Les grands projets inscrits au programme du gouvernement, notamment ceux liés aux secteurs de l'agriculture, de l'enseignement, de la santé et de l'habitat et tout ce qui a trait à l'investissement «ne seront pas affectés par le recul des cours du pétrole». Cette déclaration émane du ministre des Finances lui-même, qui affirmait hier à la Télévision nationale, que l'Algérie disposait de «mécanismes à même de faire face à ce genre de situation» et ce grâce, a-t-il dit, «à la politique prudente» adoptée depuis plus de dix ans. Ainsi, aux dires de Mohamed Djellab, les équilibres financiers de l'Algérie ne seront pas affectés par la chute des cours pétroliers qui, faut-il le rappeler, évoluent actuellement à leur plus bas niveaux depuis cinq ans et risquent même de s'effondrer davantage, pour baisser jusqu'à 60 dollars le baril, selon la plupart des prévisions. Or, selon l'argentier du pays, l'Algérie aurait déjà tout prévu et disposerait désormais de suffisamment de ressources, tant en réserves de changes qu'en surplus engrangés au Fonds de régulation des recettes (FRR), pour rester encore à l'abri d'un scénario à la vénézuélienne, où le gouvernement est déjà passé «en mode coupes budgétaires». Hormis quelques professions floues sur la mise en place de mécanismes de financement internes, en complément au budget de l'Etat, le ministre n'exprime, en définitive, rien d'autre que la farouche détermination de son gouvernement à ne guère rogner sur la dépense publique. Car, il ne suffit assurément pas d'édicter quelques décisions politiques pour faire soudainement aboutir des alternatives aussi coperniciennes que la mise en place d'une économie diversifiée ou même d'un marché interne à même de financer l'investissement. Aussi, quoi que puisse avancer le ministre, le fait est qu'avant même ce nouvel épisode de «fin de pétrole cher», soit avant juin dernier où le prix du baril dépassait encore les 110 dollars, les finances de l'Algérie commençaient déjà à virer au rouge et le budget de l'Etat au déséquilibre. Les chiffres de la Banques d'Algérie pour le premier semestre de l'année le disaient d'ailleurs assez clairement : par rapport aux six premiers mois de l'exercice précèdent, les exportations d'hydrocarbures ont de nouveau baissé de 1,37%, les réserves de change se sont contractées à 193,2 milliards de dollars contre 194 milliards une année auparavant et enfin, les ressources du FRR sont passées à 4773,51 milliards de dinars, alors qu'elles étaient de 5238,80 milliards de dinars à fin 2013. Ce que le ministre des Finances aurait donc préféré escamoter, c'est que les finances de l'Etat sont déjà sérieusement mises à mal par la contraction sévère des quantités d'hydrocarbures exportées, bien avant l'effondrement actuel des cours du brent. De même, faudrait-il ajouter, le budget de l'Etat, qui n'était déjà pas considéré en équilibre avec un baril à 110 dollars, ne pourra sans doute pas l'être avec un baril à 70 dollars. En somme, si la rationalité commande de ne pas aller dans de périlleuses politiques de rigueur budgétaire, le gouvernement devrait néanmoins reconsidérer ses choix d'allocation des ressources publiques, sous peine de choir à nouveau sous le joug de l'endettement.