Les bureaux de sondage ont entamé depuis deux ans des vagues de sondages mensuels concernant les personnalités et les partis politiques. Tunis De notre correspondant Comme c'est la troisième fois en moins de deux mois que je vais au bureau de vote, j'ai acquis de l'expérience», dit, en souriant, Sana, la quarantaine, cheveux dégagés, conseillère d'orientation auprès du ministère de l'Education nationale. «C'est très important pour moi de venir voter car il s'agit de trancher définitivement avec le modèle sociétal rétrograde, prôné par Ennahdha durant les trois dernières années, et de confirmer l'option libérale de la société tunisienne, telle que tracée par Bourguiba et tous les réformistes ayant forgé la Tunisie actuelle», poursuit cette lettrée, habitant à El Mourouj, banlieue bourgeoise de Tunis. Sana dit se considérer comme «une militante de la société civile, plutôt qu'une partisane». Du côté de la cité Ettadhamen, quartier populaire à l'ouest de Tunis, les files sont là, devant les bureaux de vote, à l'école primaire Assad Ibn Fourat. «Nous en avons marre des promesses qui ne sont jamais tenues», lance à haute voix Samir, un trentenaire, affichant clairement sa sympathie pour Béji Caïd Essebsi. «Je suis diplômé en sciences de l'information depuis six ans. Pourtant, je n'ai jamais travaillé», dit-il, désabusé. «Peut-être qu'avec Bajbouj, la communauté internationale va se décider à investir en Tunisie et il y aura un début de relance économique», espère ce chômeur. Les propos de Samir ont provoqué des réactions parmi les électeurs attendant leur tour. «Il y a un risque certain de retour de la dictature si Béji Caïd Essebsi remporte l'élection présidentielle, après que son parti, Nidaa Tounes, a remporté les élections législatives», réagit Chaïma, une jeune étudiante voilée. «La concentration des pouvoirs législatif et exécutif entre les mains de Nidaa Tounes ne fera pas que du bien à la jeune démocratie en Tunisie», poursuit-elle. Mêmes tendances La discussion qui a suivi, entre les électeurs présents, concernant les côtés positifs de l'un et l'autre des candidats, explique clairement les résultats, pratiquement à égalité dans ce centre de vote, entre Béji Caïd Essebsi et Moncef Marzouki, le 26 novembre dernier, et, avant cela, entre Nidaa Tounes et Ennahdha pour les élections législatives. Comme pour les élections législatives du 26 octobre dernier et le premier tour de l'élection présidentielle, le 23 novembre, les bureaux de sondage ont fait des statistiques «sortie des urnes». S'il est vrai que les résultats, annoncés le 23 novembre dernier, comportaient des erreurs, notamment concernant les pourcentages de voix obtenus par Béji et Marzouki, les tendances étaient là, sans oublier le fait que les résultats obtenus lors des élections législatives étaient très bons», pense le dirigeant de Nidaa Tounes, Néji Jalloul. Cet avis n'est pas partagé par le camp de Moncef Marzouki, lors du premier tour de l'élection présidentielle ni par Ennahdha, lors des élections législatives. «De telles statistiques risquent d'induire les électeurs en erreur, sans oublier le fait que ces résultats sont annoncés alors que certains bureaux de vote en Amérique sont encore ouverts», proteste le dirigeant du CPR, Samir Ben Amor, ancien conseiller du candidat-président, Moncef Marzouki. Cette polémique n'a pas empêché les bureaux de sondage de continuer à faire leur boulot et poursuivre ce qu'ils avaient régulièrement fait pendant les trois campagnes électorales, voire même avant. En effet, les bureaux Sigma Conseil, 3C et Emrohd ont entamé depuis deux ans des vagues de sondages mensuels concernant les personnalités et les partis politiques. Nidaa Tounes et Béji Caïd Essebsi ont toujours occupé le haut du tableau dans ces divers sondages. Les urnes ont confirmé ces tendances lors des élections législatives et du premier tour de la présidentielle. Si l'on continue à se fier à ces experts, c'est Béji Caïd Essebsi qui sera le président de la Tunisie, lors des cinq prochaines années. Déjà, son directeur de campagne, Mohsen Marzouk, a annoncé la couleur, juste après la fermeture des bureaux de vote en Tunisie. «Selon les premiers échos qui nous sont parvenus, Monsieur Béji fait la course en tête», a notamment déclaré Marzouk aux médias.