La Gendarmerie nationale a lancé la création d'un fichier spécial pour les réfugiés subsahariens visant, en plus du recensement, la coordination avec leur pays d'origine. Guelma De notre envoyé spécial D es milliers de Nigériens se trouvent en Algérie, fuyant la misère et l'instabilité politique dans leur pays. Comme d'autres nationalités, ils se sont réfugiés dans certaines régions du pays après avoir passé des journées épuisantes dans le désert, en payant le prix fort. Aujourd'hui, nous les croisons dans plusieurs villes d'Algérie, demandant l'aumône, notamment à Tamanrasset, Oran, Alger et Guelma. Cependant, il semble que c'est dans cette dernière ville, à l'est du pays, que la majorité d'entre eux ont trouvé refuge. Ce sont 263 familles (près de 700 Nigériens) qui ont élu domicile dans un camp de fortune, dans des tentes en plastique noir, à proximité de la station de bus et de taxis, à l'entrée de la ville de Guelma. Depuis leur arrivée, ces familles se sont agrandies : une dizaine de bébés sont nés à l'intérieur de ces abris de fortune. Et contrairement à ce que déclarent les officiels algériens, ces familles manquent de tout. Parquées sous ces tentes en plastique, elles vivent dans des conditions insupportables, sans aucune commodité. Pas d'hygiène. D'ailleurs, à côté de leur «campement» croissent des monticules d'ordures. Cela étant, pour rejoindre ce site, il y a près d'une année, ces familles ont – après avoir payé leur «passeur» à raison de 3 millions en monnaie nigérienne – transité à bord de camions par les villes de Tamanrasset, puis Ghardaïa et enfin Guelma. Elles sont toutes venues de Zender, une région du Niger très pauvre. «Contrairement à ce que pensent certains, ce n'est pas la guerre qui nous a fait fuir de notre pays, mais la misère», rectifie Mohamed Ismaïl. Mohamed – que ces familles ont délégué pour être leur représentant – est le seul à maîtriser un peu la langue française ; les autres migrants ne parlent que le haoussa, un dialecte du Niger. Une première vague de leurs compatriotes a pris déjà la destination de Tamanrasset dans le cadre d'un plan de rapatriement, initié par le gouvernement algérien à la demande du chef d'Etat du Niger. Les Nigériens de Guelma, eux, refusent de retourner dans leur pays. Interrogé, Ismaïl Mohamed, inquiet, s'est dit «agacé» par la demande de rapatriement de leur Président. C'est avec nervosité qu'il nous répond : «Le Président veut nous faire chasser d'Algérie, mais nous n'allons pas partir.» Et pour cause, les Nigériens que nous avons rencontrés à Guelma se sentent en sécurité et mieux pris en charge par la population algérienne. «Nous voulons rester ici, car nous recevons beaucoup de cadeaux et nous voulons travailler et avoir des papiers», ajoute-t-il. Par cadeaux, Mohamed fait allusion aux dons des familles guelmies : «Nous sommes pris en charge par la population algérienne, nous recevons des couvertures, des produits alimentaires, des couches bébé, des habits…» Ces familles sont également soignées gratuitement dans les hôpitaux. Ce qui fera dire d'ailleurs à Ismaïl Mohamed que les Algériens sont «très généreux» et ne sont «pas racistes». Mais il regrette qu'aucune autorité nigérienne ni algérienne ne leur ait rendu visite. Néanmoins, des équipes de la Protection civile et de la Gendarmerie sont sur place pour s'occuper de leur recensement et de leur identification. «Même ceux qui n'ont pas de papiers sont recensés par leur déclaration, en attendant la confirmation de leur identité», précise une source du commandement de la Gendarmerie nationale, qui indique que «la gendarmerie a lancé la création d'un fichier spécial pour les réfugiés subsahariens qui vise, en plus du recensement, la coordination avec les pays d'où sont originaires ces migrants clandestins».