Les Soldats du Califat ont dépêché un émissaire de haut rang pour négocier avec les émirs d'AQMI du Sahara et du Sahel leur allégeance à Daech. Une nouvelle donne sécuritaire se profile dans toute la région. Cerné en Kabylie, le groupe des Soldats du Califat, qui a revendiqué le rapt et l'assassinat d'Hervé Gourdel fin septembre, veut sortir de son isolement et gagner en puissance en se déployant vers le Sahel. La découverte de cette nouvelle stratégie a été possible grâce à l'arrestation récente, par les services de sécurité algériens, d'un terroriste mauritanien, Safi Eddin Al Mauritani, sur l'axe routier entre Biskra et Ouargla. Selon des sources sécuritaires, l'interrogatoire de cet important élément du groupe terroriste tunisien, Okba Ibn Nafaâ, qui, en provenance de Tunisie, tentait, au moment de son arrestation, de rejoindre le Mali, a permis de découvrir que les Soldats du Califat ont dépêché de l'est d'Alger vers le nord du Mali, début octobre, un émissaire, qui serait un ancien dirigeant d'AQMI, mandaté pour négocier avec les différents groupes de l'émirat du Sahara leur adhésion au groupe qui se réclame de Daech. «Les Soldats du Califat et AQMI sont en train de se livrer une guerre sans merci pour le contrôle des groupes armés restés fidèles à Droukdel au nord du Mali», confie à El Watan Week-end un officier algérien de la lutte antiterroriste. «Les partisans de Daech dans le nord de l'Algérie et en Libye redoublent d'efforts pour convaincre les émirs du Sahara et du Sahel de les rejoindre, ajoute la même source. Nous présumons que Droudkel a donné des ordres pour suspendre les opérations de ses groupes au nord du Mali face à la suprématie aérienne des forces françaises afin de préserver leur capacité de nuisance, ce qui fait de ces groupes un important atout pour les Soldats du Califat, coincés dans les montagnes de Kabylie.» De plus, explique l'officier de renseignement, «le Sahel offre un terrain idéal d'embrigadement des recrues, comme nouvelle terre de djihad contre l'Occident selon la propagande terroriste, mais aussi une zone d'entraînement et d'approvisionnement en armement.» Survie Pour les experts, Droudkel utiliserait sa dernière cartouche après les dissidences qui ont affaibli l'organisation : d'abord celle de Mokhtar Belmokhtar puis celle de Abdelmalek Gouri. «Sa querelle avec Daech et les groupes qui ont fait allégeance à Al Baghdadi se transforme en menace contre lui-même : s'il perd l'émirat du Sahara, AQMI sera réduit dans sa force et son influence, précise un expert. C'est une éventualité d'autant que des informations remontent du nord du Mali, où se tiendraient des réunions des chefs terroristes, notamment dans le massif des Ifoghas, pour étudier la possibilité de quitter la maison AQMI et faire allégeance à l'organisation de l'Etat islamique. Des groupes terroristes en Tunisie et en Libye sont déjà passés à l'acte, il n'est pas exclu qu'il en soit de même en Algérie.» Une autre source sécuritaire poursuit : «AQMI, face aux attaques de l'armée algérienne dans le nord de l'Algérie n'a pu ‘‘survivre'' et garder une certaine visibilité que grâce à ses katibas du Sahel et du Sahara, avec des chefs très offensifs comme Abou Zeid et Belmokhtar.» Le nouveau groupe affilié à Daech peut très logiquement penser à se déployer là où il aura le plus de possibilité d'actions et surtout, de recrutement. «Je ne serai pas surpris si dans un avenir proche on nous annonce la naissance d'un émirat du Sahara affilié à Daech, avec en plus, une possibilité de connexion avec tous les groupes armés de la région, du Nigeria, de la Libye, de Tunisie», poursuit-il. Un possible ralliement des chefs terroristes à Daech a d'abord alerté les services de renseignements algériens, mais aussi leurs homologues occidentaux, les Français en tête. Selon nos sources, Alger et Paris ont récemment relevé leur degré de coopération au même niveau qu'aux premiers mois du déclenchement de l'opération Serval au nord du Mali. Sur place, les forces françaises traquent le fameux émissaire envoyé par le groupe de Abdelmalek Gouri pour se réunir avec les émirs du Sahara et du Sahel et tentent de recueillir le maximum de renseignements sur la nouvelle stratégie que veulent adopter les groupes armés djihadistes de la région.