Depuis novembre 1997, date de sa création, la Coopérative agricole régionale spécialisée en culture industrielle (Carsci) Lalaymia Lakhdar, l'une des plus importantes du pays, est confrontée à une gestion anachronique de son patrimoine. C'est ce que révèlent les documents contenus dans le volumineux dossier transmis au tribunal de Annaba par la wilaya, la direction des impôts, la majorité des 1002 agriculteurs adhérents à cette coopérative et le syndicat des travailleurs. Sur le terrain, les 2 unités de conserverie (Annaba - Ben M'hidi) sont à l'arrêt depuis 1997. Elles sont vouées à la dégradation. La troisième à Bouteldja se limite à travailler pour le compte d'une société turque spécialisée dans la commercialisation du CT. Les équipements de l'unité de menuiserie, ébénisterie et celle de production de coton, unique en Algérie, sont à l'abandon. Les hangars et les locaux commerciaux ont été loués à des particuliers dans des conditions qui restent à éclaircir. Le même constat d'abandon caractérise également les immenses hangars de la tabacoop Dréan (El Tarf). Des centaines de tonnes de tabac de la campagne 1997 sont la proie des larves. Propriétaire de ce patrimoine par la force de 2 arrêtés d'intégration aux Domaines de l'état qu'elle a émis en avril 2005, la wilaya de Annaba semble se complaire dans l'attentisme. Conséquences : La mise à l'arrêt des conserveries de Annaba et Ben M'hidi, ajoutée à celle de la majorité des 23 conserveries privées couvrant 80% des besoins nationaux en concentré de tomates, a entraîné un important flux des importations de ce produit. Outre la perte de 5000 ha de terre sur les 8000 destinés à la culture de la tomate industrielle, le CT fait l'objet de nombreuses opérations de contrebande. La toute récente a été mise au jour par la Douane algérienne à El Ayoun (Tarf) poste frontalier avec la Tunisie avec la saisie de 350 t fin juillet 2006. Le coton est confronté à la même situation. Après un démarrage prometteur en partenariat avec une société française en 2004, l'unité d'égrainage de Annaba a été fermée. Bon nombre d'agriculteurs intéressés par cette spéculation agricole ont fait marche arrière hypothéquant de fait la politique de relance de cette culture élaborée par le ministère de l'Agriculture. Egalement hypothéqué l'accord de partenariat avec la société française et les engagements pris pour le développement des surfaces cotonnières. Au plan social, 410 postes de travail déclarés par la direction de la Carsci dans sa lettre adressée le 12 février 2006 au ministère de l'Agriculture n'ont pu être sauvegardés. Plus de 70 travailleurs toujours en poste n'ont pas perçu leur salaire depuis le mois de février 2006. L'abandon de la culture de la tomate industrielle par les agriculteurs a entraîné la perte de quelque 60 000 postes d'emploi entre permanents et saisonniers. « C'est la conséquence du trafic à grande échelle qui s'opère dans l'importation du CT. Sur les 23 conserveries, il n'en reste à peine que cinq. Toutes les autres ont déclaré faillite. La cession de la conserverie de Bouteldja sous le couvert d'une prestation de service mérite l'intéressement des services concernés », affirment en chœur plusieurs opérateurs économiques versés dans la transformation agroalimentaire. Le dossier de la Carsci Lalymia Lakhdar comporte également la plainte de la wilaya de Annaba à l'encontre de ses 12 gestionnaires. Il leur est reproché des passations de marchés publics contraires à la réglementation, la dilapidation des biens publics, la location dans des formes qualifiées de douteuses de la conserverie de Bouteldja à une société Turque et celle des locaux à des particuliers. Y figure aussi des impayés fiscal et parafiscal s'élevant à plusieurs dizaines de millions de dinars. Situation que rejette Hocine Sebti, directeur de l'administration et des finances de cette coopérative agissant au titre de premier responsable. « Depuis l'intégration du patrimoine Carsci Annaba aux Domaines de l'Etat, nous n'avons plus rien à voir dans la gestion des biens de la Carsci Annaba. Pour le paiement de leurs arriérés de salaire, les travailleurs doivent s'adresser à la direction des Domaines. Nous nous limitons à gérer la conserverie de Bouteldja. Nous travaillons en toute légalité pour le compte d'une société turque. Nous n'avons que 5 millions de dinars de dettes fiscales qu'en accord avec la direction des impôts El Tarf, nous réglons sur la base d'un échéancier. Tout ce qui se dit sur des malversations commises n'est que pure affabulation », a-t-il dit. Ce n'est pas l'avis de Touaref Abdelaziz, président du conseil syndical de la Carsci. Tout en affirmant que la situation est le fait de nombreuses anomalies dans la gestion du patrimoine de la Carsci, il déclare : « Les 73 pères et mères de famille travailleurs permanents à la Carsci n'ont pas perçu leurs salaires depuis le mois de février 2006. Notre salaire est un droit. Nous avons saisi individuellement la justice. Entre temps, nous vivons de la charité de nos proches. C'est un appel de détresse que nous lançons. »