La nature des conflits en Afrique ayant changé, le terrorisme transfrontalier, la piraterie maritime, la pauvreté, la mauvaise ou insuffisante gouvernance…ont été les principaux sujets de ce forum informel, conçu comme une «plateforme de réflexion» et d'échanges entre politiques, militaires et experts. Dakar De notre envoyée spéciale La maîtrise des territoires, la gestion des espaces frontaliers, la sécurisation des frontières deviennent, dans ce nouveau contexte de conflictualité, des enjeux sécuritaires centraux, a-t-il été dit. Ce forum découle d'une recommandation des chefs d'Etat africains présents au sommet de l'Elysée les 6 et 7 décembre 2014 et dans laquelle ils avaient proclamé leur intention de prendre en main la sécurité de leur propre continent. A la manœuvre, deux think-tanks, l'Institut panafricain de stratégies (IPS) présidé par cheikh Tidiane Gadio (ex-ministre des Affaires étrangères du Sénégal) et la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) avec le soutien des autorités françaises et sénégalaises et le concours de la Compagnie européenne d'intelligence stratégique (CEIS). Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta, le président mauritanien et président en exercice de l'UA, Mohamed Ould Abdelaziz, les présidents tchadien Idriss Deby et sénégalais Macky Sall ainsi que le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, ont pris part à la séance de clôture. Une belle affiche, mais aussi beaucoup d'absents parmi les dirigeants de pays de première ligne, comme l'Afrique du Sud, le Nigeria, l'Algérie. Pas de représentant non plus du Niger, directement concerné par les menaces saharo-sahéliennes, ni du Burkina Faso, ni de la RCA... Macky Sall a fait référence à une approche globale dans l'identification des facteurs de déstabilisation, mais aussi dans les réponses. Il a appelé à la mutualisation des moyens humains et financiers pour constituer des forces spéciales bien formées et équipées pour face face aux situations de crise. La prise en charge par les Etats africains de la prévention et de la gestion des crises se heurte à un manque de financement, un problème récurrent. Le commissaire de l'UA à la paix et la sécurité, Smaïl Chergui, a indiqué que le prochain sommet de l'UA, en janvier 2015, sera saisi d'un rapport des ministres des Finances membres de l'organisation continentale. «Nos partenaires doivent nous aider à lutter contre les trafics en tous genres qui sont des supports et des apports au terrorisme. Il faut éviter d'être laxistes en payant des rançons qui donnent au terrorisme des moyens de prospérer», a affirmé le président Ould Abdelaziz. «Peut-on imaginer un Népad sécuritaire ?», avance, pour sa part, le président sénégalais. Et de rappeler que le Népad a été un plan développement économique destiné à combattre la pauvreté conçu par les Africains pour les Africains. Répondant au président sénégalais Macky Sall, qui avait jugé quelques minutes plus tôt qu'en Libye «le travail [était] inachevé», le président tchadien Idriss Deby a rétorqué : «Le travail a été achevé ! La destruction de la Libye ! L'assassinat d'El Gueddafi. Ce qui n'a pas eu lieu, c'est le service après-vente.» «Ce que nous voyons aujourd'hui, le terrorisme, a pris naissance après 2011. Quand ils ont attaqué la Libye, nos amis occidentaux n'ont pas demandé notre avis ni quand ils divisé le Soudan en deux. La Libye est devenue un terreau de tous les fléaux, le Mali est une conséquence directe de la destruction de la Libye, Boko Haram aussi. La solution est entre les mains de l'OTAN, qui a créé le désordre en Libye. Les Nations unies, qui ont donné leur quitus, sont responsables aussi !» «Comment négocier avec des fondamentalistes, ce n'est pas possible. Si on veut régler le problème du Sahel, du Sud Sahara il faut régler le problème de la Libye.». Et d'insister sur l'importance de «se doter de quelques unités opérationnelles». «On nous avait dit qu'on n'avait pas besoin d'armée, mais de développement. On n'a eu ni développement ni armée...» Et de plaider pour une force armée sous le contrôle de l'UA et d'elle seule. Pour sa part, le président Ould Abdelaziz a condamné le versement de rançons dans les affaires d'otage : «Il faut éviter le laxisme envers les preneurs d'otage. Il faut éviter de payer des rançons qui leur donnent encore plus de moyens d'exister. C'est encourager le terrorisme.» Jean-Yves Le Drian préconise une «sécurité collaborative» pour l'Afrique. «Dialogue, coopération, gestion partagée sont la seule réponse efficace à des menaces communes», a-t-il ajouté. «Il n'y a plus de place pour une gestion solitaire des crises. Cette dynamique est portée par l'Afrique. Nous sommes là pour l'accompagner.»