La sortie du président d'honneur de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH), Me Ali Yahia Abdennour, appelant l'armée à déposer Bouteflika pour raison de santé en application de l'article 88 de la Constitution sur l'état d'empêchement du président de la République, a choqué les partisans de l'ordre républicain. Particulièrement les milieux qui ont fait une lecture stricto sensu de la déclaration du vieux militant de défense des droits de l'homme. Lesquels découvrent avec ahurissement une personnalité ignorée de Me Ali Yahia Abdennour suspecté de bénir un putsch militaire pour faire partir Bouteflika en s'appuyant sur l'institution militaire, considérée par l'homme comme la détentrice du pouvoir, seule apte à faire appliquer la disposition constitutionnelle sur l'empêchement. Venant de la part d'un vieux militant des droits de l'homme qui a fait de la question de la restitution du pouvoir aux civils en Algérie un credo de son action militante, la proposition peut paraître incongrue, voire comme un reniement par rapport aux principes d'un Etat républicain qu'il a défendu avec constance durant son long combat au service des droits humains. En homme de loi, Ali Yahia Abdennour connaît pourtant parfaitement les mécanismes constitutionnels par lesquels le président de la République peut être destitué en cas de maladie grave ou invalidante qui l'empêcherait de terminer son mandat. Mais il considère que l'armée qui, de son point de vue, n'a jamais quitté la scène politique, constitue toujours en Algérie la source du pouvoir réel. Et c'est à ce titre qu'il a cru bon de s'adresser au bon Dieu qu'à ses saints, sachant que le Conseil constitutionnel habilité, au regard de la loi fondamentale, à constater dans les formes légales définies par la Constitution l'état d'empêchement du président de la République pour cause de maladie grave, ne peut pas se faire violence en lâchant Bouteflika, connaissant la proximité de l'institution avec le chef de l'Etat et principalement son président, M. Bessaïeh. Tout comme il est difficile d'imaginer le Parlement – à qui revient constitutionnellement de déclarer la vacance du pouvoir à la majorité des deux tiers de ses membres réunis dans ses deux chambres – entrer en rébellion contre Bouteflika en l'abandonnant au milieu du gué. On voit mal en effet le Parlement, dominé par la majorité présidentielle, offrir sur un plateau d'argent la tête de Bouteflika à ceux qui réclament son départ sous quelque forme que ce soit. A moins d'un signal de l'institution militaire. Encore faudrait-il que cette cause soit entendue au niveau de la hiérarchie militaire. Même dans ce cas de figure, il ne faudrait pas s'attendre à ce que l'armée se mette en avant et prenne le risque de sortir son artillerie lourde sur un terrain découvert, dans un contexte international où le moindre bruit de bottes, même sourd, ne reste pas impuni. La santé du Président, qui s'est invitée dans le débat sur la transition politique en Algérie, pourrait constituer, au besoin, une planche de salut pour les décideurs en vue de ménager une porte de sortie honorable, un départ en douceur à Bouteflika. La question qui se posera alors est de savoir si le système en place survivra ou non à Bouteflika ?