum des chefs d'entreprises (FCE), a été élu «à l'unanimité» et «à main levée» hier à Alger. Pourquoi était-il «unique» prétendant au trône à l'époque de la pluralité ? Une question quel seul le Palais fleuri des opérateurs économiques a la réponse. Ali Haddad, patron de l'ETRHB et de Dzair TV, a sillonné le pays, soutenu par les autorités locales, les appareils sécuritaires et les chaînes de télé privées, pour faire «une campagne» électorale alors qu'il était candidat unique. Le but, de toute évidence, n'était pas de faire «la promotion» de son programme, mais de se donner une visibilité, une stature. Dans un curieux cérémonial à l'hôtel El Aurassi, à Alger, Ali Haddad s'est fait entouré d'un conglomérat de ministres, de hauts responsables, de financiers, de syndicalistes, d'importateurs et d'hommes de réseau. Quel est donc l'intérêt de tout cet étalage ? Visiblement, Ali Haddad et ceux qui le soutiennent dans la sphère des hommes d'affaires veulent faire de la politique. Les détenteurs de capitaux, les chefs d'entreprises, les gros commerçants, les intermédiaires en tous genres et les importateurs entendent passer à un autre niveau, influencer ou plutôt participer à la prise de décision. Beaucoup ont compris que pour protéger ce qui a été acquis sur le plan financier, économique ou commercial ces dernières années, il faut une participation offensive, et au besoin dominante, dans l'action politique dans le futur. Il ne s'agit donc plus de rester dans l'ombre voisine du cercle des décideurs. Au lieu de se contenter de «soutenir» le régime en place — comme le FCE l'a toujours fait et assumé — le patronat veut avoir le pouvoir, partiellement ou intégralement. Et, s'il le faut, durablement. Faut-il alors parler de la naissance d'une nouvelle oligarchie qui sera l'alternative «rassurante» de l'après-Bouteflika ? Possible. Il est clair qu'un «transfert» de pouvoirs semble se faire en douceur et avec prudence dans un climat marqué par la faiblesse des institutions politiques, par la vulnérabilité de la fonction présidentielle, par la neutralisation du Parlement et des contre-pouvoirs, par la diabolisation de l'opposition, par la démission des élites, par la domestication de la société civile et par la stagnation économique. Quand l'argent fait de la politique d'une manière absolue, il faut s'attendre à tout. A commencer par le retour de la pensée unique et des réflexes des temps anciens.