Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a repris sa croisade contre ses opposants, notamment contre les partisans du prédicateur moderniste Fethullah Gülen, auto-exilé aux Etats-Unis. La police a opéré hier une vaste opération coup-de-poing qui a ciblé notamment des journalistes, dont le rédacteur en chef du quotidien Zaman, proche du mouvement Gullen. Cette nouvelle rafle, après celle gigantesque effectuée en décembre 2013 contre les juges et les policiers accusés de comploter contre son gouvernement, intervient deux jours après l'annonce par Erdogan d'une opération contre les «force du mal». La police antiterroriste a donc mené hier matin des opérations dans treize villes de Turquie dont Istanbul, arrêtant au total au moins 24 personnes, principalement des journalistes, dont Ekrem Dumanli, le rédacteur en chef de Zaman, le grand quotidien en Turquie. Ces arrestations faisaient suite aux mandats d'arrêt délivrés contre 32 personnes au total dont la majorité des journalistes, accusées entre autres de «former un gang pour tenter d'attenter à la souveraineté de l'Etat», selon l'agence gouvernementale Anatolie. La rafle ordonnée par Erdogan a ciblé aussi des dirigeants de la chaîne de télévision «Samanyolu» (voie lactée) proche de Fetullah Gullen, dont un directeur, des producteurs et des journalistes. Samedi, une foule de protestataires s'est massée devant l'immeuble du journal Zaman, situé à la périphérie d'Istanbul pour empêcher l'interpellation du journaliste Ekrem Dumanli. «Une presse libre ne peut être réduite au silence !» scandait la foule. Mais le journaliste a lancé ceci à la police : «La personne à arrêter attend ici. Je vous en prie, venez me chercher. Je vous attends ici». Auréolé de son statut de président de la République qu'il s'est offert au prix d'un amendement de la Constitution, Tayyip Erdogan qui a promis de changer de style est finalement rattrapé par son tempérament sanguin qui ne tolère aucune voix discordante. Le mouvement socio-religieux du prédicateur Fathullah Gullen, qui a souvent pointé le pouvoir autoritaire d'Erdogan et la pratique de la corruption au sein de l'AKP et du gouvernement, subit ainsi un retour de flamme. L'ex-Premier ministre avait d'ailleurs tenté d'empêcher l'enquête pour corruption qui a abouti à l'arrestation d'une dizaine d'hommes d'affaires et d'hommes politiques, dont les fils de trois ministres du gouvernement Erdogan. Depuis, c'est la guerre déclarée. L'ex-Premier ministre devenu Président a promis, vendredi dernier, de neutraliser les partisans de Gullen et de les «poursuivre jusque dans leurs repaires». Selon des détails publiés sur un compte Twitter, la police d'Erdogan vise à interpeller quelque 400 personnes, dont 150 journalistes.