Pour Ali Yahia Abdenour, l'opposition ne devrait plus se confiner dans un rôle modéré mais investir la rue pour «se débarrasser de la dictature». Pour contraindre le pouvoir à céder, l'opposition devra «organiser des manifestations publiques pacifiques». Jamais Ali Yahia Abdennour, chantre du pacifisme, n'a été aussi offensif contre le régime. Le vieux militant des droits de l'homme, invité hier du forum du quotidien Liberté, a indiqué que l'opposition n'a «désormais pas le choix». Interrogé sur les actions qu'il faut mener pour se «débarrasser de la dictature», maître Ali Yahia – d'un ton serein qui fait presque oublier qu'il fêtera en janvier ses 94 ans – indique que «l'opposition, réunie pour la première fois, doit frapper fort». Et au fil de la discussion, il affiche de mieux en mieux son intention. «Officiellement, l'état d'urgence n'existe plus depuis 2011. Rien ne nous empêche, donc, de marcher et d'exprimer nos positions de manière pacifique», explique l'avocat, qui reconnaît que si les Algériens ne bougent pas jusque-là, c'est que «la dictature dispose d'argent» qui lui permet de faire taire le peuple. A ceux qui lui reprochent de pactiser avec les islamistes, présentés comme des ennemis de la démocratie et de la liberté, Ali Yahia Abdennour renvoie ces partis à leurs engagements publics. «Ces partis (islamistes, ndlr), ont dit publiquement qu'ils respectaient la démocratie et les libertés. Je m'en tiens à cela. Pour le reste, mon objectif est de réunir tous les Algériens, au-delà des obédiences politiques, autour du seule objectif : la liberté», a-t-il clamé, citant au passage Victor Hugo : «Libérez la liberté, la liberté fera le reste.» Mais la solution ne peut venir sans «l'implication des institutions». «L'armée doit assumer ses responsabilités. Je ne lui demande pas d'opérer un coup d'Etat, mais elle peut contraindre ceux qui sont au pouvoir d'appliquer les lois en vigueur», a-t-il dit dans une déclaration qui en a étonné plus d'un, surtout que l'orateur est connu pour être un farouche opposant à toute intervention de l'armée dans le jeu politique. «Le FFS, une opposition du pouvoir et non au pouvoir» Avant de parvenir à cette conclusion, Abdennour Ali Yahia a tonné, à plusieurs reprises, que l'Algérie est gérée par «une dictature». «A partir du moment où il n'y a pas séparation des pouvoirs, les ingrédients d'une dictature sont réunis», argumente-il. Il a donné comme exemple la non-application des lois. «L'article 88 de la Constitution est clair : le Président n'est plus en mesure d'assurer ses fonctions. Que la loi soit appliquée ou qu'on la supprime. Mais ce Président a l'habitude de violer la Constitution et toutes les lois du pays», accuse le militant des droits de l'homme. Répondant à ceux qui avancent que l'article 88 ne peut être appliqué, Ali Yahia Abdennour estime que le problème est dans «la volonté» et non dans les moyens. Après avoir tenté de ne pas «blesser certains, surtout que je suis en fin de vie», Ali Yahia Abdennour a fini par se lâcher contre le FFS : «Certains responsables veulent nous faire croire que ce parti peut prendre des décisions en l'absence de Hocine Aït Ahmed. Or, cela est faux», a-t-il jugé avant d'asséner : «Le FFS est devenu non un parti de l'opposition au pouvoir, mais un parti d'opposition du pouvoir.» Applaudissements.